La crise actuelle n’est pas une crise comme celles que nous avons connues
depuis 1945. La croissance au quatrième trimestre 2009, en France et au
Etats-Unis, n’est due (en partie) qu’a un facteur technique transitoire, le
moindre déstockage des entreprises. Nous ne sommes pas dans un enchaînement
cyclique normal.
Par bien des aspects celle- ci est plus grave que la crise de 1929, en ce
qu’elle est doublement globale, affectant à la fois la planète entière et la
sphère financière dans sa totalité. Le choc initial a été plus fort qu’en
1929.Pendant les neufs premiers mois, la chute de la production industrielle
a été aussi violente qu’en 1929; la chute des cours de bourse deux fois plus
rapide, de même que le recul du commerce mondial.
L’éclatement de la bulle immobilière aux Etats-Unis a été amplifié par
l’éclatement de la bulle des produits titrisés, ce qui a eu pour conséquence
l’éclatement de la bulle de l’endettement des ménages. Des pertes énormes ont
rendu le système financier international insolvable, il n’a pu être sauvé que
grâce à l’aide des états, qui se sont endettés dans des proportions
considérables.
Un modèle de croissance basé sur l’endettement des ménages afin de
stimuler la croissance a atteint ses limites extrêmes. Une répartition très
inégale des richesses et des revenus a fait du crédit un substitut à l’augmentation
de ces derniers.
La crise actuelle de l’endettement des états (notamment la Grèce) montre
que le risque systémique (risque d’écroulement global du système financier)
n’est que le symptôme d’une maladie plus grave : la crise systémique.
La crise de la dette publique montre que notre modèle de croissance
est inadapté: La raison du plus fort est toujours la meilleure.
La crise immobilière aux Etats-Unis a donc eu pour conséquence une crise
financière et économique mondiale. Afin de juguler la crise financière les
états ont mis en œuvre des politiques monétaires très expansionnistes :
intérêts à taux zéro, mesures de détentes quantitatives, nouvelles facilités
de crédit, émission d’obligations d’état et rachat d’actifs privés non
liquides et à risque, auquel s’ajoute la dépense de sommes colossales pour
stabiliser le système financier.
On a donc transformé les dettes des banques en dette publique (ou du moins
une partie). Les états ont donc fait la pari risqué, que sauver les banques,
c’était sauver aussi la croissance et les emplois, en s’endettant
massivement.
Afin de lutter, en outre, contre la crise économique, ils ont mis en œuvre
des politiques budgétaires expansionnistes afin de soutenir la demande
globale.
Ainsi selon le Fonds monétaire international (FMI), les pays du G20 ont
consacré 17,6% de leur PIB au soutien direct du système bancaire et
seulement, toujours en moyenne, 0,6% du PIB EN 2008, 1,5% en 2009 et 1% en
2010 en mesures budgétaires discrétionnaires.
Ajoutons à cela, que les pays de la zone Euro ont consacré 1,6% de leur
PIB, sur les trois années considérées, alors que les Etats-Unis y ont
consacré 5,2% de leur PIB.
On a caché donc le coût historique du sauvetage du système bancaire, qui
constitue le plus gigantesque transfert de richesse, de l’histoire
économique, du secteur public vers le secteur privé à l’échelle du monde
ainsi que ses conséquences en terme de perte de croissance.
Il importe donc de poser le problème de l’endettement public dans ce
contexte très particulier. Les agences de notations qui ont fait preuve d’une
rare incompétence, avant la crise, en notant AAA (aucun risque de faillite)
les produits titrisés, essentiellement parce qu’elles ont été grassement
rémunérées par les grandes institutions financières; s’attaquent aux états et
leur font injonction de revenir à l’orthodoxie budgétaire.
Bien évidemment la Grèce est un pays en grandes difficultés: sa
compétitivité est faible, la corruption fait partie des mœurs politiques.
