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La France aux ordres
d'un cadavre est un livre qu'avait écrit Maurice Druon (ci-dessous
à droite), disparu cette semaine, et qu'il avait fait publier par les
éditions de Fallois en 2000. ![](http://www.24hgold.com/24hpmdata/articles/2009/04/img/20090422PL07581.jpg)
Comme il fallait s'y attendre, des hommages plus ou moins hypocrites ont
été rendus à sa mémoire, pour l'occasion, mais
à aucun moment, à ma connaissance, ils n'ont insisté sur
l'ouvrage. Le monde
du silence est bien installé en France.
Je vais donc combler le vide et rehausser l'ensemble par l'accumulation des
"deux derniers méfaits du cadavre".
1. Résumé – officiel - du livre.
"Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la France vit en
régime semi-marxiste, seul pays d'Europe à se trouver dans ce
cas.
Le cadavre évoqué par le titre, c'est celui de l'Union
soviétique, défunte depuis près de dix ans, mais dont
les orientations, instructions et consignes données au Parti
communiste français, et relayées par les syndicats, continuent
de s'imposer à notre société. Fonction publique, secteur
nationalisé, conventions collectives, code du travail,
fiscalité, justice, enseignement et recherche, tout subit les
séquelles de plans, concertés à l'époque de la
Libération et pendant la " guerre froide ", qui tendaient
à affaiblir ou déstabiliser notre pays afin de l'aligner sur le
modèle soviétique.
Les effets sont tellement entrés dans nos moeurs que les citoyens ne
s'en aperçoivent même plus. Mais la situation en France en est
gravement affectée. Du jamais dit, ni avec une telle vigueur, par un
écrivain qui a tenu de hautes charges dans l'Etat, et qui est
informé de tous les aspects de la vie publique."
2. Bonne feuille.
Voici quelques extraits des pages 102-116.
Maurice Druon raconte qu'un peu avant 1981, Christian Beullac, ministre de
l'Education nationale en exercice, le convoque avec Alain Decaux et d'autres " personnes dont
il pensait qu'elles avaient quelques vues sur l'enseignement du
français. J'eus l'impudence d'avancer, à un moment, qu'il
était souhaitable qu'on donnât aux écoliers et
collégiens de bons modèles classiques.
- Vous ne voulez tout de même pas qu'ils copient! s'écria un
personnage ...aux yeux emplis d'une brume haineuse.
- J'entends modèle au sens d'exemple, lui répondis-je. De bons
exemples. Il me semble que pour guider les débutants, mieux vaut La
Fontaine que Boris Vian.
- Cela dépend du type de société auquel on veut les préparer,
dit fermement mon interlocuteur. Visiblement la nôtre n'était
pas de son goût.
Je m'enquis des fonctions de cet homme péremptoire. C'était le
secrétaire du syndicat des professeurs de lettres. Je me sentis
édifié sur la conception de la laïcité dans
l'enseignement de service public.[…]
l’enseignement est le grand échec de la Vème
République.
Il faut dire qu'il était l'héritage de la IVème
où tous les ferments de désagrégation avaient
été mis en place.
L'instruction, l'éducation, la culture sont les moyens les plus
sûrs de prendre le pouvoir. Les plus lents aussi. Il y faut attention,
patience, persévérance. Ce sont là des vertus qu'on peut
reconnaître aux communistes
Il faut désapprendre les principes de l'ancienne société
pour les remplacer par les principes d'une autre, quitte à laisser les
jeunes esprits vides pendant quelques temps. Tout au long de la IVe et de la
Ve République, les marxistes français s'y sont employés
avec succès. Ils ont commencé par constituer les syndicats les
plus forts, et d'abord les syndicats d'instituteurs, les plus revendicatifs,
les plus véhéments derrière ce front de revendications
professionnelles progressait l'endoctrinement idéologique. La lutte
des classes en était le fondement. Il fallait supprimer les
différences entre les enfants dits de milieux
privilégiés et les autres, pour les préparer tous
à une 'société sans classes' et donc ne pas transmettre
les valeurs, les références de la société
aristocratique ou bourgeoise ; désapprendre [...] le passé
simple, instrument sans égal du récit, est proscrit.
