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Peut-on vraiment orienter le comportement des entreprises par l’impôt ?

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Publié le 29 avril 2015
1268 mots - Temps de lecture : 3 - 5 minutes
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Rubrique : Editorial du Jour

 

 

 

 

Tel est le titre du premier rapport de l’Institut Messine, un nouveau think tank créé en 2014 par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes.

 

Le rapport débute par le triste constat que 44 taxes nouvelles ont été créées entre 2010 et 2014, soit près de 9 par an en moyenne, que trois à cinq lois de finances sont votées chaque année, et que 20 % des articles du code général des impôts sont modifiés chaque année (chiffre de 2008).

 

On assiste donc à une fuite en avant de la fiscalité. Pour renflouer les caisses de l’État, pense-t-on au prime abord. Certes, il s’agit de cela. Mais en partie seulement. La raison principale de l’emballement de la fiscalité est que celle-ci est de plus en plus considérée comme un outil pour inciter et punir les contribuables.

 

Il y a, en effet, la fiscalité incitative. Les entreprises sont alors « inciter à investir et développer leurs activités dans une direction privilégiée par le législateur. La mesure fiscale procure alors une économie d’impôt, sous la forme d’une réduction de taux, d’une réduction d’assiette imposable, ou de l’octroi d’un crédit d’impôt. » C’est la « carotte ».

 

Et puis, il y a la fiscalité punitive. Le législateur cherche à « encadrer les comportements » qu’il condamne ou à en limiter la portée. « Cette fois, la mesure alourdit la charge fiscale au travers d’une augmentation de l’impôt lui-même ou de l’application de pénalités. » C’est le « bâton ».

 

Les auteurs du rapport ne s’attardent pas sur le caractère très contestable de ces politiques fiscales. Pour eux, « la neutralité économique de l’impôt » est « une vertu qui devrait être cultivée », mais ils ne s’étendent pas davantage. Il y aurait pourtant beaucoup à dire sur le fait que de cette façon, l’État s’immisce dans la gestion même des entreprises, se mêlant de tout, et rendant « politique » la moindre de leurs décisions. Des hommes politiques qui n’ont jamais mis les pieds dans une entreprise, aidés par des fonctionnaires protégés dans leur ministère, disent à des entrepreneurs combien payer leurs collaborateurs, comment rémunérer leurs actionnaires, comment investir, mais aussi comment recruter, ou comment former leurs salariés.

 

S’il ne s’attache pas à cet aspect des choses, c’est que le rapport a adopté un biais plus « utilitariste » en s’intéressant essentiellement à l’efficacité des mesures fiscales incitatives.

 

Premier problème soulevé par l’Institut Messine, « la pauvreté des données disponibles » sur l’efficacité réelle et l’impact effectif de la fiscalité comportementale. Les études d’impact a priori sont incomplètes et imprécises, et celles a posteriori sont insuffisantes. Donc, l’État met en œuvre des mesures fiscales pour changer les comportements, mais ne se préoccupe pas sérieusement de leur évaluation. Pour le dire autrement, les hommes de l’État considèrent qu’ils ne prennent que de bonnes décisions. En mesurer l’impact ne serait, par conséquent, que perte de temps.

 

Deuxième problème, les discriminations sont de plus en plus nombreuses. En effet, les mesures fiscales sont de moins en moins les mêmes pour tous. Les dérogations fleurissent, ciblant un secteur d’activité ou une région (les « dispositifs zonés »). L’inégalité devant l’impôt est croissante, fruit d’un lobbying bien mené.

 

Troisième problème, les mesures fiscales incitatives ont un coût colossal : 72 milliards d’euros en 2013, 79 en 2014 et 82 en 2015. « Cumulées, les dépenses fiscales liées au crédit d’impôt recherche (CIR) et au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) représentent près du quart des recettes fiscales de l’impôt sur les sociétés (IS) en 2015 et pourraient atteindre près de la moitié de ces recettes fiscales à partir de 2016. »

 

Quatrième problème, tout cela ne sert pas à grand-chose. C’est le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales qui le dit dans son rapport de 2011 : « 19 % de ces dépenses relèvent de dispositifs incitatifs inefficaces (qui n’atteignent pas leurs objectifs) et 47 % de dispositifs peu efficients » (qui n’atteignent que partiellement leurs objectifs). Pour l’année 2011, cela représentait donc 40 milliards d’euros de dépenses fiscales inutiles.

