Les
négociations à propos de la restructuration de la dette grecque
(le PSI) se sont considérablement tendues, incitant Guido Westerwelle, le ministre allemand des affaires
étrangères, à se rendre samedi en urgence à
Athènes, officiellement pour porter un message
“d’encouragement et d’espoir”… Son
déplacement inopiné a en réalité pour objectif de
conclure impérativement les discussions avant la réunion du 23
janvier des ministres des finances de l’eurozone,
pratiquement dans une semaine.
Parallèlement
un nouveau round de négociations va débuter mardi prochain
à Athènes avec les représentants de la Troïka
(Union européenne, FMI et BCE), afin de mettre au point un nouveau
programme fiscal et de réformes structurelles, qui devra être
approuvé pour que l’accord du PSI puisse entrer en application
et que de nouveaux prêts d’un montant de 130 milliards
d’euros soient accordés.
Le
tout doit dans l’immédiat permettre à la Grèce de
faire face à son échéance de 14,4 milliards
d’euros du 20 mars prochain, faute de quoi elle fera défaut. Or
l’accord est loin d’être conclu entre l’Institute of
International Finance, qui représente les créanciers
privés, et le gouvernement grec.
La
discussion porte sur le taux d’intérêt des nouvelles
obligations qui seront échangées avec les titres actuels. Le
gouvernement allemand est en effet intervenu dans les négociations,
afin de proposer un taux de 2-3% – ce qui ferait monter les pertes des
créanciers de 60% à 80% – alors que les créditeurs
voulaient obtenir 5%. La position allemande prend en effet en compte la
diminution du nombre de créanciers prêts à se joindre
à l’accord volontaire, résultant notamment du
refus des hedge funds qui
spéculent sur le défaut grec, en cherchant à le
compenser par une augmentation de la décote supportée par les
banques. L’objectif est en effet de parvenir à réduire la
dette de la Grèce de 160% à 120% du PIB à l’horizon
2020, pour que le plan soit considéré comme crédible.
Ne
voulant pas augmenter leur mise, les États européens reportent
donc sur les banques la charge supplémentaire. Mais elles
créent ce faisant un autre problème, étant donné
qu’il va falloir davantage renflouer les banques grecques, grosses
détentrices de la dette grecque. Le choix suivant va alors être
soit d’augmenter encore les efforts demandés au gouvernement
grec pour dégager les ressources correspondantes, soit
d’accroître les prêts de l’Union européenne et
du FMI.
Un
défaut de la Grèce dans le contexte actuel est un luxe que ne
peuvent pas se permettre les dirigeants européens, ni les
émetteurs de CDS sur la dette grecque, mais la corde est à tous
égards très tendue.
D’autres
négociations financières se profilent, qui ne vont pas
être plus aisées, en attendant d’observer la
réaction du marché obligataire suite aux dégradations
des pays européens, en particulier à l’occasion
d’une émission française jeudi prochain. Elles vont avoir
pour objet le Fonds européen de stabilité financière
(FESF), qui pourrait devoir supporter des taux plus élevés
– et les répercuter sur les pays bénéficiant de
ses prêts – s’il venait à perdre à son tour
sa note AAA, ce qui alourdirait leurs charges d’autant. La perspective
de voir des investisseurs non-européens financer le FESF,
déjà faible, en sortirait par ailleurs encore moins probable.
Dans
l’immédiat, le verdict de S&P concernant cette notation est
attendu dans les jours prochains ; John Chambers, président du
comité des notations souveraines de S&P, a précisé
que le FESF pourrait conserver sa note AAA, si l’Allemagne et les trois
autres pays restants qui en bénéficient toujours accroissaient
le montant de leur garantie pour se substituer à la France, qui
l’a perdue). Une perspective immédiatement écartée
par Angela Merkel. Il ne reste alors comme issue
que la possibilité que les émissions à court terme du
FESF (3 à 6 mois) continuent à bénéficier de la
note AAA, ce qui permettrait au moins des prêts relais aux pays
bénéficiant déjà des plans de sauvetage, quitte
à les renouveler. En utilisant de plus en plus des bouts de ficelle.
Le
montage du Mécanisme européen de stabilité (MES),
désormais prévu pour être effectif en juillet prochain
après des décisions inscrites à l’ordre du jour
d’un sommet en mars, devrait si possible être accéléré,
car il n’y aura plus que le FMI de disponible, aux moyens lui aussi
limités, pour faire la soudure en attendant son lancement, les pays
européens devant financer le fonds pour qu’il puisse
s’engager dans des opérations de sauvetage
européennes. Toujours du bricolage.
Le
même problème de financement va se trouver posé avec le
MES car il est prévu qu’il bénéficie non pas de
garanties, comme c’était le cas du FESF, mais cette fois-ci
d’un capital, dont le montant prévu est pour l’instant de
620 milliards d’euros. Une nouvelle négociation délicate
va devoir être bouclée, afin de déterminer le montant du
capital appelé sans attendre. Celui de 80 milliards d’euros a
été évoqué dans un premier temps, mais cela
pourrait être davantage afin de donner au MES une meilleure assise
financière immédiate. Pour ce faire, les États
européens qui le financent vont devoir emprunter sur le marché,
en même temps qu’ils cherchent à diminuer leur endettement
!
Les
sauvetages en cours, ou le montage des instruments de stabilisation
financière pour assurer les prochains, impliquent des
négociations de gros sous à répétition. Mais les
États européens n’ont pas les moyens de la
stratégie qu’ils ont adoptée. C’est devant cette
triste vérité qu’ils sont plus que jamais placés,
sans vouloir ni ne pouvoir l’admettre.
Billet rédigé par
François Leclerc
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