Au nom de l'égalité des chances, on a établi
l'égalité des malchances.
[...] désapprendre le patriotisme et les devoirs du citoyen.
Et désapprendre l'histoire qui pourrait donner prétexte
à la fierté française.
Pourquoi parler des grands événements, puisque l'Histoire, vue
par les marxistes, n'est que le rapport des forces économiques?
Pourquoi parler des grands hommes puisqu'ils furent tous des tyrans, des
exploiteurs du peuple, et puisqu'en fait ils ne commandaient rien
[…]
Ne mésestimons pas le renfort puissant que les marxistes ont
reçu de la part des adeptes de l’existentialisme sartrien et de
la psychologie freudienne.
Alors que l’homme, par sa condition même est soumis à
quantité de contraintes naturelles, génétiques,
sociales, que ses aptitudes sont fonction de sa carte chromosomique, et
qu’il doit réfréner ses désirs de voler le bien
d’autrui ou d’occire son prochain, l’idée
s’est répandue, comme se répand la peste, qu’il ne
fallait faire peser sur l’enfance aucune pression ou interdit, afin de
ne pas créer en lui de blocages, de frustrations de refoulements.
Moyennant quoi on a supprimé notations, classements, prix de fin
d’année. N’ai-je pas lu dans un rapport qu’on devait
éviter de stresser les enfants devant le savoir ? Donc ne stressons
pas les derniers de la classe en encourageant les premiers[…]
Comment les communistes, alors qu’ils posaient en modèle de
société la soviétique, qui fut la plus contraignante et
la plus exigeante qui ait jamais existé, ont-ils laissé leurs
syndicats soutenir cette pédagogie absurde, sinon pour affaiblir la
société bourgeoise ?
Pour si bien 'déformer' la jeunesse il fallait aussi 'déformer'
les maîtres.
On s’y est employé en supprimant les bonnes vieilles
Écoles normales qui avaient produit des générations
d’éducateurs exemplaires, pour les remplacer par des IUFM,
où l’on inculque, les trouvailles de l’INRP, Institut
national de recherches Pédagogiques- qui est le lieu de tous les
délires.
Pourquoi les avoir d’ailleurs qualifiés de pédagogiques
puisque la pédagogie y a perdu droit de cité au profit
d’une nouvelle science, la « didactique » ? Celle-ci se
communique par un vocabulaire particulier, qui, en bon français,
s’appelle un jargon de cuistres. [...]
Et c’est de cette bouillie-là que de futurs instituteurs doivent
se nourrir pour finalement donner aux gamins comme modèle de
conversation : t’habites où, tu fais quoi ? […]
Alors que tout dans l’univers, de la galaxie à l’atome,
est hiérarchisé, et que tout dans la nature est
sélectif, on a tourné le dos, dans l’éducation,
à la sélection et à la hiérarchie. La
récolte est abondante en fruits secs."
3.
Trois recensions du livre.
3.A. La recension de Georges Suffert
dans Le Figaro du 16 novembre 2000.
"Qu'attendions-nous
de la chute du Mur, de l'effondrement de l'empire soviétique, des
révolutions de palais successives qui allaient emporter les uns
après les autres les régimes des démocraties populaires
? Qu'elles débarrassent l'Europe du colonialisme, ce mirage noir qui a
marqué les trois quarts du XXème siècle ; qu'elles
expédient au cimetière des illusions sanglantes ce paquet
d'espérances mensongères, de règles
politico-économiques qui, partout, toujours, avaient jeté les
peuples dans la pauvreté et la servitude.
Sous nos yeux, notre vœu s'est réalisé. Le monde a
été en quelques années délivré de cette
fascination hypnotique. Il s'est réveillé avec l'espèce
de gueule de bois historique qui suit généralement les vraies
révolutions. La panoplie du parfait communiste style 1920-90, a
été retirée de la vente des jouets du nouvel an.
Partout. Ou presque.