Elle a maquillé ses comptes afin d’intégrer la zone Eure (avec l’aide de
Goldmann Sachs et un montage financier complexe qui reposait sur un swap de
devises).
Mais, après tout, les pays qui ont des problèmes de déficits budgétaires
et de dettes publiques sont légion. Alors pour quoi la Grèce?.
Essentiellement parce qu’il s’agit d’un petit pays et que les marchés
envoient ainsi un message aux états, en leur indiquant qu’ils doivent
restructurer leurs dettes sans attendre; alors que celles-ci résultent (comme
nous l’avons vu), pour l’essentiel, du soutien direct apporté aux systèmes
bancaires.
Cela permettra aussi aux grandes institutions financières de dégager de
juteux profits grâce aux credit default swap (CDS) qui sont une sorte
d’assurance contre le risque de défaut d’Athènes sur sa dette souveraine.
La chose n’a rien de surprenant, dans un remarquable ouvrage (« This time
is different : Eight centuries of financial folly) Kenneth Rogoff
explique que le phénomène récurrent, le plus significatif, est qu’une crise
bancaire internationale est le plus souvent suivie d’une vague de défauts sur
la dette souveraine qui a pour conséquence une restructuration de celle-ci.
En réalité le véritable problème de la crise de la dette publique, c’est
le risque de la contagion, alors qu’il n’y pas de problème global de
financement de la dette publique dans la zone Euro. A cause des CDS, on peut
craindre que la crise ne s’étende en Espagne et au Portugal, puis en Irlande
et en Italie, enfin au Royaume-Uni.
L’Europe risque donc une nouvelle récession.
Le problème de la zone Euro est qu’il ne s’agit pas d’une véritable zone
monétaire. En effet selon le critère de Mundell, une zone monétaire doit non
seulement avoir une politique monétaire commune, mais aussi une politique
budgétaire et fiscale commune (ou du moins coopérative). C’est précisément ce
qui lui manque, comme le montre le cas grec. Selon les traités constitutifs
de l’Union Européenne, il n’existe pas de procédure d’aide entre états
membres, et la BCE ne peut financer la dette publique d’un état membre. En
outre le cas espagnol montre que si l’Euro protége, dans un premier temps,
l’économie dans le cas d’une grave récession; il empêche celle-ci d’en sortir
rapidement.
En Espagne l’augmentation des prix de l’immobilier (la bulle) a entraîné
un afflux de capitaux; alors qu’en Europe la balance courante allemande est
devenue excédentaire, celle de l’Espagne s’est enfoncé dans un énorme
déficit. L’augmentation de la demande de biens et services a eu pour
conséquence une augmentation de l’inflation.
Lorsque la bulle a éclaté, l’Espagne a vu sa demande intérieure se réduire
considérablement, et la hausse des prix et des coûts du travail, l’a rendue
très peu compétitive dans la zone Euro. Si l’Espagne disposait de sa propre
monnaie, celle-ci se serait appréciée durant le boom immobilier puis
dépréciée à la fin de celui-ci. Comme cela n’a pas été le cas, elle semble
condamnée à subir des années de déflation et de chômage massif (au environ de
20%). Le véritable problème, ce n’est pas la Grèce mais l’Espagne qui est la
quatrième économie de la zone Euro.
Les grandes banques internationales spéculent donc sur la dette souveraine
des états, cela même qui les ont sauvé de la faillite.
La crise de la dette publique montre que notre modèle de croissance est structurellement
inadapté. Si on fait l’hypothèse que la répartition inéquitable des richesses
et des revenus est la principale cause de la crise actuelle (croissance
faible et chômage massif), la crise et les solutions apportées à celle-ci ont
augmenté les inégalités, à l’intérieur de chaque état et entre les états
(comme le montre la zone Euro), dans des proportions considérables et
inconnues pour des sociétés démocratiques.
La crise systémique paraît inévitable.
La crise systémique paraît inéluctable : la mortelle randonnée des
pays développés.
