Plusieurs enquêtes d’opinion parues récemment sont
riches d’enseignements sur l’opinion des Français
vis-à-vis de l’impôt et de la dépense publique.
Commençons par l’impôt.
En octobre, un sondage réalisé par Ipsos pour Le Monde, BFMTV et la Revue française de finances
publiques, révélait que, pour 72 % des sondés,
le niveau de l’impôt est excessif. Ce ras-le-bol fiscal touche
toutes les catégories de la population. Chacun a pu le constater
autour de soi.
Il s’agit bien d’un ras-le-bol puisque 67 % des
Français sont prêts à se mobiliser, par exemple en
manifestant, contre le niveau des impôts, selon un sondage CSA pour BFMTV
publié le 6 novembre.
Pourquoi les Français trouvent-ils le niveau
d’impôts excessif ? Tout d’abord, toujours selon le
sondage Ipsos d’octobre 2013, parce qu’ils ont le sentiment de
contribuer plus qu’ils ne bénéficient du système (74 %).
On ne sera alors pas étonné que les sondés considèrent
à 88 % que l’argent des impôts est mal utilisé
par les pouvoirs publics.
Par mauvaise utilisation des impôts, les Français
entendent principalement qu’il y a trop de gens qui profitent du
système (51 %) ou qui fraudent (35 %), ou encore qu’il
y a gaspillage (33 %). Dans ces conditions, 56 % des personnes
interrogées par l’Ifop pour Atlantico
(sondage publié le 7 novembre 2013) déclarent ne pas vouloir
faire d’effort pour redresser les comptes du pays. Un chiffre qui est
plus important encore dans le sondage Ifop pour Le Journal du Dimanche (JDD) publié le 10
novembre : 66 % des sondés ne veulent pas consentir de
nouveaux efforts pour redresser les comptes publics.
Mais alors, qui doit faire des efforts ?
Dans le sondage Ipsos, 40 % des personnes interrogées
affirment que l’augmentation des impôts ne sert à rien si
on ne réduit pas les dépenses publiques. C’est donc
d’abord à l’État d’agir. Le sondage Ifop révèle que 84 % des Français
ont le sentiment que l’État ne fait pas ce qui est
nécessaire pour réduire les dépenses.
Venons en donc maintenant à la
dépense publique.
Quelles dépenses faudrait-il réduire ? Un sondage,
publié le 1er novembre, réalisé par Opinion Way pour Le Figaro
Magazine donne quelques pistes. Tout d’abord, pour 89 % des
sondés, il faut baisser en priorité le train de vie et le
nombre d’élus. Une tendance que l’on retrouve dans le
sondage Ifop-JDD :
la réduction du nombre de députés est
plébiscitée (87 %), de même que de même que la
fusion des régions et des départements (62 %).
Les Français considèrent, à juste titre, que les
politiques ne peuvent pas leur demander des efforts sans en faire eux-mêmes.
Il faut commencer par là. Mais même en faisant des coupes
drastiques, le compte n’y est pas. Ce ne sera pas suffisant pour
réduire de façon marquante le déficit et la dette.
Il faut donc procéder à d’autres économies.
Mais dans ce domaine, selon le sondage Opinion Way,
le consensus est nettement plus difficile à obtenir. En effet, s’il
s’agit de réduire le nombre de fonctionnaires, on ne trouve plus
que 38 % de sondés favorables. Et le reste est bien pire
encore : 31 % approuvent la baisse des dépenses militaires,
24 % celle des minima sociaux, 22 % celle des dépenses
culturelles… 17 % seulement sont disposés à toucher
aux allocations chômage et 15 % aux allocations logement.
On peut rapprocher ces chiffres relatifs aux dépenses à
ceux sur les recettes. Les personnes interrogées par Ipsos trouvent
justifiés, dans leurs modalités actuelles, l’impôt
sur la fortune (83 %), l’impôt sur les
sociétés (77 %), l’impôt sur le revenu
(76 %). De même, 72 % jugent souhaitable de taxer les
transactions financières à l’échelle
internationale. En revanche, la CSG est considérée comme
injustifiée pour 62 %, tout comme les droits de mutation sur les
achats de biens immobiliers (62 %), la redevance audiovisuelle
(69 %) ou encore les droits de succession (80 %).
Alors, que conclure de tous ces chiffres ? Que la réforme
et le rétablissement des comptes publics ne sont pas pour demain. En
effet, on est en droit de se demander si les Français veulent vraiment
rétablir la situation. En forçant à peine le trait, ces
sondages montrent que les Français :
-
ne veulent pas réduire les dépenses
dont ils pensent êtres les bénéficiaires,
-
souhaitent que ces dépenses soient
financées par les impôts qu’ils pensent ne pas payer.
Bref, ce qu’ils veulent c’est peu payer et recevoir
beaucoup. Vivre sur la bête en somme.
Comme le disait Frédéric Bastiat dans son essai sur
l’État : « Citoyens, dans tous les
temps deux systèmes politiques ont été en
présence, et tous les deux peuvent se soutenir par de bonnes raisons.
Selon l'un, l'État doit beaucoup faire, mais aussi il doit beaucoup
prendre. D'après l'autre, sa double action doit se faire peu sentir.
Entre ces deux systèmes il faut opter. Mais quant au troisième
système, participant des deux autres, et qui consiste à tout
exiger de l'État sans lui rien donner, il est chimérique,
absurde, puéril, contradictoire, dangereux. »
Nous en sommes toujours là.
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