Presque. Ce n'est pas tout à fait la même chose. Il existe en
effet un grand pays européen qui, pour de multiples raisons, a
gardé presque intactes, les mœurs, les institutions, les
règles du jeu héritées de ces époques
flamboyantes. Pour Maurice Druon, cette nation s'appelle la France. Ses
habitants sont tellement habitués aux pratiques mises en place par le
PC et ses alliés qu'ils ne s'en étonnent même plus. La
vraie spécificité française, ce n'est pas notre fameuse
culture que nous exhibons à chaque conférence internationale
(littérature, cinéma, etc.), ce sont les tissages de ce que
nous appelons avec fierté le secteur public. Ça comprend le
statut de la fonction publique, les entreprises publiques, les emplois
fictifs que nous offrons aux grands syndicats, les règles du jeu qui
constituent l'ossature de nos systèmes d'enseignement.
Tout ce fatras, héritage des périodes où la gauche
imposait ses lois, n'a jamais bougé. C'est ce que Druon appelle
"le cadavre". Nous le portons sur le dos. Ce monstrueux fardeau
pourrait bien constituer la cause principale de notre abaissement progressif.
On imagine l'étonnement des générations des vingt
à quarante ans. Devant ce discours, elles haussent les épaules
: les vieilles personnes bégaient, ratiocinent, pensent-elles. A
l'époque des internautes triomphants, de quoi bientôt nous
parler ? Il faut conseiller à ces esprits forts de lire avec attention
les quarante-cinq premières pages du livre de Druon.
Après cette plongée dans les eaux glaciales qui baignent, en
aval et en amont, la dernière guerre mondiale, ils dévoreront
le reste du livre avec passion.
Ses deux premiers chapitres en effet exposent la succession des
événements qui a fait de nous un porteur de cadavre. Pierre
angulaire du château fort : le PC, parti du
prolétariat,dirigé et financé par Moscou.
Déjà le lecteur saute en l'air : comment peut-on professer
aujourd'hui encore de telles accusations ? Mais tout simplement depuis
l'ouverture des archives du Kremlin. Celles-ci ont livré au grand
public les détails de cette cuisine.
Aujourd'hui, on connaît le volume global de ce financement
illégal : on sait quelles filières assuraient
l'efficacité et la discrétion de ces transferts. Pourquoi
aucune institution de la République, aucun juge n'a-t-il ouvert la
moindre enquête sur ces pratiques ? Sans doute parce que les documents
du Kremlin ne faisaient que confirmer et chiffrer le vieux refrain concernant
"l'or de Moscou". Personne ne souhaitait prouver la
vérité de cette légende.
Reste à comprendre comment le PC a pu avoir eu une telle influence sur
les structures de notre pays. Druon montre très bien le croisement
entre mécanisme électoraux et thèmes politiques. Premier
élément : les élections législatives. Les
socialistes dans la plupart des cas, ne peuvent être élus au
deuxième tour que grâce aux voix communistes. Il n'en faut pas
davantage pour comprendre les silences du PS. Il a besoin du PC.
Deuxième constat : ce sont toujours les communistes qui créent
les modes politiques : nationalisations, règles concernant la
représentativité syndicale, statut de la fonction publique,
etc. En général, on utilise un groupe ou un syndicat minoritaire
pour imposer progressivement ces thèses
Peu de retour en arrière : il faudra attendre le gouvernement
d'Edouard Balladur pour amorcer les privatisations de quelques-uns des grands
groupes publics. L'Etat en conserve la plupart : si les Télécom
commencent à lui échapper, Air France, Electricité de
France, Gaz de France, la SNCF, etc., demeurent toujours, dans le domaine de
l'Etat. La droite, lorsqu'elle arrive au pouvoir, hésite à
démanteler cette forteresse. D'autant plus qu'elle doit en ce cas
affronter l'appareil syndical le plus puissant, c'est-à-dire la CGT,
elle aussi financée pendant des lustres par Moscou.
Les Français, corsetés par ce système bizarre, paient
chaque année la facture de ces curiosités historiques. Tous les
autres, pays d'Europe occidentale se sont délivrés de cette maladie
: la Dame de fer s'est chargée de la Grande-Bretagne, la
république fédérale a absorbée sa petite
sœur de l'est, l'Italie a fait sa mue, etc. Il n'y a qu'en France que le
PC est toujours là, intact, heureux, tout à la fois au
gouvernement et dans l'opposition. Et financé, comme chacun sait, par
la vente du muguet du 1er mai. Druon en somme, vient de mettre les pieds dans
un plat dissimulé au fond d'un congélateur."