Les pays développés ne savent plus créer de la croissance que par
l’endettement. On a construit des véritables « falaises de
crédit », à la base de celles-ci se trouve l’endettement des ménages, le
premier étage est constitué par l’endettement des entreprises et le dernier
étage par l’endettement public. A peine a-ton consolidé les fondations que le
dernier étage menace de s’écrouler.
La période antérieure à la crise a été marquée par l’envolée de l’endettement
des ménages et de la dette globale : celle-ci représentait aux Etat-Unis 350%
du PIB.
Si on s’intéresse au bilan de la FED, on se rend compte, que ces tendances
n’ont pas été remises en cause.
Le total des crédit titrisés des GSE (Fannie Mae et Freddie Mae)
américains étaient de 4000 milliards de dollars en 2008. La Réserve fédérale
aurait acheté, en 2009, prés du quart du portefeuille de créances anciennes
titrisés. Cela n’a pas de sens! La crise immobilière n’a jamais atteint une
telle virulence. On peut donc faire l’hypothèse que la FED rachète une partie
des nouveaux mortgage backed securities (MBS), postérieurs à la crise, émis
par les GSE.
Il s’agirait par ce biais de stabiliser le marché immobilier et de
relancer ainsi la consommation.
Dominique Srauss-Kahn, le directeur général du FMI, prévoyait une reprise
au premier semestre 2010, en s’appuyant sur la stabilisation du marché
immobilier américain.
Or d’après la note de conjoncture du Figaro du 21 janvier 2010, intitulé
: immobilier situation préoccupante, on serait loin du compte :
« En terme de transactions, que ce soit dans le neuf ou l’ancien, les
chiffres font état d’une situation préoccupante, avec des chutes en décembre
qui n’ont jamais été atteintes depuis que les indices ont été créés ».
En outre, la Société Générale dans une étude intitulée : « Worst case
debt scenario : Protecting yourself against economic collapse », fait
état d’un risque de crise systémique.
Elle part du constat que l’endettement américain est préoccupant à cause
de l’écart croissant entre les dépenses et les recettes fiscales, creusant
ainsi un déficit de 1600 milliards de dollars depuis 2009.
Dans les prochaines années, on peut faire l’hypothèse réaliste, que les
recettes fiscales augmenteront moins vite que ne se creusera le déficit. Les
auteurs mettent, en relief, à partir du cas japonais, la corrélation négative
qui existe entre la croissance et le niveau de la dette publique.
L’augmentation du chômage et le vieillissement de la population devrait
accentuer, en Europe et aux Etats-Unis, la tendance à la hausse des dépenses
publiques.
Elle fait aussi référence à l’accélération de la tendance au transfert de
la richesse des économies développées vers les économies émergentes. Allons
plus loin, on peut même supposer que la Chine va porter de moins en moins
d’attention au marché américain et se recentrer sur son marché intérieur et
sa zone d’influence (comme semble le montrer la récente baisse de ses achats
de bons du trésor). Un tel revirement modifierait en profondeur le système
économique et financier mondial, et forcerait les Etas-Unis a revoir, dans la
douleur, leur problème de dette.
On peut donc dégager un élément clef de la crise systémique à venir :avant
la crise, l’endettement des ménages a compensé les revenus que les pays
riches ont perdu au fur et à mesure de leur désindustrialisation. Que va-t-il
se passer maintenant, que ce mécanisme de compensation ne peut plus jouer ?
La seule solution c’est que la dépense publique vienne compenser les pertes
de revenus des pays riches qui s’accélèrent.
Un tel transfert de richesse amènera inéluctablement, à terme, au
transfert de la recherche et développement et des emplois qualifiés vers les
pays émergents.
EADS a signé un contrat avec la Chine afin d’installer une usine qui
fabriquera des Airbus, les Chinois ont exigé que celui-ci contienne des
clauses de transfert de technologies. Areva a été devancé par un groupe
coréen dans l’attribution du marché du nucléaire à Singapour.
