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1. La
socialisation des moyens de production
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Dans la collectivité socialiste, tous les moyens de production sont
propriété de la communauté. La communauté seule
peut en disposer et décider de leur emploi dans la production. C'est
la communauté qui produit, c'est à elle que revient le rendement
de la production et c'est d'elle que dépend la manière dont
les produits doivent être utilisés.
Les socialistes
modernes, en particulier les marxistes, désignant d'ordinaire la
communauté socialiste sous le nom de
« société », appellent « socialisation »
le transfert des moyens de production à la disposition absolue de la
collectivité. On n'aurait rien à redire à cette
expression si l'on ne savait qu'elle a été inventée
pour répandre une imprécision voulue sur un des points du
socialisme, dont la propagande socialiste croyait ne pouvoir se passer.
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Le
mot « société » a dans notre langue trois sens
différents. D'abord, il sert à désigner d'une
manière abstraite l'ensemble des relations réciproques au sein
de la société. Puis il désigne d'une manière
concrète la réunion des individus eux-mêmes. Entre ces
deux significations dont le sens est très nettement
séparé, le langage de tous les jours en intercale une
troisième: la société abstraite, que la pensée
personnifie et qui devient: « la société humaine, la
société bourgeoise », etc. Marx emploie cette
expression dans les trois sens. C'est parfaitement son droit, tant qu'il les
emploie chacun avec l'idée qui leur est propre. Mais il fait justement
le contraire. Quand cela lui plaît, il les échange l'un pour
l'autre avec l'adresse dialectique d'un prestidigitateur. Parle-t-il du
« caractère social » de la production
capitaliste, il a en vue la conception abstraite de la société.
Parle-t-il de la « société » qui souffre
de certaines crises, il a en vue la collectivité des hommes
personnifiée. Parle-t-il enfin de la
« société » qui exproprie les
expropriateurs et qui « socialise » les moyens de production,
il a en vue une formation concrète, une réunion d'individus en
société. Et ces trois significations ne cessent d'être
échangées l'une pour l'autre dans l'enchaînement des
preuves, selon les exigences de la thèse à démontrer, et
lorsqu'il s'agit de prouver, en apparence, ce qui est impossible à
prouver. Cette manière de dire, soigneusement choisie et
employée avec conséquence, a d'abord pour but d'éviter
le mot « État », ou un mot analogue. Car ce mot
sonnait mal aux oreilles de ces républicains et de ces démocrates,
au concours desquels le marxisme à ses débuts voulait encore
faire appel. Un programme qui veut faire de l'État l'unique soutien et
l'unique directeur de la direction, n'aurait eu aucune chance de trouver
l'agrément de ces milieux. C'est pourquoi le marxisme devait et doit
chercher une phraséologie qui lui permette de dissimuler le fond
essentiel de son programme. Il arrive ainsi à camoufler l'abîme
profond, insurmontable, qui sépare la démocratie du socialisme.
Que les hommes de l'avant-guerre n'aient pas percé ces sophismes ne
prouve pas de leur part une grande pénétration d'esprit. La
science politique d'aujourd'hui entend par « État »
une association souveraine, un « appareil de
contrainte », caractérisé non par le but où
il tend, mais par sa forme. Le marxisme a arbitrairement réduit
à un tel point le concept « État », que
l'État socialiste n'y pouvait être inclus. On ne doit appeler
« États » que les État et les forme
d'État qui déplaisent aux publicistes socialistes; ils repoussent
avec indignation pour leur État futur cette appellation ignominieuse
et dégradante. L'État futur s'appellera: société.
C'est ainsi qu'on a pu voir d'un côté la
social-démocratie marxiste donner libre cours à ses fantaisies
sur la « débâcle » de la machine
étatique, sur « l'agonie de l'État », et
de l'autre combattre avec acharnement toutes les tendances anarchiques, et
poursuivre une politique qui mène en droite ligne à
l'omnipotence de l'État(1).
Qu'on donne tel ou tel
nom à l'appareil de contrainte de la communauté socialiste
importe peu. On peut l'appeler État et se conformer aux usages qui
sont courants en dehors des écrits marxistes dépourvus de toute
critique. On se sert ainsi d'une expression intelligible à tous qui
éveille chez chacun l'idée qu'on veut justement
éveiller. Dans une enquête d'économie politique, on peut
très bien se passer de ce mot, qui trouve chez beaucoup d'hommes un
écho sympathique ou antipathique. Mais qu'on choisisse une expression
ou l'autre, c'est affaire de style et non de fond.
Ce qui est plus
important, c'est l'organisation de cet État ou de cette
communauté socialiste. Lorsqu'il s'agit des manifestations de la
volonté de l'État, la langue anglaise emploie très
finement le mot: gouvernement, et non pas le mot: État. Rien n'est
plus propre à éviter le mysticisme de l'État de la
pensée étatiste, mysticisme que sur ce point aussi le marxisme
développe à l'extrême. Les marxistes parlent
naïvement des manifestations de la volonté de la
société, sans se demander un instant comment cette
« société » personnifiée serait
capable de vouloir et d'agir.
La communauté
ne saurait agir autrement que par l'intermédiaire d'organes qu'elle en
a chargé. Pour la communauté socialiste, il va sans dire que
cet organe doit nécessairement être unique. Dans cette
communauté, il ne peut y avoir qu'un seul organe réunissant en
lui toutes les fonctions économiques et toutes les autres fonctions de
l'État. Naturellement cet organe peut être articulé en
plusieurs instances. Il peut subsister des postes subalternes, chargés
de missions précises. Mais les résultats essentiels de la
socialisation des moyens de production et de la production ne pourraient
être obtenus sans l'unité dans la formation de la
volonté. Il faut donc nécessairement qu'au-dessus de tous les
postes chargés d'expédier certaines affaires il y ait un organe
unique, confluent de tout le pouvoir et qui puisse concilier toutes les oppositions
dans la formation de la volonté et veiller à
l'homogénéité de la direction et de l'exécution.
Pour l'étude
des problèmes de l'économie socialiste, il est d'une importance
secondaire de savoir comment cet organe est formé, et comment en lui
et par lui la volonté collective arrive à s'exprimer. Peu
importe que cet organe soit un prince absolu, ou la collectivité de
tous les citoyens d'un pays organisés en démocratie directe ou
indirecte. Il est sans intérêt de savoir comment cet organe prend
sa décision et comment il exécute sa volonté. Pour notre
démonstration, nous considérerons cet organe comme parfait.
Nous n'avons donc pas besoin de nous demander comment cette perfection
pourrait être atteinte, si toutefois elle est accessible, ni si la
réalisation du socialisme n'échouerait point,
précisément parce que cette perfection ne peut être
atteinte.
Il nous faut nous
représenter ma communauté socialiste comme théoriquement
sans bornes dans l'espace. Elle embrasse toute la terre et toute
l'humanité qui l'habite. Si nous nous la représentons
bornée dans l'espace, n'embrassant qu'une partie du globe et de ses
habitants, il faudra admettre qu'il n'existe aucune relation avec les
territoires en dehors de ces limites et avec leur population. C'est pourquoi
nous parlons d'une communauté socialiste fermée.
La possibilité
de l'existence de plusieurs communautés socialistes juxtaposées
sera étudiée dans la section suivante.
2.
Le calcul économique dans la communauté socialiste
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La théorie du calcul économique montre que dans la
communauté socialiste le calcul économique est impossible.