3.B.
La recension de François Foucard dans Les 4
vérités du 30 décembre 2000.
"Le
temps de se priver d'un ou deux mauvais films à la
télévision et on aura lu, sans doute d'un seul trait, le
dernier livre de Maurice Druon La
France aux ordres d'un cadavre.
Le cadavre en question, avertit d'emblée l'auteur, est celui de
l'U.R.S.S.. Et, au-delà, celui du communisme.
La thèse se résume ainsi : les instructions données de
Moscou au parti communiste, à ses compagnons de route, à ses
courroies de transmission, à la CGT et à tous les autres relais
dont il dispose dans notre société, continuent à faire
largement la loi dans notre pays.
Cela est vrai depuis 1920. on l'a vu au moment du front populaire et de son
Gouvernement, qui n'a pourtant duré que onze mois, mais qui a mis en
œuvre un ensemble de mesures dont les effets désastreux ont
été durables et ont contribué à la
débâcle de 1940. Pendant la guerre, le parti communiste a
été tour à tour, l'allié de l'occupant nazi puis
un partenaire exalté et dangereux dans le camp des vainqueurs.
Après la libération, ce fut le statut général de
la fonction publique promulgué par une loi signée Maurice
Thorez. Puis la mise en place de la syndicalocratie, avec ses trente mille
emplois fictifs ! dont personne ne parle. Ce furent les nationalisations,
machines à fabriquer de nouveaux permanents, de nouveaux combattants
du désordre social. Ce fut la co-gestion introduite à la
direction générale des impôts. Le nivellement
institutionnalisé dans une éducation nationale
étatisée comme nulle part ailleurs au monde…
Comme l'indique Maurice Druon, dans son avant-dernier chapitre :
4l'inventaire complet des ravages causés par l'importation des
théories et méthodes soviétiques n'a pas encore
été dressé4. Mais peu de milieux, peu
d'activités, peu d'institutions en sont indemnes.
L'ancien ministre des affaires culturelles du deuxième cabinet de
Pierre Mesmer, 1973-74, ne fait qu'évoquer la domination marxiste sur
la culture et les médias. Mais il ose dire qu'à la
télévision, publique ou privée, ce sont toujours les
syndicats qui décident des engagements, des salaires, des horaires et
des conditions de travail. Quand une grève est
déclenchée par la CGT, c'est toujours au
délégué de ce syndicat qu'on donne la parole en premier.
Bien sûr, on aurait aimé trouver, en plus, dans ce livre, un
plan d'action, des conseils pratiques pour demain. Mais c'était
beaucoup demander à ce cher académicien de quatre vingt deux
ans. […]
Ici, il faut se contenter d'un constat. Il est cuisant.
Margaret Thatcher appelait "ennemis de l'intérieur" les
syndicats rouges qui prétendaient, avec leurs grèves, dicter
leur loi au pays. Si on a bien compris Maurice Druon, la France est un pays
qui obéit à son ennemi de l'intérieur."
3.C.
La recension de Bogdan Calinescu en novembre 2000 sur LibRes.
"Le
dernier livre de Maurice Druon - La
France aux ordres d’un cadavre -, ne manque pas de tonus
pour dénoncer, avec courage et lucidité, la permanence de
l’influence marxiste en France.
Tout a commencé il y a 80 ans lorsque, à Tours, les mouvements
socialistes, au lieu de s’unir, comme il était convenu, pour le
bien du genre humain, se scindent en deux tendances comparables aux
mencheviks et aux bolcheviks : d’une part, la S.F.I.O. proprement dite
et, d’autre part, la Section Française de l’Internationale
communiste, devenue presque aussitôt le Parti communiste
français, avec sa filiale syndicale, la Confédération
Générale du Travail Unitaire (C.G.T.U.). Depuis, une grande
partie de l’Histoire de la France se décide à Moscou et
s’applique, grâce à des intermédiaires
dévoués, à Paris.