Enfin quant on lit le rapport de fin d’année d’IBM, on s’aperçoit que
cette société n’a pas connu la crise grâce à la croissance des marchés
émergents : IBM France représente 7800 personnes et IBM Inde 40.000
personnes.
On en revient donc au même point : un modèle de croissance inadapté basé
sur la prédominance du secteur financier, qui nous oblige à substituer à
l’endettement privé, l’endettement public.
La crise systémique pose donc le problème d’un secteur financier à la fois
dominant et non viable.
Dominant parce que la crise a amené à la création de banques qui sont trop
grosses pour faire faillite, elles bénéficient de ce que l’on appelle l’aléa
moral : elles sont certaines en cas de crise grave d’être renflouées par
l’état, autrement dit le contribuable.
Non seulement on n' a pas remis en cause le système d’incitations
perverses qui a poussé, avant la crise, à des prises de risque démesurées,
mais on a institutionnalisé celui-ci.
La crise a, en outre, mis en lumière la relation fonctionnelle qui existe
entre les grandes banques américaines et l’élite politique. Difficile d’être
élu aux Etat-Unis sans l’appui des grandes sociétés ou des grandes banques.
Les états du G20 ont consacré 17,6% de leur PIB au soutien direct du
système bancaire, il y avait donc une contrepartie implicite : les banques
devaient soutenir l’activité.
Or elles ont détourné les sommes mises à leur disposition vers les marchés
financiers afin de doper leurs profits de trading et ont contracté,
parallèlement, leur encourt de crédit, de manière à restaurer leur rentabilité
On touche, ici, à un autre ressort essentiel de la crise systémique : le
système bancaire n’alloue pas le capital et les risques de manière
efficiente, mais en fonction de ses intérêts propres. Il tend à imposer ses
règles même si elles se révèlent destructrices pour le système économique et
les nations. Il perd toute utilité sociale.
Comme le faisait remarquer, non sans humour, Paul Volker (ancien patron de
la fed ) : "La seule innovation financière dont l'utilité sociale est
incontestable est le distributeur automatique de billets".
Il va falloir rajouter un nouveau chapitre à la crise : celui de la crise
politique.
La crise politique va hâter le déclenchement de la crise systémique :
49éme parallèle.
Au vu de ce qui précède comment pourrait-on définir le secteur financier
américain ?.
Comme un secteur qui jouit d'une rente de monopole car il est le seul à
pouvoir assurer le financement de l'endettement global. La richesse passe par
la détention d'actifs, qui sont comme le montre les CDS, la promesse de payer
à quelqu'un une somme d'argent en cas de survenance d'un événement. La part
de plus en plus importante dans le PIB, de paris sur les fluctuations des
prix (produits dérivés, produits structurés ..etc), tend à évincer les
activités socialement utiles au profit d’activités parasitaires qui ne créent
aucune valeur. Il s’agit d’un jeu à somme nulle.
Ce prodigieux pouvoir s'appuie à la fois sur une grande influence
politique et sur une maîtrise de l'information stratégique grâce aux agences de
notation.
Maîtrise de l'information stratégique, dans le cas des marchés de produits
titrisés qui sont des marchés de gré à gré, où il n'existe pas de chambre de
compensation officielle et d'instance de régulation. Il était donc
impossible, à un investisseur de pouvoir connaître le risque réel associé à
ce type de produit, d’autant plus que les agences de notations leur
assuraient qu’il s’agissait de produits sans risque.