Dans toute entreprise
importante, les différentes exploitations ou les sections des exploitations
jouissent, pour l'établissement des comptes, d'une certaine
indépendance. Elles font réciproquement le compte des
matériaux et du travail, et il est possible à chaque instant
d'établir pour chaque groupe un bilan particulier, et d'embrasser dans
un calcul les résultats de son activité. De cette
manière, on peut toujours constater le succès plus ou moins
grand obtenu par chaque division. On en tirera les conclusions qui
décideront de la transformation, de la réduction, de
l'agrandissement des groupes existants, ou de la création de nouveaux
groupes. Sans doute dans ces calculs certaines erreurs sont
inévitables. La plupart proviennent des difficultés qui se
produisent dans la répartition des frais généraux.
D'autres erreurs viennent de ce que, en certains points, on est
nécessairement forcé de calculer d'après des
données approximatives, par exemple lorsque, en cherchant à se
rendre compte de la rentabilité d'un procédé de
fabrication on calcule l'amortissement des machines employées en
estimant à une certaine durée le temps pendant lequel elles
seront encore utilisables. Cependant, toutes les erreurs de ce genre peuvent
être maintenues dans certaines limites, de sorte qu'elles ne faussent
pas le résultat d'ensemble du calcul. Ce qui reste encore incertain
peut être mis au compte de l'incertitude des conditions futures de
l'économie, incertitude qu'aucun système ne pourrait supprimer.
Il semblerait tout
indiqué, dans la communauté socialiste, d'essayer le même
calcul autonome pour les différents groupes de la production. Mais
cela n'est pas possible, car ce calcul autonome pour les différentes
branches d'une seule et même entreprise se fonde exclusivement sur les
prix du marché établis pour toutes les sortes de biens et de
travail employés. Mais là où il n'y a pas de
marché, il ne peut se former de prix; et sans formation de prix il n'y
a pas de calcul économique.
On pourrait
peut-être songer à permettre l'échange entre les
différentes groupes d'exploitation, pour arriver ainsi à la
formation de relations d'échange (prix), qui fourniraient ainsi une
base au calcul économique même dans la communauté
socialiste. On organiserait, dans le cadre de l'économie
unifiée sans propriété privée des moyens de
production, les différents groupes de travail en groupes
séparés jouissant du droit de disposition. Ils devraient
naturellement se conformer aux instructions de la direction supérieure
de l'économie, mais ils pourraient échanger entre eux des biens
matériels et des services dont ils devraient acquitter le montant
uniquement en se servant d'un moyen d'échange universel qui serait
encore une monnaie. C'est ainsi qu'on se représente à peu
près l'organisation de l'exploitation socialiste de la production,
lorsqu'on parle aujourd'hui de « socialisation
intégrale » et choses semblables. Mais ici encore on
n'arrive pas à tourner la difficulté dont la solution aurait
une importance décisive. Des relations d'échange ne peuvent,
pour les biens de production, se former qu'avec, comme base, la
propriété privée des moyens de production. Si la
« communauté charbonnière » livre du
charbon à la « communauté
métallurgique », il ne peut se former aucun prix, à
moins que les deux communautés ne soient propriétaires des
moyens de production de leurs exploitations. Mais ce ne serait plus du
socialisme. Ce serait du syndicalisme.
Pour le
théoricien socialiste, avec sa théorie de la valeur-travail, la
question est, il est vrai, fort simple. « Dès que la
société est en possession des moyens de production et les
emploie, elle-même et sans intermédiaire, à la
production, le travail de chaque individu, quelles qu'en soient les
différences d'utilité spécifique, devient dès
l'origine et directement travail-de-la-société, travail social.
La quantité de travail social incluse dans un produit n'a plus
dès lors besoin d'être déterminé d'une
manière indirecte: l'expérience quotidienne montre directement,
quelle en est en moyenne la quantité nécessaire. La société
peut calculer facilement combien d'heures de travail sont incluses dans une
machine à vapeur, dans un hectolitre de blé de la
dernière récolte, dans cent mètres carrés de drap
de telle ou telle qualité... Sans doute la société devra
aussi savoir combien de travail est nécessaire à la fabrication
de chaque objet d'usage. Elle devra établir le plan de production en
fonction des moyens de production, dont les ouvriers sont un
élément essentiel. Ce sont finalement les effets
d'utilité des objets d'usage, comparés entre eux et par rapport
aux quantités de travail nécessaires à leur fabrication,
qui décideront du plan. Tout cela sera réglé très
simplement sans qu'on ait besoin de faire intervenir la notion
"valeur"(2) ».
Nous n'avons pas
à reprendre ici les objections critiques contre la théorie de
la valeur-travail. Elles sont cependant leur intérêt pour notre
démonstration; car elles aident à juger de l'emploi qu'on peut
faire du travail comme unité de calcul dans une communauté socialiste.
Le calcul en travail
tient compte également, semble-t-il à première vue, des
conditions naturelles de la production, conditions extérieures
à l'homme. Le concept du temps de travail social nécessaire
tient compte de la loi du rendement décroissant dans la mesure
où cette loi joue en raison de la différence des conditions
naturelles de production. Si la demande pour une marchandise augmente et
qu'on soit forcé par là d'avoir recours pour l'exploitation
à des conditions naturelles de production inférieures, le temps
de travail social généralement nécessaire pour la
production d'une unité augmente aussi. Si l'on arrive à trouver
des conditions naturelles de production plus favorables, la quantité
de travail nécessaire baisse alors. L'on tient compte des conditions
naturelles de la production, mais seulement et exactement dans la mesure
où cette considération s'exprime par des changements dans la
quantité de travail social nécessaire(3).
C'est tout. Au-delà, le calcul en travail ne fonctionne plus. Il ne
tient aucun compte de la consommation en facteurs de production
matériels. Admettons que deux marchandises P et Q exigent au total
pour leur fabrication la même quantité de travail, soit dix
heures. Admettons aussi que ces dix heures de travail se décomposent
dans les deux cas de la façon suivante: en ce qui concerne Q, neuf
heures pour sa fabrication proprement dite et une heure pour la production de
la matière première a nécessaire à sa
fabrication; en ce qui concerne P, huit heures pour sa fabrication et deux
heures pour la production de la quantité double, soit 2a
matière première. Dans le calcul en travail, P et Q
apparaissent équivalents. Dans le calcul en valeur, P devrait
être estimé à une valeur supérieure à Q qui
contient moins de matière première. Le calcul en travail est
faux; seul le calcul en valeur répond à la nature et au but du
calcul. Il est vrai que ce « plus » accordé
à P par le calcul en valeur par rapport à Q, il est vrai que
cette base matérielle « existe de par la nature et sans que
l'homme y soit pour rien »(4). Cependant si ce
« plus » n'existe qu'en une quantité tellement limitée
qu'il devienne un objet ayant une importance pour l'économie, il
faudra, d'une manière ou d'une autre, le faire entrer en ligne de
compte dans le calcul de la valeur.