C’est le point de départ du dernier livre de
l’académicien Maurice Druon qui n’est autre chose
qu’un diagnostic implacable sur la France d’aujourd’hui.
C’est la soumission continue de notre pays aux ordres de Moscou et
à la pensée marxiste qui provoque l’ire de Druon.
C’est la servilité de tous ces valets, de Thorez à
Marchais, en passant par Duclos, qui a poussé l’académicien
à écrire ce brûlot.
L’autre visage de l’Histoire apparaît clairement dès
le Front populaire (terme inventé par Thorez) lorsque celui-ci est
instauré pour servir la politique étrangère de
l’URSS. Habiles, les communistes, en suivant les ordres de Staline,
refusent de participer au gouvernement mais font adopter les réformes
qui se révéleront catastrophiques pour l’économie
française : baisse de la durée hebdomadaire du travail (elle
visait à résorber le chômage, ce qui se révéla
faux, déjà !), création de l’Office du blé,
nationalisation de la Banque de France, nationalisation des industries de
l’armement. Ce gouvernement ne dura que onze mois mais ses effets
furent durables…
Pendant l’Occupation, les communistes creusent leur nid. Après
avoir été les alliés d’Hitler (on oublie trop
souvent en France que le PCF a été le seul parti allié
du national-socialisme), ceux-ci deviennent leurs ennemis mais aux ordres de
Moscou et dès la Libération réclament leur dû. Ils
n’eurent pas l’armement dans le gouvernement de Gaulle, ni
l’Intérieur, mais en compensation Thorez reçut la
Fonction publique. Et c’est le 5 octobre 1946 que Thorez fait signer la
loi sur le statut des fonctionnaires qui est encore valable
aujourd’hui. Elle était faite pour que l’administration
soit pléthorique et que les procédures soient toujours lentes
et, surtout, à ce qu’on ne puisse jamais réformer
l’Etat.
Peu de lois ont été aussi solides ! C’est la loi Thorez
qui a installé le pouvoir syndical qui ampute celui des ministres,
elle a créé les Commissions paritaires qui donnent aux
syndicats une large part d’autorité, généralement
paralysante, sur la gestion des personnels et la marche même des
services (quand un ministre prend sa charge, il doit obligatoirement
réserver trois précieuses heures pour entendre les
représentants syndicaux exposer leurs revendications).
Cette loi a représenté la création de l’Etat
schizophrène qui survit encore aujourd’hui. « Si la France
décline, constate Druon avec lucidité et amertume, si elle
n’occupe plus en Europe et dans le monde la place et le rang qui
devraient être les siens, c’est en grande partie parce
qu’elle est malade de sa fonction publique. Ses organes essentiels
souffrent d"une infection pernicieuse ». Si la France est malade,
c’est à cause de son administration énorme, de ses 20 000
emplois fictifs (des fonctionnaires mis à la disposition des syndicats
alors que ceux-ci ne représentent plus que 6,1 % de la population
active), de l’argent colossal qui est englouti par l’Etat.
Pourquoi s’obstine-t-on à sauvegarder des entreprises nationalisées
qui coûtent très cher aux contribuables ? Ce sont les syndicats
qui veillent : à la SNCF, il n’y a pas moins de 3 000
préposés, payés par l’entreprise, qui ne
s’occupent de rien d’autre que du 'dialogue social', et de
gérer les dix à trente préavis de grève
quotidiens, en période 'calme', et jusqu’à cent dans les
moments de crise. Si l’URSS a prôné le 'stakhanovisme',
les services publics français encouragent le 'stakhanovisme' à
l’envers. Moins on travaille, mieux on sera récompensé !
Dans un pays où l’égalitarisme fait figure de loi
fondamentale, les riches s’exilent à l’étranger,
avec les jeunes en quête d’ascension sociale, et les
assistés augmentent.
