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La question environnementale en URSS : entre productivisme et bureaucratie

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Publié le 16 avril 2015
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Rubrique : Editorial du Jour

 

 

 

 

Le Gosplan a décrété dès 1921 que l’augmentation des forces productives était la principale priorité de l’Union soviétique. Il apparaît dans ce cadre précis qu’économie et écologie semblent s’opposer très clairement. Lorsque l’Union soviétique réunit le « Premier Symposium international de la protection de la nature des pays socialistes » en 1957, le terme d’écologie politique1 vient d’être inventé par un des fondateurs de la Société du Mont Pèlerin, Bertrand de Jouvenel, dont l’importance de l’œuvre en matière d’écologie est désormais réévaluée2.

 

Un productivisme exacerbé

 

Marie Mendras3 notait en 1982 que la protection de l’environnement est en général sacrifiée au profit des performances économiques en URSS. Elle mettait en exergue le fait que les progrès sociaux souffrent d’une démarche extrêmement productiviste. L’Union soviétique a en effet choisi comme objectif prioritaire l’augmentation de ses forces productives. À tel point que l’on parle d’éco-centrisme ou d’économisme4 pour désigner la doctrine léniniste.

 

La ligne favorable à l’industrialisation se renforce avec Staline et le Gidroproekt, politique tournée vers la production quantitative et l’industrialisation à outrance, à tel point que l’on parle d’une « religion de la croissance »5 en URSS. La doctrine du stakhanovisme, sorte d’utilitarisme patriotique exacerbé, en a été une expression très aboutie. Malgré les inflexions positives qu’avait laissé espérer le Symposium de 1957, la mystique khrouchtchévienne du dépassement du Plan a eu des conséquences désastreuses sur l’environnement. Ce productivisme est aggravé par les déséquilibres sectoriels causés par la politique économique planifiée, au profit d’industries lourdes polluantes.

 

Une partie des opposants à la doctrine soviétique vis à vis de l’environnement viennent de son propre camp. La critique que fait le mouvement écosocialiste du socialisme est à cet égard instructive. L’écosocialisme constate la lacune du marxisme en matière d’écologie et prône en conséquence un socialisme écologique. Michel Löwy critique en cela le mouvement ouvrier parce qu’il est, selon lui, « encore profondément marqué par l’idéologie du progrès et du productivisme »6.

 

Pour en revenir au marxisme, le fait que Marx et Engels voient dans le développement l’unique vecteur de progrès a été critiqué avec l’arrivée de considérations plus subjectives sur la notion de progrès. L’écosocialisme se revendique clairement d’une « émancipation socialiste débarrassée des horreurs du Stalinisme »7.

 

Une vision essentiellement bureaucratique

 

Comme le souligne Marie-Hélène Mandrillon8, les premières alertes concernant l’état de l’environnement sont venues de l’intérieur du système soviétique. Dans les années 1950, des scientifiques et des planificateurs se sont saisis de cette question, mais leur influence est restée limitée. Le réflexe bureaucratique continue toujours de marquer la Russie actuelle, malgré la période Gorbatchev. Le plan de 1974 parle d’intégrer un nouveau chapitre traitant de la « protection de la nature et de l’exploitation rationnelle des ressources naturelles »9. Le tout passe par des organismes de veille, des instituts sanitaires. L’expertise d’État est le « creuset de l’environnement en URSS », pour paraphraser le titre de l’article de Marie-Hélène Mandrillon.

 

En 1975, le ministère de l’agriculture publie son Livre rouge qui répertorie toutes les espèces animales et végétales dont l’existence est menacée. L’action se fait essentiellement dans les hautes sphères universitaires et d’État. La mise en œuvre concrète de la politique est bloquée par les querelles d’école entre les partisans de la « géographie constructive », qui voient la nature comme étant destinée à être transformée au service de l’homme, et des géographes plus conservateurs qui refusent l’interaction entre le monde de la nature et celui des hommes.

 

Par ailleurs, certains instituts déplorent le manque de connaissances dans le domaine de l’environnement10. Dans cette perspective, l’État a deux objectifs majeurs en termes de protection de l’environnement : former des spécialistes et éduquer le peuple par des slogans qui incitent à plus de responsabilité écologique.

 

Qui accuser ?

 

L’instabilité administrative et règlementaire semble avoir été très caractéristique de la gestion de la question environnementale : les nombreux organismes chargés de la protection de l’environnement ont ainsi très souvent changé d’organisation et n’ont jamais pu prendre en charge le problème. La séparation très stricte des différents ministères d’État a aussi causé des lenteurs très dommageables puisque, quel que soit le sujet, si une question concernait plusieurs ministères elle devait forcément être traitée en conseil des ministres.

 

La littérature désigne de manière assez unanime comme coupables la bureaucratie et la forte centralisation des pouvoirs mais aussi de l’économie quant au désastre écologique soviétique, sujet qui est demeuré assez peu abordé après la chute du régime communiste. L’environnement a été sacrifié au profit du développement de l’industrialisation. Comme le note Ruben Mnatsakanian dans L’héritage écologique du communisme dans les républiques de l’ex-URSS : « Toute discussion publique ou protestation (…) était considérée comme une attaque contre une entité sacrée : l’État ».

 

La question des liens entre socialisme, communisme et écologie, qui a été abordée sous un angle théorique dans la première partie de cette réflexion, amène à un constat plus nuancé. Il y a peu de textes marxiens sur lesquels les idéologues communistes auraient pu effectuer une exégèse transposable à des décisions de politique environnementale. Et l’on touche ici à l’effet de théorie : l’application de mesures concrètes dans le cas de l’URSS a été motivée par l’interprétation de textes philosophiques chez Marx et par sa vision du rapport entre l’Homme et la Nature.

 

 

Notes :

1- Bertrand de Jouvenel, « L’économie politique de la gratuité », 1957.

2- Olivier Dard, « Bertrand de Jouvenel et l’écologie », Ecologie et Politique, n° 44, 2012, p. 43-54,  Presses de Sciences Po.

3- Marie Mendras, « Protection de l’environnement et politique économique en URSS », Revue Futuribles, n° 55, mai 1982.

4- Josyane Stahl, « Les problèmes de la protection de l’environnement en URSS : discours et prises de position », Revue d’études comparatives Est-Ouest, numéro 16, p. 49, 1985.

5- Ibid. p. 51.

6- M. Löwy, « Qu’est-ce que l’écosocialisme », Ecologie et socialisme, 2005.

7- Ibid.

8- Marie-Hélène Mandrillon, « L’expertise d’Etat, creuset de l’environnement en URSS », Vingtième Revue d’Histoire, 2012, n° 113, Presses de Sciences Po.

9- Plan d’État de développement de l’économie nationale de l’URSS, 1974.

10- « Aspects méthodologiques des recherches sur la biosphère », ouvrage collectif, 1975.

11- N. F. Izmerov, « Lutte contre la pollution de l’air en URSS », OMS, 1974, p. 11.

12- Ibid., p. 11-12.

 

 

 

 

 

 

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Thomas Harbor est étudiant à Sciences Po et à la Sorbonne en Histoire. Il est secrétaire-général de Think Libéral Sciences Po, l’association qui promeut les idées libérales à Sciences Po. Il est contributeur pour Trop Libre, le blog de la Fondapol, pour Contrepoints ou pour l’Institut Coppet.
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