Le calcul en travail
présente un second défaut: c'est de ne pas tenir compte des
différentes qualités du travail. Pour Marx, tout travail humain
est, du point de vue économique, de même qualité, parce
qu'il est toujours « une dépense productive de cerveau, de
muscles, de main, de nerfs humains. Un travail complexe ne vaut que comme
travail simple élevé à une puissance, ou plutôt
que comme travail simple multiplié, de sorte qu'une petite
quantité de travail complexe équivaut à une plus grande
quantité de travail simple. L'expérience montre que cette
réduction s'opère constamment. Une marchandise peut être
le produit du travail le plus complexe; sa valeur la rend équivalente
au produit d'un travail simple et ne représente donc en
elle-même qu'une certaine quantité de travail
simple »(5). Böhm-Bawerk n'a vraiment pas
tort quand il qualifie cette argumentation de « chef-d'oeuvre
théorique d'une naïveté déconcertante »(6). Aussi, pour juger des affirmations de Marx, inutile de se
demander s'il est possible de trouver une mesure physiologique de tout
travail humain, une mesure s'appliquant également et au travail
physique et au travail soi-disant intellectuel. Car, c'est un fait, il y a entre
les hommes des différences de capacités et d'habileté,
qui forcément influent sur la qualité des produits et le
rendement du travail. Le calcul en travail peut-il être employé
pour le calcul économique? Ce qui décidera de cette question,
c'est de savoir s'il est possible de réduire à un
dénominateur commun des travaux de caractères
différents, sans avoir recours à l'opération
intermédiaire de l'estimation de la valeur de ces produits par les personnes
exploitantes. Marx s'efforçait de faire la preuve, il a
échoué. L'expérience montre bien que les marchandises
sont mises dans le courant des échanges sans qu'on s'occupe de savoir
si elles ont été produites par un travail simple ou complexe.
Mais pour prouver par là que certaines quantités de travail
simple sont placées, sans opérations intermédiaires, en
équivalence avec certaines quantités de travail complexe, il
faudrait d'abord qu'il fût bien entendu que la valeur d'échange
découle du travail. Or cela non seulement n'est pas une chose entendue
une fois pour toutes, mais c'est précisément ce que les
raisonnements de Marx cherchent d'abord à prouver.
Dans le mouvement des
échanges, il s'est établi, par le taux des salaires, un rapport
de substitution entre le travail simple et le travail complexe – auquel
du reste Marx ici ne fait pas allusion. Mais cela ne prouve nullement
l'égalité de ces deux sortes de travail. Cette
égalisation est la conséquence, et non le point de
départ, des échanges du marché. Il faudrait, pour
substituer le travail simple au travail complexe, que le calcul en travail
établît un rapport arbitraire, qui exclurait toute utilisation
de ce calcul pour la direction économique.
On a pensé
pendant longtemps que la théorie de la valeur-travail était
nécessaire au socialisme pour donner un fondement éthique
à sa revendication touchant la socialisation des moyens de production.
Nous savons aujourd'hui que cette conception était erronée.
Sans doute la plupart des socialistes l'ont adoptée et employée
dans ce sens. Marx lui-même, qui, par principe, se plaçait
à un autre point de vue, ne s'est pas toujours gardé de cette
erreur. Deux choses sont cependant bien certaines: 1) en tant que programme
politique le socialisme n'a pas besoin d'être justifié par la
théorie de la valeur-travail et ne saurait d'ailleurs l'être; 2)
ceux qui ont sur la nature et l'origine de la valeur économique une
autre conception peuvent très bien être socialistes. Et
cependant la théorie de la valeur-travail – sans doute pas au
sens usuel – est, pour ceux qui préconisent la méthode de
production socialiste, dans une société où existe la
division du travail, ne pourrait être réalisée
rationnellement que s'il y avait un étalon des valeurs objectivement
reconnaissable qui rendrait possible le calcul économique même
dans une économie sans échanges et sans monnaie. Le seul
étalon auquel on puisse penser serait alors en effet le travail.
3.
Dernier état de la doctrine socialiste en ce qui concerne le calcul
économique
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Le problème du calcul économique est le problème
fondamental de la doctrine socialiste. Qu'on ait pu pendant des années
parler et écrire du socialisme sans traiter ce problème, prouve
les ravages produits par l'interdiction marxiste d'étudier scientifiquement
le caractère et les conséquences de l'économie
socialiste(7).
Prouver que dans la
communauté socialiste le calcul économique n'est pas possible,
c'est prouver d'un même coup que le socialisme est irréalisable.
Tout ce qui depuis cent ans, dans des milliers d'écrits et de
discours, a été avancé en faveur du socialisme, tous les
succès électoraux et les victoires des partis socialistes, tout
le sang versé par les partisans du socialisme, n'arriveront pas
à rendre le socialisme viable. Les masses peuvent désirer son
avènement avec la plus grande ferveur, on peut en son honneur
déclencher autant de révolutions et de guerres qu'on voudra,
jamais il ne sera réalisé. Tout essai de réalisation ou
bien mènera au syndicalisme, ou bien à un chaos qui dissoudra
bientôt en infimes groupements autarciques la société
fondée sur la division du travail.
La constatation de cet
état de choses ne laisse pas de déplaire beaucoup aux partis
socialistes. Dans une masse d'écrits, des socialistes de toute nuance
ont essayé de réfuter ma démonstration et d'inventer un
système de calcul économique socialiste. Ils n'y sont pas
parvenus. Ils n'ont pas réussi à produire un seul argument
nouveau que je n'aurais pas déjà indiqué et
discuté soigneusement(8). La preuve de
l'impossibilité du calcul économique socialiste ne peut
être ébranlée(9).
L'essai du
bolchévisme russe pour faire passer le socialisme du programme de
parti dans la vie réelle, n'a pas laissé apparaître le
problème du calcul économique. Car les républiques soviétiques
font partie d'un monde où des prix en argent sont établis. Les
chefs du pouvoir prennent ces prix comme base des calculs qui les aident
à prendre leurs décisions. Sans l'aide que leur apportent ces
prix, leur action serait sans but, ni plan. C'est grâce à ce
système de prix qu'ils peuvent calculer, c'est grâce à
lui qu'ils ont pu concevoir leur plan quinquennal.
Le problème du
calcul économique ne se pose pas actuellement davantage dans le
socialisme d'État ou dans le socialisme communal des autres
États. Toutes les entreprises qui sont dirigées par les
gouvernements ou par les municipalités tablent sur les prix des moyens
de production et des biens de premier ordre, qui sont établis sur les
marchés de l'économie commerciale. Il serait donc
prématuré de conclure de l'existence d'exploitations
étatiques ou municipales à la possibilité du calcul
économique socialiste.
C'est un fait connu
que l'exploitation socialiste dans quelques branches ou dans quelques
domaines de la production n'est rendue possible que par l'aide qui lui est
prêtée par son entourage non socialiste. Des exploitations
étatiques ou communales ne peuvent être assurées que
parce que leurs pertes d'exploitation sont couvertes par les impôts
payés par les entreprises capitalistes. En Russie, le socialisme
abandonné à lui-même aurait échoué depuis
longtemps s'il n'avait pas été soutenu financièrement
par les pays capitalistes. Mais l'appui intellectuel fourni à la
direction de l'exploitation socialiste par l'économie capitaliste est
bien plus important encore que cet appui matériel. Sans la base de
calcul que le capitalisme met à la disposition du socialisme sous
forme des prix du marché, la direction socialiste de l'économie
– et même d'une économie socialiste restreinte à
certaines branches de production ou à certains pays – serait
impraticable.
Les écrivains
socialistes peuvent continuer encore longtemps à écrire des
livres sur la fin du capitalisme et sur l'avènement du
millénaire socialiste, ils peuvent dépeindre les maux du
capitalisme sous les couleurs les plus criardes et leur opposer toutes les
séductions possibles des bienfaits socialistes, ils peuvent remporter
avec leurs ouvrages les plus grands succès auprès des gens
incapables de penser, cela ne changera rien au destin de l'idée
socialiste(10). L'essai d'organiser le monde selon le
socialisme pourrait amener l'anéantissement de la civilisation, jamais
l'édification d'une communauté socialiste.
4.
