Le
comité monétaire de la banque centrale américaine va se
réunir mardi et mercredi, dans le contexte d’un nouveau
ralentissement de la croissance du pays – +1,5% au second trimestre
– qui se poursuit depuis le début de l’année. Que
va-t-il bien pouvoir décider cette fois-ci ?
Deux
opérations successives de quantitative easing
(assouplissement quantitatif) baptisées QE1 et QE2 ont
déjà permis à la Fed d’injecter 2.300 milliards de
dollars en achetant des obligations du Trésor ou des titres
émis par des organismes de refinancement hypothécaires. Une
troisième opération de création monétaire est
depuis pendante, au vu des résultats mitigés des deux
précédentes.
La
Fed n’est pourtant pas restée les bras croisés, ayant
lancé puis prolongé un programme intitulé « swift » d’un montant de 647 milliards de
dollars, qui vise à augmenter la maturité de la dette en sa
possession, afin de faire baisser le taux des titres longs sur le
marché et de contribuer par ses achats au financement à long
terme de la dette. Pour ce faire, elle procède à des
échanges de titres au sein de son portefeuille : maturité
courte contre maturité longue, sans création monétaire.
Elle a aussi annoncé que son principal taux directeur resterait
quasiment nul, « au moins jusqu’en 2014 », afin de donner
aux établissements financiers visibilité et assurance.
Va-t-elle
ou non aller cette fois-ci plus loin ? On va le savoir sans tarder. Mais une
autre question restera sans réponse, au moins dans
l’immédiat : quel effet une nouvelle injection monétaire
pourrait-t-elle avoir ? Le débat à ce sujet s’est
déplacé et au spectre d’un départ inopiné
de l’inflation causé par une création à
répétition a succédé une interrogation sur la
capacité de la Fed à relancer la machine économique, Ben
Bernanke, son président, accordant
désormais toute son attention aux risques de déflation et
n’hésitant pas à le dire.
La
crise européenne a été mise en avant comme étant
à l’origine des « vents contraires » auquel
l’économie fait face, escamotant ses problèmes propres.
La période électorale actuelle n’est pas propice à
l’introspection, ni à l’anticipation de ce que fera le
président nouvellement élu face au mur budgétaire
en fin d’année. Faute d’accord sur des mesures de
réduction du déficit au Congrès, un paquet de
dépenses publiques et de réductions d’impôts
expireront en effet automatiquement à cette échéance,
mécontentant tout le monde mais permettant à chacun de se
renvoyer la responsabilité. La réduction de la dette
américaine n’a pas plus de solution que les autres.
L’impasse
enregistrée dans la zone euro ne lui est donc pas spécifique.
Le cousin britannique ne se comporte pas mieux non plus : selon une
première estimation de l’Office des statistiques nationales, le
PIB a diminué de -0,7 % au deuxième trimestre. Pour la
troisième fois consécutive, une baisse est enregistrée,
un phénomène de récession jamais enregistré
depuis 1955, date de création des statistiques trimestrielles.
À noter que le résultat définitif est
généralement en baisse par rapport à l’estimation
initiale.
La
conséquence sur les finances publiques britanniques ne s’est pas
faite attendre : les revenus fiscaux ont reculé et les allocations
chômage progressé (-10,8 milliards de livres contre +15,4). De
944,6 milliards de livres en juin 2011, le déficit public a atteint
1.038 milliards en juin 2012. La stratégie de désendettement
britannique ne fonctionne pas, ce qui n’empêche pas David Cameron
de la poursuivre, sans s’appesantir sur la date lointaine à
laquelle elle produira ses résultats. Gagner du temps allonge par
contre la durée de la peine, ce qui n’est pas propre à la
Grande-Bretagne.
Le
conseil des gouverneurs de la BCE va se réunir jeudi prochain et il
est attendu au tournant. Après Angela Merkel
et François Hollande, Mario Monti a aussi déclaré
qu’il fera tout pour sauver l’euro – ce qui tourne au gag
involontaire, car personne ne dit comment – mais voilà au moins
une chose sur laquelle tout le monde est d’accord. Jean-Claude Juncker
a mis les pieds dans le plat en déclarant au Figaro : « Comment
l’Allemagne peut-elle se payer le luxe de faire de la politique
intérieure sur le dos de l’euro ? Si les seize autres pays en
faisaient autant, que resterait-il du projet commun ? La zone euro
n’est-elle plus qu’une succursale de la République
fédérale ? ».
Tim
Geithner, le secrétaire d’État
au Trésor américain aura successivement rencontré
Wolfgang Schäuble et Mario Draghi
d’ici jeudi, dans l’espoir de forcer les décisions. Car si
les hypothèses ne manquent pas à propos de ce que la BCE
pourrait décider, aucun signe n’a été donné
d’un déblocage allemand qui, dans les faits, semble la paralyser
dès qu’il s’agit d’intervenir sur le marché
obligataire. L’Allemagne semble encore bloquer l’intervention du
FESF, ce qui stoppe celle de la BCE. Sauf de manière contournée
en finançant une nouvelle fois les banques pour qu’elles se
portent acquéreur de la dette espagnole et italienne, à
condition d’encore diminuer ses exigences en matière de garantie.
L’indépendance de la BCE est formellement
réaffirmée par le gouvernement allemand, mais la Bundesbank
veille à sa place au grain et le fait savoir. Mario Draghi rencontrera Jens Weidmann
avant la réunion du Conseil des gouverneurs.
Les
banques centrales ne sont plus ce qu’elles étaient.
Billet
rédigé par François Leclerc
Son livre, Les
CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION vient de
paraître
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