Comment ce pays pourrait-il être prospère quand les charges qui
pèsent sur le contribuable s élèvent à 62 % du
revenu moyen individuel ? Quel avenir pourrait-il avoir quand 20 % des
élèves sont incapables de lire et d’écrire
à la sortie de l’école primaire? 'Désapprendre' a été
et reste le mot d’ordre de l’éducation en France depuis
que les syndicats s’en sont emparés et depuis que Marx et
Lénine ont remplacé Tocqueville.
Une centaine de pages suffisent pour rendre compte d’un désastre
lorsqu’elles sont écrites avec colère, mais aussi avec
beaucoup de talent, par un écrivain reconnu surtout pour ses talents
de romancier. Et cette fois-ci, il ne s’agit plus d’un roi
maudit, mais d’un pays qui paraît maudit, à la solde
d’un cadavre idéologique qui bouge encore."
Suivront
La France aux ordres d'un cadavre
les trois derniers livres qu'écrira Maurice Druon, à
savoir :
2002 : Ordonnances pour un État
malade (Éditions de Fallois/du Rocher) ;
2003 : Le Franc-parler (Le
Rocher) ;
2006 : Mémoires. L'aurore vient
du fond du ciel (Plon/Éditions de Fallois).
3.D. A propos du livre Le Franc-parler.
Quatre ans plus tard, Bogdan Calinescu a écrit sur LibRes
une recension de Le Franc-parler,
livre où l'académicien avait rassemblé ses chroniques
journalistiques (du Figaro).
"J’avais
recensé avec plaisir, en 2000 et 2002, les deux premiers pamphlets de
l’auteur (La France aux ordres
d’un cadavre et Ordonnances
pour un Etat malade).
Dans le premier, il dénonçait avec férocité et
humour l’emprise du gauchisme sur la société française,
tandis que le second apportait les remèdes qu’il estimait
nécessaires au redressement de notre pays. Loin d’être un
vrai libéral, Maurice Druon avait montré une excellente
compréhension des dysfonctionnements et des gaspillages de
l’Etat et même de ses limites dans la gestion des affaires.
Ce volume qui vient de paraître laisse entrevoir un auteur lassé
d’une France en queue de peloton et qui se met à espérer
une nouvelle ère lors du changement de majorité (les chroniques
commencent les 29 avril [2002],
une semaine après le premier tour des présidentielles).
Il y croit, d’abord dans sa 'Lettre ouverte à Jacques Chirac',
ensuite, avec les bonnes notes accordées à quelques ministres
de droite dans les premiers mois du nouveau gouvernement.
Malgré la bureaucratie du ministère de la Culture, il pense que
le ministre fait du bon travail, de même pour le ministre de la
défense, une femme qu’il croit capable de revigorer une gloire
perdue, ainsi que de Nicolas Sarkozy, une personnalité qui aime donner
des ordres qui soient suivis.
Dans cette situation optimiste, à quoi bon les centristes, ennemis
d’une 'ardente politique nationale' ? Ce sont des gens qu’on ne
peut situer ni à droite, ni à gauche, alors pourquoi
s’encombrer ?
Une merveilleuse chronique est consacrée au mot 'libéral'.
'Les glissements de sens, les modifications sémantiques, les
variations du langage sont révélateurs de l’état
d’esprit, et de santé, d’un peuple', affirme Druon avec
raison. C’est ce qui s’est passé avec ce mot tant honni.
Paradoxalement, le terme a été confisqué par la gauche
qui l’a déformé à son avantage justement pour
qu’il soit employé seulement à des fins dangereuses pour
la société.
Une réforme libérale ? Ce n’est qu’une
dérive extrêmement inquiétante.
Une loi libérale ? Ce n’est qu’une 'loi
scélérate'. Alors que, même pour le novice en la
matière, il suffit de lire dans le Robert
les contraires du mot : dictatorial, dirigiste, totalitaire. Tout est dit.
Pourtant, malgré ces pages réconfortantes, on a du mal à
suivre Druon sur un certain nombre d’idées. D’abord, il y
a cette méfiance envers le rôle des juges dans la lutte contre
la corruption. En ce qui nous concerne, on pense qu’ils sont
plutôt timides dans un pays où les 'affaires' occupent une place
importante. Les prisons ne regorgent pas vraiment de politiques malgré
de nombreuses mises en examen et ceux-ci ne se bousculent pas, contrairement
à leurs homologues anglo-américains, pour démissionner
ou abandonner la politique après avoir été
mêlés à des affaires.