Le Marché « artificiel » comme solution du
problème de la comptabilité économique
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Quelques jeunes socialistes sont d'avis qu'une communauté socialiste
pourrait résoudre le problème de la comptabilité
économique en créant un marché artificiel des moyens de
production. Les anciens socialistes, estiment-ils, se sont trompés en
cherchant à réaliser le socialisme par la suppression du
marché et de la formation des prix pour les biens d'ordre
supérieur, suppression qui constitue pour eux le socialisme. Si la
communauté socialiste ne doit pas dégénérer en
chaos stupide engloutissant toute la civilisation, elle doit, tout comme la
société capitaliste, créer un marché où
des prix s'établissent pour tous les biens et travaux. Grâce
à ces prix, elle pourra compter et calculer tout comme les chefs
d'entreprise du régime capitaliste.
Le partisans de cette
proposition ne voient pas ou ne veulent pas voir que le marché et que
l'établissement des prix sur le marché ne peuvent pas
être détachés d'une organisation de la production et de
la consommation fondée sur la propriété privée
des moyens de production et où propriétaires fonciers,
capitalistes et chefs d'entreprises disposent du sol et du capital comme ils
l'entendent. Ce qui donne naissance à la formation des prix et aux
salaires, c'est le désir qu'ont les chefs d'entreprises et les
capitalistes de gagner le plus d'argent possible en satisfaisant les voeux
des consommateurs. In ne peut concevoir l'activité du mécanisme
qu'est le marché sans le désir du gain des chefs d'entreprises
(actionnaires compris), sans le désir de redevances,
d'intérêts, de salaire, chez les propriétaires fonciers,
les capitalistes, les ouvriers. C'est seulement la perspective du gain qui
guide la production sur ces voies où elle cherche à
répondre le mieux, et aux moindres frais, aux besoins des
consommateurs. Si cette espérance du profit vient à manquer, le
mécanisme du marché s'enraie et s'arrête. C'est que le
marché est l'élément central, l'âme de l'ordre
capitaliste. Il n'est possible que dans le capitalisme et il ne peut pas
être imité « artificiellement » dans la collection
socialiste.
Pour créer ce
marché artificiel, rien de plus simple, disent ses partisans: On
enjoindrait aux directeurs des différentes exploitations de se
comporter comme les directeurs des différentes exploitations dans la
société capitaliste. Dans l'économie capitaliste, le
directeur d'une société par actions ne travaille pas non plus
à son compte, mais pour celui de la société par actions,
donc des actionnaires. Dans la communauté socialiste, il continuera
à se comporter de la même manière, avec la même
prudence, la même conscience. La seule différence, c'est que le
résultat de ses efforts et de sa peine profitera à la
communauté et non aux actionnaires. On aurait là un socialisme
décentralisé et non plus ce socialisme centraliste, le seul
auquel les anciens socialistes, et surtout les marxistes, aient pensé.
Pour juger cette
proposition des néo-socialistes, il faut d'abord remarquer que les
directeurs des différentes exploitations devront d'abord être
nommés à leurs emplois. Dans les sociétés par
actions de la société capitaliste, les directeurs sont
nommés directement ou indirectement par les actionnaires. En chargeant
certains hommes du soin de produire à leur place avec les moyens de
production qui leur sont confiés, les actionnaires risquent leur
fortune ou au moins quelque partie de leur fortune. Le risque – car
c'en est un forcément – peut bien tourner et c'est un gain. Il
peut mal tourner, et alors c'est la perte de tout ou partie du capital
investi. Confier ainsi son propre capital pour des affaires dont l'issue est
incertaine à des hommes dont on ne peut connaître les succès
ou insuccès futurs, quand bien même on connaît très
bien leur passé, c'est là un fait essentiel dans les
entreprises des sociétés par actions.
Il en est qui croient
que le problème du calcul économique dans la communauté
socialiste ne comprend que des faits rentrant dans le domaine de la conduite
quotidienne des affaires assumée par le directeur d'une
société par actions; ceux qui croient cela ont devant les yeux
l'image d'une économie stationnaire, c'est-à-dire l'image d'une
économie tout à fait irréelle, que la vie ignore, que le
théoricien bâtit dans son esprit pour se rendre compte, non pas
de tous les problèmes, mais de quelques problèmes. Pour
l'économie stationnaire, le calcul économique ne
présente du reste aucun problème. Car en exprimant
l'idée « stationary state » nous avons en vue
une économie où tous les moyens de production sont
déjà utilisés de manière à pourvoir, d'une
manière sûre et l'état actuel aussi bonne que possible,
aux besoins des consommateurs. Dans l'état stationnaire, il n'y a plus
à résoudre de tâche nécessitant le calcul
économique. Car la tâche qu'il aurait eu à
résoudre a déjà été, selon l'opinion que
nous avons admise, résolue auparavant. Si nous voulions employer des
expressions très répandues, parfois un peu fallacieuses, nous
pourrions dire: le calcul économique est un problème de
l'économie dynamique et non un problème de l'économie
statique.
Le calcul
économique est une tâche de l'économie soumise à
de perpétuels changements, et placée chaque jour devant de
nouvelles questions. Pour résoudre les problèmes d'un monde qui
se transforme, il faut avant tout amener du capital dans certaines branches
de la production, entreprises, exploitations, en le retirant à
d'autres branches de la production, entreprises exploitations. Ce ne sont pas
les directeurs de société par actions qui s'en chargent, mais
les capitalistes qui vendent ou achètent des actions, accordent des
prêts ou les dénoncent, déposent ou retirent de l'argent
dans les banques, se livrent à toute sorte de spéculations sur
les marchandises. Ces actes des capitalistes spéculateurs
créent l'assiette et la situation du marché de l'argent, des
bourses de valeurs et des grands marchés commerciaux. Le directeur
d'une société par actions, qui n'est qu'un manager
fidèle et zélé, tel que se le représentent nos
écrivains socialistes, n'a ainsi qu'à partir de la situation du
marché pour y adapter ses affaires et leur donner la direction
requise.
L'idée
socialiste d'un marché « artificiel » et d'une concurrence
« artificielle » n'est pas viable, parce que sur le
marché des moyens de production il y a d'autres facteurs que les
producteurs achetant et vendant des marchandises. Il y a l'action de l'offre
de capital des capitalistes, de la demande de capital des chefs d'entreprises
qu'on ne peut supprimer sans détruire ce marché. Or c'est ce
que les socialistes ne veulent point voir.
Sans doute un
socialiste pourra proposer que l'État socialiste, propriétaire
de tout le capital et de tous les moyens de production, attribue les capitaux
aux entreprises dont on est en droit d'attendre le plus de
bénéfice. Le capital disponible irait à ces entreprises
qui promettent de rapporter les plus gros intérêts. Mais quelle
serait la conséquence d'un pareil état de choses? Les
directeurs les moins prudents, qui envisagent avec optimisme
l'évolution des événements futurs, recevraient les
capitaux qui leur permettraient de donner une grande extension à leur
exploitation, tandis que les directeurs prudents, et jugeant l'avenir avec
quelque scepticisme, s'en iraient les mains vides. Dans la
société capitaliste, le capitaliste décide à qui
il veut confier son capital. L'opinion des directeurs de
sociétés par actions sur les chances futures des entreprises
qu'ils dirigent, et celle de ceux qui établissent toute sorte de
projets sur les possibilités de gain des affaires qu'ils proposent, ne
jouent à peu près aucun rôle. Au-dessus d'eux, il y a le
marché de l'argent et du capital qui les juge, et qui décide.
