Depuis le 10 mai 2010, les neuf
tentatives successives de résoudre les problèmes des
États membres de la zone euro ont toutes échoué. La
crise des dettes publiques européennes, partie de Grèce,
d’Irlande et du Portugal, s’est propagée à
l’Italie et à l’Espagne.
Les règlementations
monétaire et financière de la zone euro expliquent la
dangerosité de la situation actuelle. La politique de création
monétaire au sein de la zone euro permet artificiellement aux
États trop endettés de se financer. La Banque centrale
européenne (BCE), via les banques centrales nationales, rachète
les obligations d’État aux banques privées en
échange de leur refinancement, sans faire de différence
significative entre obligations d’États endettés et trop
endettés.
Cette politique a comme objectif
d’attirer le financement nécessaire à l’achat
d’une grande quantité de dettes souveraines à court
terme. Leurs obligations trouvant artificiellement preneurs, les États
trop endettés ont donc fait le choix de continuer à
créer de la dette, attirant le scepticisme justifié des
investisseurs internationaux au fur et à mesure que
s’assombrissait la perspective de croissance des économies
concernées.
Le système financier de la
zone euro repose ainsi sur un aléa moral qui est la conséquence
du refus politique de voir un État membre de la zone faire
défaut sur sa dette publique et de règles fixées par la
BCE favorisant à la fois les États les plus endettés et
les obligations d’État à court terme.
Maintenant que les gouvernants européens réclament des investisseurs
privés qu’ils renoncent
à une partie de ce qui leur est
dû, ceux-ci exigent des taux d'intérêt plus élevés
en échange de la détention
de ces dettes souveraines.
Mais cette hausse des taux accélère la
course des États trop endettés vers le défaut de
paiement.
Le fonctionnement actuel du
système de paiements de la zone euro a pour objectif le
renflouement opaque d’États trop endettés afin de ne pas
faire éclater la zone elle-même. Mais puisque le nombre d’États à risque
augmente, ce système de sauvetage n’est plus en mesure de faire
face au volume d’achat potentiels requis.
Étant donné la
situation actuelle, il semble qu’il y ait peu de chance pour que les
décideurs européens puissent éviter d’aller dans
la direction d’une réduction de l’aléa moral
présenté ci-dessus, auquel cas il serait
préférable qu’ils se préparent à faire face
à un nombre substantiel de défauts de
paiement étatiques et à une large
restructuration des dettes bancaires.
On peut envisager trois scénarios pour les prochains mois:
• Les décideurs
européens restent dans les limbes actuels, incapables de choisir
l’une ou l’autre option politique. Des faillites bancaires et
étatiques désordonnées s’en suivront par vagues
successives, rendant majoritaires les États en situation
désespérée, ce qui aura pour conséquence
d’amener la BCE à choisir une politique inflationniste. En annonçant qu’elle
achèterait un nombre illimité d’obligations
étatiques, la BCE démontrerait qu’elle est prête
à assumer un rôle de mécanisme de renflouement budgétaire
pour les pays européens. Cette politique permettra
d'éviter ou de limiter les faillites étatiques mais
elle conduira à une forte baisse de la valeur de l'euro et une
inflation plus élevée, accroissant les dissensions entre
capitales européennes et le mécontentement
électoral.
• Les décideurs
européens choisissent de mettre fin à l’aléa moral
de la zone euro. Cela se fera d’une manière plutôt
désordonnée mais la restructuration des dettes souveraines et bancaires
des pays à haut risque et la recapitalisation des banques des pays
à risque moins élevé peuvent atténuer les
perturbations de ce scénario à l’allemande.
• Les décideurs
européens redeviennent crédibles et accouchent d’un plan
évitant inflation et défaut de paiement. Ce plan reposerait sur
des mesures de réduction des déficits publics (réduction
des dépenses publiques) bien plus importants et rapides que ce qui
existe en ce moment dans la périphérie de la zone euro.
Dans le contexte actuel de perte
de crédibilité des hommes d’États
européens, d’inaptitude politique à réduire les
dépenses publiques et de croissance économique moribonde, ce
troisième scénario a peu de chance de se réaliser.
De plus, parce que les
contribuables ont des intérêts moins concentrés
que certains groupes de pression, les hommes d’États
européens préfèrent augmenter le niveau
d’imposition plutôt que baisser les dépenses publiques. Or
une hausse de la fiscalité accroit l’évitement fiscal et
empire la situation en ne relançant pas l’économie :
on n’a jamais vu un pays devenir plus riche par une hausse
d’impôt.
Ce troisième
scénario reposant sur la baisse des dépenses publiques est
pourtant le seul permettant de résoudre la crise actuelle de
manière durable puisqu’il permet la réforme des finances
publiques et l’amélioration de la compétitivité
des pays de la zone euro.
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