Quant à l'influence politique, elle s'appuie avant tout sur un fabuleux effort
de lobbying comme le montre une récente étude ("A Fistfull of dollars :
lobbying and financial crisis" par Deniz Igan, Prachi Mishra et Thierry
Tressel, Working Paper n° 287, FMI, 2009). Elle infirme l'idée selon
laquelle, ce serait le gouvernement américain qui serait à l'origine de la
création des subprimes, en obligeant les institutions financières à accorder
des crédits aux classes défavorisés ainsi qu'aux minorités ethniques. Elle
explique ainsi que : "les principales institutions impliquées dans les
excès des "subprimes" sont également celles qui ont le plus dépensé
d'argent dans le lobbying des députés américains. Entre 2000 et 2006; les
institutions financières américaines ont investi de 60 à 100 millions de
dollars pour faire du lobbying. La majeure partie de ces actions étaient
ciblées sur les prêts immobiliers et leur titrisation"
Il n'est pas exagéré d'en déduire que ces institutions ont largement
influé sur la qualité des régulations qui ont été mise en oeuvre sur ces
marchés. Ajoutons à cela que la finance américaine s'est engagée dans un
lobbying forcené afin de limiter la régulation sur les produits dérivés et
sur le marché des CDS en particulier afin de protéger leur rente de
situation. Leur puissance de feu est énorme puisque leur profit représente
40% des profits de l'ensemble des sociétés américaines (alors qu'il n'avait
jamais excédé 16% de 1973 à 1985).
A partir de ce qui précède, on comprend mieux pourquoi les états du G20
ont consacré 17,6 % de leur PIB au soutien de l'activité directe des banques,
sans exiger de contreparties explicites.
Les institutions économiques (les règles) et les acteurs de l'économie
mondialisée ont réduit les institutions politiques et les institutions
sociales, qui ne se conçoivent qu'à une échelle nationale, à des rouages
subalternes.
Les grandes institutions financières internationales contrôlent plus le
monde politique, que celui-ci ne les contrôle. Dés lors la régulation est un
leurre.
Les démocraties occidentales ont perdu ce qui faisait leur force :
l'efficience adaptative, qui résultait d'un long processus historique qui a
commencé au 10ème siècle. Des institutions économiques, politiques et
sociales cohérentes, souples et adaptatives qui permettaient de rechercher
des solutions pertinentes, tout en limitant le coût des erreurs.
Dans une récente étude réalisée par Globescan dans 22 pays, on apprend que
pour la majorité des personnes interrogées, les gouvernements sont considérés
comme les principaux responsables de la crise.
Le reproche qui leur est adressé porte-t-il sur le fait qu’ils n’ont pas
agi assez tôt ou qu’ils auraient trop aidé les banques.
Quoiqu’il en soit, il est certain que les populations considérées
porteront au passif de leurs gouvernements les souffrances endurées.
Si on ajoute à cela que la situation greque est le film en accéléré, de ce
qui va se passer dans la plupart des pays : baisse de la dépense publique et
augmentation des impôts.
Ce qui aura pour conséquence un démembrement de la protection sociale, un
gel des salaires et des retraites; et une évolution similaire à celle du
japon dans les années 1990, au mieux, et au pire, à une rechute dans la
récession comme dans les années 1937-1938 au Etas-Unis.
On comprend que la défiance des gouvernés vis à vis des gouvernants ne
peut aller qu’en augmentant.
Taine, "dans les origines de la France contemporaine",
expliquait la révolution française par le fait que les privilèges exorbitants
de la noblesse et du clergé n’avaient pas de contreparties explicites; alors
que ceux-ci comportaient initialement des contreparties : s’occuper de la
santé, de l’éducation, des indigents.
Évidemment, nous ne sommes pas à la veille d’une révolution. Mais il faut,
toutefois, remarquer que le mécanisme évoqué plus haut peut s’appliquer à la
situation actuelle : le système financier jouit de privilèges exorbitants
(l’aléa moral par exemple) qui n’ont pas de contreparties explicites.
Prenons l’exemple de l’aléa moral. Il a été étudié par joseph Stigliz en
s'appuyant sur l'exemple du marché de l’assurance santé. Il repose sur
l’asymétrie de l’information. En effet un individu peut avoir des conduites à
risque à partir du moment où il a souscrit un contrat d'assurance contre
ceux-ci, alors que l’assureur n’a aucun moyen d'être informé de celles-ci (conduites
à risque).