Ensuite, il y a cet espoir que l’auteur a en la construction
européenne et sa méfiance envers le marché.
Le récent échec autour de la Constitution, les
mésententes avec les prochains membres et, en particulier,
l’arrogance avec laquelle la France et l’Allemagne ont
bafoué des traités qu’ils avaient signés ont
largement montré les limites d’une Europe bureaucratique sous la
coupe d’une autorité suprême.
Ce n’est pas en créant une présidence que les
problèmes seront résolus. Au contraire, il sera impossible de
contenter tout le monde. L’Europe est un grand espace ouvert aux
libertés économiques, politiques et culturelles. Ce n’est
pas un Etat.
Enfin, inexplicable est la position de Druon sur la guerre en Irak.
Qu’il soit contre l’intervention américaine, c’est
son droit, mais qu’il transforme cette opinion en position
antiaméricaine et, surtout, en soutien à la diplomatie
française, ceci nous semble incompréhensible.
Comment un esprit éclairé comme le sien peut-il reprendre le
poncif marxiste (largement utilisé par Le Monde diplomatique) sur le pétrole comme cause
de la guerre ? Ou bien l’affirmation selon laquelle Ben Laden serait
une création des Américains alors qu’il est le
résultat des années de dictature communiste et de terreur envers
la population afghane (à cet égard, (re)lire le chapitre
éclairant sur l’Afghanistan de Pierre Rigoulot dans Le livre noir du communisme)
? En quoi la France aurait retrouvé sa place à la tête de
la communauté internationale en s’opposant aux Etats-Unis ? Dépourvue
de moyens et de solutions, incapable de régler le moindre conflit, la
France n’est forte que lorsqu’elle s’oppose à
l’ogre américain. Elle le payera chèrement et elle le
mérite (dans le conflit irakien, elle n’a pas été
neutre comme d’autres nations, elle s’y est opposée
ouvertement).
Quel dommage que de nombreux intellectuels français gardent toujours
cette attirance pour une autorité forte, d’en haut, qui impose
ses règles à toute la société sous
prétexte de faire rayonner la nation."
4.
Ma conclusion.
Il est, en effet, difficile de comprendre cette prise de position d'un homme
qui a une réflexion acérée sur l’Etat et sa
bureaucratie, qui est lucide sur le recul de la France dans le monde et
impitoyable avec la gauche.
Les deux positions sont en vérité incompatibles : l'Etat et sa
hiérarchie bureaucratique ne peuvent que végéter sur la
gauche et l'idéologie marxiste et avoir pour effet le recul
dénoncé. Pourquoi vouloir renforcer toujours plus son
autorité ? Pourquoi désirer ce totalitarisme ?
En outre, il est non moins difficile de comprendre le silence de Maurice
Druon sur l'institution marxiste au moins autant pernicieuse que, par
exemple, le monopole de l'éducation nationale, à savoir l'organisation
de la sécurité sociale.
Les destructions qu'occasionne cette organisation et que les réformes
entreprises depuis au moins 1967 tentent vainement de camoufler ou de
colmater - cf. ci-dessous la toute nouvelle - se juxtaposent à celles
que provoquent la hiérarchie bureaucratique de l'Etat dont, il faut y
insister, elle est indépendante en grande partie.
Le totalitarisme, effet du marxisme,
se porte décidément bien en France : deux exemples
d'actualité.
a) Plus de pipe.
![](http://www.24hgold.com/24hpmdata/articles/2009/04/img/20090422PL07582.jpg)
Le 16 avril 2009, on apprenait que "Jacques Tati venait d'être
privé de sa pipe par la RATP". De quoi s'agissait-il ?
Après Pompidou, Malraux, Sartre privés de leur cigarette
caractéristique sur des photos légendaires montés en
affiches, voici que Monsieur Hulot – Jacques Tati - (ci-dessus) se voit
privé de sa pipe, elle aussi caractéristique.