La tâche du marché de l'argent et du capital est
précisément d'embrasser l'ensemble des données
économiques et de ne pas suivre à l'aveuglette les propositions
des directeurs des différentes exploitations, qui eux voient les
choses de leur étroit point de vue de spécialistes. Le
capitaliste ne place pas tout de go son capital dans une entreprise
promettant de gros gains ou de gros intérêts. Il établit
d'abord la balance entre son désir de gain et les risques de perte. Il
doit être prudent, et s'il ne l'est pas, il subit des pertes qui ont
pour effet de faire passer de ses mains le pouvoir de disposer des moyens de
production dans les mains d'autres hommes qui savent mieux prévoir
pour leurs affaires les chances de la spéculation.
L'État
socialiste, s'il veut être socialiste, ne peut pas abandonner la
faculté de disposer du capital, faculté qui décide de
l'agrandissement ou de la réduction d'exploitations existantes, ou de
la création de nouvelles exploitations. Il est peu vraisemblable que
les socialistes – quelle que soit leur nuance – proposent
sérieusement que l'État socialiste confie cette fonction
à un groupe de personnes, qui auraient simplement à
faire ce que font capitalistes et spéculateurs dans la
société capitaliste, avec la seul différence que le
rendement dû à leur action profiterait non à
eux-mêmes, amis à la collectivité. Si des propositions de
ce genre ont été faites, c'est en songeant aux directeurs
zélés et consciencieux des sociétés par actions,
mais jamais aux capitalistes et aux spéculateurs. Car aucun socialiste
ne contestera les points suivants: capitalistes et spéculateurs
remplissent dans la société capitaliste une fonction qui est
d'employer les biens-capitaux de manière à contenter au mieux
les voeux des consommateurs. Cette fonction, ils ne la remplissent que
poussée par le désir de maintenir leur propre fortune et de
réaliser des gains qui ou bien accroissent leur fortune, ou leur
permettent de vivre sans entamer leur capital.
Alors, il ne reste
plus à la société socialiste autre chose à faire
que de remettre la libre disposition des capitaux à l'État, ou
plus exactement aux hommes qui, en tant que gouvernement, régissent
les affaires de l'État. Mais cela équivaut à la
suppression du marché et la suppression du marché est justement
l'une des revendications du socialisme. Car l'économie du
marché implique orientation de la production et répartition des
produits d'après la puissance d'achat, se manifestant sur les
marchés, des différents membres de la société,
tous faits que le socialisme veut supprimer.
Il arrive aux
socialistes de chercher à réduire l'importance du
problème du calcul économique dans la communauté
socialiste par le raisonnement suivant: le marché et la demande
effective qui s'y fait de la part des acheteurs ne fournissent pour la
production aucun critère dont la justesse apparaîtrait du point
de vue éthique. Donc dans la société capitaliste, le
calcul économique qui en dernière analyse repose sur les prix
du marché est loin d'être idéal. Ce raisonnement prouve
que les socialistes ne savent pas en quoi consiste le problème qui
nous occupe. Il ne s'agit pas de savoir s'il faut fabriquer des canons ou des
habits, des maisons ou des églises, des objets de luxe ou des
denrées alimentaires. Toute organisation sociale, y compris
l'organisation socialiste, peut très facilement décider de la
quantité et de la sorte des biens qui doivent être produits pour
l'usage. Cela n'a jamais été contesté. Mais cette
décision une fois prise, il s'agit d'établir d'une
manière précise comment les moyens de production existants
seront employés de la manière la plus rationnelle à la
production de ces biens. Pour cette tâche, on ne peut se passer du
calcul économique, possible seulement grâce aux prix en argent
que, dans la société reposant sur la propriété
privée des moyens de productions, le marché établit pour
les biens d'ordre supérieur, on ne peut se passer des prix en argent
du sol, des matières premières, des matières semi-ouvrées,
on ne peut se passer des salaires en argent et des taux
d'intérêts.
Et c'est toujours la
même alternative: socialisme ou économie avec
marché.
5.
Économie du profit et économie du besoin
|
Rentabilité et productivité L'économie de la communauté
socialiste est soumise aux mêmes conditions qui régissent
l'organisation économique reposant sur la propriété
privée des moyens de production et toutes autres organisations
économiques humainement possibles. Comme pour toute autre
économie, le principe d'économie vaut pour l'économie
socialiste. Elle aussi connaît une hiérarchie des buts; elle
aussi doit s'efforcer d'atteindre d'abord les plus importants. C'est en cela
seulement que consiste la nature de l'Économique.
La communauté
socialiste elle aussi emploiera dans la production non seulement le travail,
mais encore les moyens de production matériels. Selon un usage
très répandu on donne aux moyens de production matériels
le nom de capital, ou de capital réel. La production capitaliste est
alors celle qui suit habilement des voies indirectes, au contraire de la
production non capitaliste, qui marche droit au but, brutalement(11). Si l'on s'en tient à cet usage linguistique, l'on
est bien forcé de dire que la communauté socialiste travaillera
avec du capital et produira d'une manière capitaliste. Le capital (en
tant qu'il désigne les produits intermédiaires apparaissent au
cours des diverses étapes de la production dans son processus
complexe) ne sera pas pour l'instant(12) supprimé
par le socialisme, mais seulement transféré du pouvoir de libre
disposition des individus dans celui de la collectivité.
Mais si l'on veut,
comme nous l'avons fait plus haut, entendre par production capitaliste ce
genre d'économie où le calcul est établi en argent, de
sorte que la quantité de biens employée pour une production, et
calculée d'après sa valeur en argent, peut être comprise
sous la désignation: capital, et de sorte que l'on peut constater,
d'après les variations du capital, le résultat de
l'activité économique, il est bien évident que le genre
de production socialiste ne peut pas être qualifié de
capitaliste. Dans un autre sens que le marxisme, nous pourrons alors
distinguer entre les genres de production socialiste et capitaliste, entre le
socialisme et le capitalisme.
Pour les socialistes,
la caractéristique de la production capitaliste réside dans le
fait que le producteur travaille pour réaliser un
bénéfice. À leurs yeux, la production capitaliste est
une économie du profit tandis que la production socialiste sera une
économie ayant pour but la satisfaction des besoins. Il est exact que
toute production capitaliste a pour but le gain. Mais la communauté
socialiste est bien forcée, elle aussi, d'avoir pour but le gain,
c'est-à-dire un excédent par rapport aux frais. Si
l'économie est dirigée rationnellement, c'est-à-dire si
elle satisfait les besoins les plus pressants avant les besoins les moins
pressants, elle a déjà réalisé un gain. Car les
frais, c'est-à-dire la valeur des besoins les plus importants parmi
les besoins qui ne sont plus satisfaits, sont moindres que le résultat
acquis. Dans l'économie capitaliste, on ne peut obtenir un gain, que
si la production va au-devant d'un besoin relativement pressant. Celui qui
produit, sans se guider sur les conditions d'approvisionnement et sur les
besoins, n'arrive pas au résultat qu'il cherchait. L'organisation de
la production en vue du profit ne signifie pas autre chose que l'adaptation
de la production aux besoins de tous les membres de la société.
En ce sens, elle s'oppose à la production de l'économie sans
échanges ne visant à satisfaire que ses propres besoins. Mais
cette dernière poursuit aussi la réalisation d'un gain, au sens
que nous venons de définir. Entre la production en vue du profit et la
production en vue du besoin, il n'y a donc pas d'opposition(13).