La solution consiste donc à imposer des pénalités tellement fortes
qu’elles compensent la faible probabilité d’être découvert.
Si on applique ce raisonnement au système financier, il aurait fallu
mettre en place un système de pénalités qui décourage celui-ci d’avoir
recours à l’aléa moral.
Or l’état semble se comporter, comme un assureur, qui ne cherche pas à
corriger le problème de l’aléa moral. Au contraire il l’augmente en créant
des mastodontes bancaires qui sont « too big to fall ». Autrement
dit, on socialise les pertes et on privatise les profits.
L’existence de privilèges qui n’ont pas de contreparties explicites est un
mécanisme destructeur pour tout système politique démocratique.
Quand les personnes interrogées (étude de Globalscan) rendent responsables
les gouvernement de la crise actuelle, cela veut dire deux choses :
- Ils ne pensent pas que les gouvernements peuvent résoudre la crise et
donc les problèmes auxquels ils sont confrontés.
- Il leur reproche surtout leur proximité avec le pouvoir financier, voit
leur soumission à ce dernier.
La rupture de la relation mandants (électeurs) mandataires (élus) ne peut
que se traduire par une crise politique. La crise a tracé une frontière
infranchissable, un 49éme parallèle (d‘après le titre du très beau roman de
John Dos Passos), entre les perdants (salariés, retraités, PME et à terme le
système politique) et le grand gagnant de la crise : le système financier.
L'Amérique a évité une dépression, et les mesures de soutien adoptées par
l'administration Obama y ont contribué, mais les rapporteurs du centre
national du marché du travail constatent :" une véritable dépression de
l'emploi touche ceux qui se situent en bas de la répartition des revenus(
taux de chômage de 30,8%, supérieur de 5 points à celui de la grande
dépression) , et une profonde récession prévaut dans les catégories situées
au milieu de l'échelle de la répartition des revenus".
On peut donc penser que la crise politique va faire passer la crise
systémique d'un stade latent à un stade aiguë. En premier lieu parce qu'on a
ébauché aucune solution aux problèmes de fond : répartition très inégalitaire
des richesses et des revenus, déficit structurel des pays riches vis à vis
des pays émergents, croissance tirée par l'endettement, système financier
dominant et inefficient.
Notre modèle de croissance basé, sur la séquence : crédit - consommation -
dette, est obsolète. En second lieu parce que les systèmes politiques et les
gouvernements semblent incapables de jeter les bases d’un nouveau modèle de
développement.
La crise actuelle a deux phases. La première phase, marqué par
l'éclatement de la bulle immobilière, a été amplifié par l'éclatement de la
bulle des produits toxiques, ce qui a entraîné l’éclatement de la bulle de
l’endettement des ménages.
Lors de la seconde phase, il y a un risque d’éclatement de la bulle de
l’endettement publique à cause de la crise politique qui parait inéluctable,
ce qui pourrait entraîner l’éclatement de la bulle de l’endettement global et
provoquer ainsi un véritable « tsunami financier ».
Un Krach parait donc inévitable en 2010 puisque comme l’explique Kenneth
Rogoff (dans son dernier ouvrage cité plus haut), la défaillance d’un état
(ou de plusieurs) paraît inévitable : se posera alors de manière aiguë le
problème d’un modèle de croissance totalement inadapté (crise systémique).
La route 66 est la route du rêve américain. Immortalisée par « les
raisins de la colère » de Steinbeck, elle traverse les Etats-Unis d’est
en ouest, 3940 kilomètres de Chicago à Los Angeles. La misère est de retour :
on y retrouve ceux qui s’étaient vu propriétaires d’une maison qui n’arrêtait
pas de monter, et qui se retrouvent sans rien, même pas un toit sur la tête.
Les victimes de la titrisation du rêve américain.
La route 66 risque d’être une voie sans issue, tant que certains ont des
privilèges exorbitants qui n’ont pas de contrepartie explicites.