 

Le rapport s’intéresse alors aux raisons qui font que toutes ces mesures fiscales n’ont qu’une efficacité réduite. Elle vient du fait que les entreprises se méfient de toutes ces mesures qui n’ont souvent pas de cohérence entre elles, voire se contredisent. C’est le cas, par exemple, de la fiscalité immobilière qui incite d’un côté (dispositif Pinel et abattement de 30 % sur les cessions de terrains à bâtir)  et pénalise de l’autre (relèvement des droits de mutation). « L’instabilité chronique de la norme » est aussi la cause d’un attentisme de la part des entreprises. Pour reprendre l’exemple de l’immobilier, les deux mesures citées ci-dessus ont été prises pour atténuer les effets de la loi Alur, « adoptée seulement quelques mois auparavant ». Bref, comme à l’armée, avant d’obéir à un ordre, on attend le contrordre. « Une autre cause d’instabilité dans l’application de la norme fiscale procède des changements de position de l’administration fiscale quant à l’interprétation des textes fiscaux ». Enfin, « la petite rétroactivité » est considérée, par l’Institut Messine, comme « un cancer qui mine la confiance ». De quoi s’agit-il ? Du fait que « la loi de finances dispose rétroactivement pour l’année écoulée, c’est-à-dire que les mesures votées en fin d’année s’appliquent en pratique à des situations nées au cours de l’année » au moment où les entreprises étaient « dans l’ignorance de la règle qui leur serait applicable ».

 

S’agissant de la fiscalité punitive, elle peut sembler plus efficace. Dans la pratique, les entreprises recherchent l’optimisation fiscale, c’est-à-dire « la voie la moins imposée par des moyens légaux. Mais on rencontre de plus en plus d’entrepreneurs qui estiment que le cadre fiscal est aujourd’hui trop rigide en France et, plutôt que de rechercher à optimiser leur situation fiscale, ils envisagent de s’expatrier. Quant aux entreprises étrangères, elles sont de plus en plus nombreuses à ne plus vouloir s’implanter en France ». Bref, cette fiscalité punitive, en faisant figure d’épouvantail, prive l’État de recettes fiscales.

 

Tout cela n’est en quelque sorte que la partie immergée de l’iceberg. Car le comportement des entreprises est aussi orienté par la fiscalité même quand ce n’est pas son but affiché. Ainsi, les règles applicables en matière d’impôt sur la fortune dissuadent certains entrepreneurs de céder leur entreprise, alors que les règles en matière d’impôt sur le revenu incitent d’autres à la céder rapidement. « Dans les deux cas, on observe que c’est le développement de nos PME qui en pâtit ». De même, l’écart d’imposition entre dividendes et plus-values pour les entrepreneurs est un frein supplémentaire au développement des PME. Le rapport donne d’autres exemples.

 

L’Institut Messine ne fait pas que dénoncer. Il fait aussi des propositions. Il serait fastidieux de les citer toutes, certaines étant très techniques. Mentionnons seulement la proposition n°2 qui « a suscité de nombreux débats » au sein du think tank. « Plébiscitée par certains représentants des ETI et PME, elle a plus de mal à emporter l’adhésion des grandes entreprises ». Quelle est-elle ? Simplement celle de « supprimer les dispositifs incitatifs inefficaces et baisser le taux nominal d’impôt sur les sociétés en conséquence ».

 

Le rapport se conclut sur une citation de Portalis, l’un des rédacteurs du Code civil. La même citation qui ouvrait le rapport : « Il faut être sobre de nouveautés en matière de législation, parce que s’il est possible, dans une institution nouvelle, de calculer les avantages que la théorie nous offre, il ne l’est pas de connaître tous les inconvénients que la pratique seule peut découvrir ».

 

 

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