L'opposition entre
l'économie du profit et l'économie tendant à satisfaire
les besoins est en étroite connexion avec l'opposition usuelle entre
la productivité et la rentabilité, ou entre le point de vue de
l'économie nationale et le point de vue de l'économie
privée. Un acte économique est qualifié de rentable,
lorsque dans l'économie capitaliste il laisse un excédent de
bénéfice comparativement aux frais. Un acte économique
serait qualifié de productif, si, dans une économie nationale
conçue comme une unité, donc dans une communauté
socialiste, on le considérait aussi comme un acte dont le produit est
plus important que les frais de production. La naïve partialité
prosocialiste de la plupart des économistes trouve que cette
constatation est déjà une raison suffisante pour condamner
l'ordre social capitaliste. Ce que la société socialiste
ferait, leur apparaît uniquement comme bon et raisonnable. Que dans la
société capitaliste, on puisse procéder autrement leur
semble un intolérable excès. Un examen des différents
cas où rentabilité et productivité divergent, va nous
montrer que ce jugement est purement subjectif, et que cette apparence scientifique
dans laquelle il se drape n'est qu'un vêtement d'emprunt(14).
Dans la plupart des
cas où l'on a l'habitude de voir une opposition entre la
rentabilité et la productivité, cette opposition n'existe
même pas. C'est par exemple le cas pour les gains de la
spéculation. Dans l'économie capitaliste, la spéculation
remplit une tâche qui de toute manière doit être remplie
dans quelque économie que ce soit; c'est à elle que ressortit
l'adaptation, dans le temps et dans l'espace, de l'offre et de la demande. La
source des gains de la spéculation est une hausse des valeurs,
indépendante de la forme particulière de l'organisation
économique. Quand le spéculateur achète bon marché
des produits existant en quantité relativement abondante sur le
marché, et qu'il les revend plus cher, quand la demande a
remonté, ce dont il a été enrichi par cette affaire
représente aussi, du point de vue de l'économie nationale, un
accroissement de valeur. Que ce gain si jalousé, si attaqué,
revienne, dans la communauté socialiste, à la communauté
et non à des individus est incontestable. Mais pour la question qui
nous occupe, cela est sans importance. Ce qui importe seulement pour nous,
c'est que la soi-disant opposition entre la rentabilité et la productivité
n'existe pas ici. La spéculation remplit une fonction dont on ne voit
pas bien comment elle pourrait ne pas exister dans l'économie. Si on
la supprime, comme ce doit être le cas dans la collectivité
socialiste, il faudra que sa fonction soit assumée par d'autres
organes, et c'est la communauté elle-même qui jouera le
rôle du spéculateur. Sans spéculation il n'y a pas
d'activité économique s'étendant au-delà de
l'instant présent.
Si l'on arrive parfois
à constater une opposition entre la productivité et la
rentabilité, c'est parce que l'on considère à part
certaines actions de détail que l'on a isolées de l'ensemble.
On qualifie, par exemple d'improductives des dépenses nécessitées
par la structure spéciale de l'économie capitaliste, comme
frais des représentants de commerce, frais de publicité, etc.
Cela ne saurait être admis. On doit comparer le rendement de la
production tout entière, et non ses différentes parties. On ne
doit pas considérer les dépenses sans mettre en face d'elles le
bénéfice qu'elles ont aidé à réaliser(15).
6.
Produit brut et produit net
|
Dans les débats touchant la productivité et la
rentabilité, il faut donner la palme aux études sur les
rapports entre le produit brut et le produit net. Chaque patron travaille
dans l'économie capitaliste en vue du produit net maximum. Alors, on
entend soutenir, que du point de vue de l'économie nationale ce n'est
pas le produit net maximum, mais le produit brut maximum qui doit être
le but de l'activité économique.
Le sophisme
qu'implique une telle affirmation provient de la pensée primitive de
l'économie de troc, et cette pensée étant encore
actuellement très répandue, ce sophisme l'est aussi. On peut
l'entendre exprimer tous les jours, par exemple quand on porte au
crédit d'une branche de production le fait qu'elle emploie beaucoup de
travailleurs, ou bien quand on fait valoir contre une amélioration de
la production le fait qu'elle risquerait de priver des ouvriers de leur
gagne-pain.
Si l'on voulait
être conséquent dans son raisonnement, le principe du produit
brut ne devrait pas valoir seulement pour les dépenses de
main-d'oeuvre, mais aussi pour les dépenses en moyens de production
matériels. Le chef d'entreprise arrête la production au point
où elle cesse de rapporter un produit net. Admettons que la
continuation de la production au delà de ce point ne
nécessitât plus de dépense de main-d'oeuvre, mais
seulement une dépense matérielle. Est-ce que la
société a un intérêt à ce que le producteur
continue la production pour atteindre un produit brut plus
élevé? Si elle avait elle-même en main la direction de la
production, le ferait-elle? À ces deux questions, on doit, sans
hésitation, répondre: non. Le fait qu'on ne trouve plus aucun
intérêt à prolonger la dépense matérielle,
prouve qu'il y a pour ces moyens de production, dans l'économie, une
possibilité d'emploi meilleure, c'est-à-dire plus pressante. Et
si on voulait quand même les employer dans la production non rentable,
il s'ensuivrait qu'ils feraient forcément défaut à un
endroit où l'on en aurait un besoin plus urgent. Dans
l'économie capitaliste, il n'en va pas autrement que dans
l'économie socialiste. L'économie collective socialiste, en
admettant qu'elle se comporte rationnellement, ne continuera pas non plus
sans fin certaines productions pour en négliger d'autres. Elle aussi
interrompra toute production du moment où la dépense ne vaudra
plus la peine d'être faite, c'est-à-dire où la
continuation de la dépense équivaudrait à la
non-satisfaction d'un besoin plus pressant.
Ce qui vient
d'être dit sur l'accroissement de dépenses en moyens de
production matériels s'applique aussi bien à l'accroissement de
la dépense en main-d'oeuvre. Le travail consacré à une
production dont il accroît le produit brut, tandis que le produit net
diminue, est détourné d'un autre emploi où il rendrait
des services de plus grande valeur. Ici encore la non-observation du principe
du produit net aurait pour résultat de ne pas satisfaire des besoins
importants pour en satisfaire de moins importants. C'est cela, et rien
d'autre, que, dans le mécanisme de l'économie capitaliste, la
baisse du produit net exprime clairement. Dans l'économie socialiste,
la tâche de la direction de l'économie devrait veiller à
ce qu'un tel emploi irrationnel de la main-d'oeuvre ne se produisît
pas. On ne saurait donc parler ici d'une opposition entre la
rentabilité et la productivité. Du point de vue de l'économie
socialiste aussi, le but de l'économie demeure la réalisation
du produit net maximum et non du produit brut maximum.
Malgré la
clarté de cet état de choses l'on a l'habitude de porter sur
lui, tantôt en général, tantôt seulement pour la
dépense en main-d'oeuvre, tantôt pour la production agricole,
des jugements différents. Que l'ordre économique capitaliste
ait avant tout en vue le produit net maximum est un fait qu'on critique et
qu'on désapprouve; on sollicite l'intervention de l'État pour
remédier à ce prétendu abus. Adam Smith avait dit que
les différentes branches de la production étaient plus ou moins
productives, suivant la quantité plus ou moins grande de main-d'oeuvre
qu'elles mettaient en mouvement(16). Ricardo
répondit à cette assertion en prouvant que la
prospérité d'un peuple augmente avec l'accroissement du produit
net et non avec l'accroissement du produit brut(17). Cette
démonstration lui valut de violentes attaques. Déjà
J.-B. Say les a mal interprétées et a reproché à
Ricardo de faire fi du bien-être de beaucoup de vies humaines(18). Sismondi, qui se complaît à opposer aux
arguments de l'économie politique des déclamations
sentimentales, se permet de résoudre le problème par une
plaisanterie. Avec un roi, dit-il, qui en appuyant sur un levier pourrait produire
du produit net, la nation serait tout à fait superflue(19).