En effet, les affiches de l’exposition consacrée à
Jacques Tati par la Cinémathèque française, à
Paris, ont été modifiées à la demande de la
RATP. Il s’agit d'affiches destinées aux stations de métro
ou aux bus de la RATP.
En d'autres termes, il s’agit, ni plus ni moins, de gommer un
élément essentiel du personnage de M. Hulot tel qu’il
reste présent dans la mémoire de tout spectateur des films de
Tati. Tout cela au nom du respect de la "loi anti-tabac".
Censure ? Respect de la loi ? Révisionnisme ? Principe de
précaution ? Non, totalitarisme ambiant induisant la
peur d'otages victimes du syndrome de Stockholm. Et s'ils n'en
étaient pas victimes, ils s'opposeraient au législateur.
Un reportage de Laura Huyghe et une analyse de Claire Bruyère,
historienne, s'y sont intéressés sur "France
Info".
Je serai beaucoup plus bref que leurs propos : le totalitarisme, effet du
marxisme, se porte décidément bien en France.
Et malheureusement, cela a échappé à Maurice Druon
même s'il a écrit, je ne sais plus où, que :
"le drame de notre époque est que la bêtise s'est mise
à penser".
Mais il y a encore plus dément.
b) Plus de liberté
d'installation.
Aujourd'hui 17 avril 2009, on apprend qu'à partir du 18 avril, les
infirmières n'auront plus le droit de s'installer librement en France,
cela en totale violation de deux principes fondamentaux de l'Union
européenne : la liberté d'installation et la liberté de
prestations de service.
Selon Vincent Collen du journal les Echos.
"Le
samedi 18 avril est à marquer d'une pierre blanche dans l'histoire du
système de santé français.
Pour la première fois, une profession libérale de santé
exerçant des soins, en l'occurrence les infirmiers et
infirmières, accepte de limiter sa liberté d'installation afin
de corriger des déséquilibres démographiques susceptibles
de mettre en danger le principe d'égalité d'accès aux
soins.
C'est demain qu'entre en vigueur l'accord signé il y a six mois entre
les syndicats d'infirmiers libéraux et l'assurance-maladie.
En échange d'une revalorisation des tarifs de 5,3 %, l'installation
des professionnels sera strictement régulée dans certains
territoires.
Dans les zones considérées comme « très
surdotées », une infirmière ne pourra s'installer que si
une autre professionnelle cesse son activité. Elle devra apporter la
preuve à la caisse primaire d'assurance-maladie qu'elle remplace un
départ.
Concrètement, cela reviendra à racheter la clientèle de
sa collègue partante.
Dans les zones « très sous-dotées », des mesures
d'incitation à l'installation et au maintien d'activité entrent
aussi en vigueur demain : l'assurance-maladie subventionnera
l'équipement du cabinet, dans la limite de 3.000 euros par an pendant
trois ans.
'Cela permettra notamment d'aider à financer un véhicule,
premier poste de dépense pour la profession dans certaines zones', se
félicite Philippe Tisserand, président du syndicat FNI.
[…]
La Sécurité sociale prendra aussi à sa charge une partie
des cotisations d'allocations familiales.
En contrepartie, l'infirmière signera un contrat par lequel elle
s'engagera à favoriser la vaccination contre la grippe, ou encore
à suivre les patients atteints de maladies chroniques comme le
diabète. […]"
Effectivement la bêtise s'est mise à penser et, dans ce dernier
domaine, depuis un certain temps, depuis qu'ils ont mis la
médecine dans la seringue...
![](http://www.24hgold.com/24hpmdata/articles/2009/04/img/20090422PL07583.png)
N.B.
J'emprunte à Laure
Allibert l'illustration ci-dessus : j'espère qu'elle me
pardonnera, je n'ai pas su résister.
P.S.
Une recension remarquable du livre de Maurice Druon est disponible sur SOS Action
santé.
Georges Lane
blog.georgeslane.fr
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Georges
Lane enseigne l’économie à l’Université
de Paris-Dauphine. Il a collaboré avec Jacques Rueff, est un membre du
séminaire J. B. Say que dirige Pascal Salin, et figure parmi
les très rares intellectuels libéraux authentiques en France.
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