Bernhardi se range à l'avis de Sismondi(20).
Proudhon enfin souligne violemment l'opposition entre les
intérêts de l'économie sociale et ceux de
l'économie privée: bien que la société doive
viser le produit brut maximum, le but du chef d'entreprise est le produit net
maximum(21). Marx évite de donner ouvertement son
adhésion à cette conception. Cependant deux chapitres du
premier livre de son ouvrage, Le Capital, sont remplis de
développements sentimentaux, dans lesquels le passage de
l'activité économique agraire intensive à
l'intensité économique agraire extensive est dépeint par
lui avec les couleurs les plus crues, comme étant, selon un mot de
Thomas Moore, un système où « ce sont les moutons
qui dévorent les hommes ». En même temps Marx ne
cesse de mélanger pêle-mêle l'expropriation féodale
des paysans et l'accaparement des terres communales, actes de violence
brutale, rendus possibles par le pouvoir politique de la noblesse, qui
caractérisent l'histoire agraire de l'Europe dans les premiers
siècles de l'ère moderne, avec les changements dans les
méthodes d'activité économiques accomplis par les
propriétaires fonciers(22). Depuis, les déclamations
sur ce thème font partie intégrante des écrits et des
discours de la propagande social-démocrate.
Un écrivain
agraire allemand, le baron von der Goltz, a essayé de présenter
la recherche du produit brut maximum comme étant productive non
seulement du point de vue de l'économie collective, mais aussi comme
étant rentable pour l'économie privée. Un produit brut
élevé est, dit-il, la base pour un produit net
élevé, et de ce point de vue les intérêts des
particuliers des agriculteurs, qui demandent avant tout des produits nets
élevés, concordent avec les intérêts de
l'État qui demandent des produits bruts élevés(23). Von der Golz n'a, il est vrai, apporté aucune
preuve de ses affirmations. De pareils essais s'efforcent de se
débarrasser de la contradiction apparente entre les
intérêts de l'économie collective et ceux de
l'économie privée, en ignorant les principes fondamentaux de la
comptabilité agricole. Les économistes de l'école
romantique et les étatistes allemands se sont placés à
un point de vue plus logiques: l'agriculteur, disent-ils, remplit une
fonction publique; il a donc le devoir de planter et de cultiver ce qui
correspond à l'intérêt général. Or
l'intérêt général demandant des produits bruts
maximum, l'agriculteur ne doit pas se laisser guider par
« l'esprit, les conceptions et les intérêts
mercantiles », et malgré les désavantages qu'il pourrait
y trouver, il doit se fixer pour tâche l'obtention des produits bruts
maximum(24). Tous ces écrivains admettent, comme
évident, que la société est intéressée
à des produits bruts élevés. Ils ne se donnent pas la
peine de le prouver. Quand ils essaient de le faire, c'est seulement en se
référant à des points de vue de puissance politique et
nationale. L'État a intérêt à avoir une population
très fortement agricole, attendu que la population agricole est
conservatrice. C'est l'agriculture qui fournit surtout les soldats. Il faut
pourvoir à l'approvisionnement du pays en temps de guerre, etc.
Au contraire, Landry
cherche à prouver par un raisonnement économique le principe du
produit brut. D'après lui la recherche du produit net maximum ne peut
être considérée comme avantageuse, du point de vue de
l'économie collective, que dans la mesure où les frais qui ne
sont plus compensés sont causés par une dépense de biens
matériels. Lorsqu'il s'agit d'une dépense de main-d'oeuvre il
en est autrement. Car, du point de vue de l'économie collective, la
dépense de main-d'oeuvre ne coûte rien; elle ne fait pas
diminuer la richesse collective. Une économie de salaires, ayant pour
conséquence une diminution de produit brut, est nuisible(25).
Landry en arrive à cette conclusion, parce qu'il admet que la
main-d'oeuvre devenue libre ne pourrait ailleurs trouver d'emploi. C'est tout
à fait faux. Le besoin en travailleurs de la société
n'est jamais satisfait, tant que le travail n'est pas devenu un bien libre.
Les ouvriers qui n'ont plus de travail trouvent ailleurs un emploi, là
où ils ont à accomplir un travail plus pressant du point de vue
de l'économie collective. Si Landry avait raison, il aurait mieux valu
ne jamais mettre en service toutes les machines économisant la
main-d'oeuvre. Le comportement de ces ouvriers qui combattent toutes les
innovations techniques économisant la main-d'oeuvre, et qui
détruisent des machines de ce genre, serait justifié. On ne
voit pas pourquoi il y aurait une différence entre l'emploi de biens
matériels et l'emploi de main-d'oeuvre. Si la dépense en biens
matériels pour l'extension de la production n'est pas rentable,
étant donné le prix de ces moyens de production
matériels et le prix des produits devant être
réalisés, cela provient du fait que l'on a besoin de ces biens
matériels pour satisfaire des besoins plus pressants dans une autre
production. Pour la main-d'oeuvre, c'est la même chose. Les ouvriers
qui sont employés pour l'accroissement non rentable du produit brut,
sont soustraits à une autre production où l'on a d'eux un
besoin plus pressant. Que leur salaire soit trop élevé pour
permettre une extension encore rentable de la production en vue de
l'accroissement du produit brut, est dû au fait que la
productivité marginale du travail est encore plus élevée
dans l'économie du pays que dans la branche de production en question,
si on la développait au delà de la limite fixée par le
principe du produit net. Dans tout ceci, on ne découvre nulle part
d'opposition entre le point de vue de l'économie publique et celui de
l'économie privée. Une économie socialiste, si elle
était capable de calculer, ne pourrait agir autrement que les patrons
en économie capitaliste.
Sans doute on met
encore en avant d'autres arguments pour montrer qu'il est mauvais de
s'attacher au principe du produit net, tous arguments ressortissant à
la politique nationaliste et militariste. Ce sont les arguments connus qu'on
invoque toujours en faveur d'une politique protectionniste. Une nation doit
avoir une nombreuse population, parce que c'est de cela que dépend
dans le monde sa puissance politique et militaire; elle doit viser à
l'autarcie économique, à tout le moins produire à
l'intérieur de ses frontières ce dont elle a besoin pour son
alimentation, etc. Landry lui aussi est forcé d'avoir recours à
ces arguments pour étayer sa thèse(26). Il
est inutile de les discuter longuement dans une théorie de la
communauté socialiste fermée.
La communauté
socialiste est forcée elle aussi de prendre comme point de direction
le produit net et non le produit brut. La communauté socialiste elle
aussi changera des champs en prairies, quand elle verra qu'il lui est
possible de labourer ailleurs des terres plus fertiles. Malgré Thomas
Moore, en Utopie aussi « les moutons dévorent les
hommes ». Les dirigeants de la communauté socialiste
n'agiront pas autrement que la duchesse de Sutherland, « cette
personne qui a fait ses classes économiques » comme
l'appelle Marx ironiquement(27). Le principe du produit net
est valable pour toute production. L'agriculture n'y fait pas exception. Le
mot de Thaer garde toujours sa valeur: Le but de l'agriculteur est
forcément un produit net élevé, « même
du point de vue de l'intérêt général »(28).
Cf.
l'étude de critique dogmatique de Kelsen, Staat und Gesellschaft,
pp. 11.
2. Cf. Engels, Herrn Eugen Dührings Umwälzung
der Wissenschaft, pp. 335.
3. Cf. Marx, Das Kapital, t. I, pp. 5.
4. Ibid.
5. Ibid., pp. 10.
6. Cf. Böhm-Bawerk, Kapital und Kapitalzins, 3e édit., I.
Abt., Inspruck, 1914, p. 531.
7. Rappelons que dès 1854 Gossen savait et
écrivait « que c'est seulement par l'établissement
de la propriété privée que l'on trouvera
l'échelle permettant de déterminer de la manière la plus
opportune la quantité dans laquelle chaque objet devra être
produit. Aussi l'autorité centrale proposée par les communistes
pour répartir les différents travaux et leur rémunération
serait bien forcée de se rendre compte au bout de peu de temps,
qu'elle s'est proposé une tâche dont la solution dépasse
de beaucoup les forces de quelques hommes. » (Cf. Gossen, Entwicklung
der Gesetz des menschlischen Verkehrs, nouv. édit., Berlin, 1897,
pp. 364.). – Pareto (Cours d'Économie politique, t. II,
Lausanne, 1897, pp. 364) et Barone (Il Ministro della Produzione nello
Stato Colletiviste dans le « Giornale degli
Economisti », t. XXXVII, 1908, pp. 409.) n'ont pas
été jusqu'au fond du problème. En 1902 Pierson a
aperçu clairement tout le problème. Cf. son étude: Das
Wertproblem in der sozialistischen Gesellschaft. (Trad. allemande de
Hayek, « Zeitschrift für Volkswirtschaft »,
nouvelle série, t. IV, 1925, pp. 607.
8. Je me suis expliqué brièvement au sujet des principales
objections dans deux articles: Neue Beiträge zum Problem der
sozialistischen Wirtschaftsrechnung (« Archiv für
Sozialwissenschaft », t. LI, pp. 480-500) et Neue Schriften
Problem der sozialistischen Wirtschaftsrechnung (ibid., t. LX, pp.
187-190). Voir l'appendice.
9. Dans les ouvrages scientifiques, l'on ne trouve plus là-dessus
aucun doute. Cf. Max Weber, Wirtschaft und Gesellschaft (Grundriss der
Sozialökonomik, IIe Abt., Tubingue, 1922Abt., Tubingue, 1922, pp. 45-49;
– Adolf Weber, Allgemeine Volkswirtschaftslehere, 4e éd.
Munich et Leipzig, 1932, t. II, pp. 369.; Brutzkus, Die Lehren des
Marxismus im Lichte der russichen Revolution, Berlin, 1928, pp. 21.; C.
A. Verrijn Stuart, Winstbejag versus behoeftenbevrediging («
Overdruk Economist », t. LXXVI, 1re livraison, pp. 18.; Pohle-Halm, Kapitalismus
und Sozialismus, 4e édit., Berlin, 1931, pp. 237.
10. Un spécimen caractéristique de ce genre d'écrits
nous est fourni par l'ouvrage de C. Landauer, Planwirtschaft und
Verkehrswirtschaft, Munich et Leipzig, 1931. Le problème du calcul
économique dans la société socialiste y est
résolu d'une manière simpliste: « Les différentes
entreprises... pourraient s'acheter les unes aux autres, tout à fait
comme dans les entreprises capitalistes » (p. 114). Quelques pages plus
loin on explique que l'État socialiste devra « en outre
établir un calcul de contrôle pour les biens économiques
en nature. Lui seul sera en mesure de le faire parce qu'au contraire de
l'économie capitaliste, il régit lui-même la
production » (p. 122). Landauer ne peut pas comprendre qu'il est
inadmissible, et pourquoi il est inadmissible, d'additionner ou de soustraire
des chiffres énoncés différemment. Alors, inutile
d'insister.
11. Cf. Böhm-Bawerk, Kapital und Kapitalzins, t. II, 3e
édit., Inspruck, 1914, p. 21.
12. La restriction contenue dans l'expression « pour l'instant »
ne veut pas dire que plus tard le socialisme, par exemple après avoir
atteint « une phase supérieure de la société
communiste » procédera – conformément à
son dessein – à une suppression du capital, entendu dans ce
sens. Il ne viendra jamais à l'idée du socialisme de revenir
à une manière de vivre au jour le jour. Ce que nous voulons
seulement noter dès à présent, c'est que la production
socialiste, en vertu d'une nécessité interne, mènera
forcément à une consomption progressive du capital.
13. Cf. Pohle-Halm, pp. 12.
14. Cf. pour le cas des monopoles, IIIe partie, section II, chapitre V,
§ 1 et sur le cas de la consommation « non
économique », IVe partie, chapitre V, § 2.
15. Cf. ci-dessous, IIe partie, section I, chapitre IV,
§ 5.
16. Cf. A. Smith, An Enquiry into the Nature and Causes of the Wealth of
Nations, t. II, chap. V (édition Basil, 1791, t. II, pp. 138.).
17. Cf. Ricardo, Principles of Political Economy and Taxation, chap. XXVI
(Works, éd. Mac Culloch, 2e édit., Londres, 1852, pp. 210.).
18. Cf. Say, dans ses additions à l'édition française
des oeuvres de Ricardo, procurées par Constancio, t. II, Paris, 1819,
pp. 222.
19. Cf. Sismondi, Nouveaux Principes d'Économie politique,
Paris, 1819, t. II, p. 331, remarque.
20. Cf. Bernhardi, Versuch einer Kritik der Gründe, die für
grosses und kleines Grundeigentum angeführt werden,
Saint-Pétersbourg, 1849, pp. 367. Cf. Cronbach, Das
landwirtschaftliche Betriebsproblem in der deustchen nationalökonomie
bis zur Mitte des XIX. Jahrhunderts, Vienne, 1907, pp. 292.
21. « La société recherche le plus grand produit brut,
par conséquent la plus grande population possible, parce que pour elle
produit brut et produit net sont identiques. Le monopole, au contraire, vise
constamment au plus grand produit net, dût-il ne l'obtenir qu'au prix
de l'extermination du genre humain. » (Proudhon, Système
des contradictions économiques ou philosophie de la misère,
Paris, 1846, t. I, p. 270). Dans la langue de Proudhon,
« monopole » signifie: propriété
privée. (Cf. ibid., t. I, p. 236. Cf. Landry, L'utilité
sociale de la propriété individuelle, Paris, 1901, p. 76).
22. Cf. Marx, Das Kapital, t. I, pp. 613-726. Les raisonnements sur la
« théorie de la compensation en ce qui touche les ouvriers
refoulés par les progrès du machinisme », (ibid.,
pp. 403-412) sont sans objet, étant donné la théorie de
l'utilité marginale.
23. Cf. Goltz, Agrarwesen und Agrarpolitik, 2e édit.,
Iéna, 1904, p. 53. Cf. à ce sujet Waltz, Vom Reinertrag in
der Landwirtschaft, Stuttgart et Berlin, 1904, pp. 27. – Goltz se
contredit dans son raisonnement, car après les affirmations que nous
avons reproduites plus haut, il ajoute immédiatement:
« Toutefois la part du produit brut qui reste, après
déduction des frais de l'économie, comme produit net,
diffère selon les cas. En moyenne elle est plus importante dans
l'exploitation extensive que dans l'exploitation intensive. »
24. Cf. Waltz, pp. 19. sur Adam Muller, Bullow-Cummerow et Philipp v. Armin,
et pp. 30. sur Rudolf Meyer et Adolf Wagner.
25. Cf. Landry, p. 81.
26. Cf. Landry, p. 109, pp. 127.
27. Cf. Marx, t. I., p. 695.
28. Cité par Waltz, p. 29.
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Article
originellement publié par le Québéquois Libre ici
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