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Prise de risques

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Published : June 19th, 2013
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Category : Editorials

 

 

 

 

Il existe une loi suprême et universelle des relations humaines quelles que soient leurs manifestations, qu’elles soient politiques, sociales, économiques ou culturelles : les Hommes, lorsqu’ils ne sont pas endormis, commettent toutes sortes de crimes. Toute prévision de notre futur doit prendre ce principe en considération.


L’un de mes correspondants s’oppose à l’idée, que j’ai abordée à plusieurs reprises, que le Japon sera un jour la première nation industrialisée à faire son grand retour dans l’ère médiévale. J’aimerais donc clarifier ce que j’entends par le mot ‘première’. Le retour à une activité humaine de moindre échelle et intensité est une garantie pour tous les pays de notre monde. Les seules questions qui restent encore sans réponse sont à quelle vitesse et avec quel degré de confort nous vivrons cette transformation. Et les réponses à ces questions varient d’un groupe à un autre.


J’ai mentionné le Japon parce que son parcours semble s’être accéléré au cours de ces dernières années, mais aussi parce si l’Histoire peut être notre guide, la destination potentielle du Japon a certainement de quoi être admirée, en raison bien sûr de son attachement pour l’énergie à faible consommation et sa grande passion pour l’art. La transition du Japon depuis sa culture ancienne jusqu’à son industrialisation a été bien plus rapide que celle de n’importe quelle société Occidentale. Le Japon n’a pas vécu un épisode digne de l’Empire Romain, ni n’a traversé de période Renaissance en termes de redécouverte de ses prouesses techniques – ce qui, en Occident, a débouché sur la découverte du Nouveau Monde et de ses multiples ressources exploitables. Les Japonais ont été importunés par des missionnaires Catholiques au début des années 1540, mais les ont chassés en 1620, ainsi que les marchands qui les accompagnaient – avant de leur fermer leurs portes à jamais. Ils ne se sont pas montrés intéressés par les armes à feu que les Européens ont introduit, puisqu’ils les considéraient déloyales. Dans les années 1850, le Commodore Perry mouilla sur les côtes Japonaises, suivi de toute une flopée de technologies Occidentales, et a demandé à pouvoir commercer. C’est à ce moment-là que le Japon s’est ouvert à la modernité.


Le Japon a commencé à prospérer. De deux choses l’une, il disposait de très nombreux objets culturels à échanger avec l’Occident, et les connaissances des artisans Japonais en céramique et en métallurgie ont facilité la transition du Japon vers l’ère technologique. En un demi-siècle, le Japon, qui était autrefois un archipel de thés et de soies, est devenu une terre de navires de guerre et d’avions. Nous savons tous ce à quoi celà l’a conduit au cours de la première moitié de l’horrible XXe siècle : le massacre de Nankin, la marche de la mort de Bataan, le bombardement de Tokyo, et Hiroshima. Et puis l’acte 2 est arrivé : reprise économique d’après-guerre, Sony, Mitsubishi, le baseball, et les excellentes voitures. Cet acte a duré 40 ans.


Un problème insurmontable guettait le Japon en arrière-plan : il ne possédait ni énergie fossile ni méthane pour pouvoir faire fonctionner les équipements que la technologie lui avait apporté. Cela ne posait pas trop de difficultés lorsque le prix du baril de pétrole était de 11 dollars, mais beaucoup plus lorsqu’il s’est approché des 100 dollars. En plus de cela, ce qui a également commencé à vraiment lui poser problème a été son plus grand voisin et ennemi de toujours (voire parfois victime), la Chine. La Chine a elle-aussi rejoint la course à l’économie industrielle, consommant au passage une importante portion du marché pétrolier. Avant le début du XXIe siècle, la Chine a commencé à manger dans l’assiette du Japon en manufacturant les mêmes produits que ceux pour lesquels les Japonais s’étaient révélés si doués. Tout à coup, le projet de modernité du Japon a volé en éclats.


Et puis en 2011, Tōhoku a tremblé, et un mur d’eau s’est abattu sur les réacteurs nucléaires de Fukushima. La confédération industrielle du Japon reposait sur sa capacité à dépendre d’autres sources d’électricité que l’énergie fossile. Et en l’espace d’un instant, un dragon nucléaire a été libéré sur ses terres, un véritable Godzilla, le pire cauchemar du Japon. Un an plus tard, toutes les centrales nucléaires du pays étaient éteintes, sauf deux. Et le Japon a enregistré son premier déficit commercial sur plusieurs décennies en raison du gaz et du pétrole qu’il a eu à importer pour maintenir en état de marche ses réseaux électriques.


L’impasse dans lequel se trouve le Japon en matière énergétique se manifeste sous la forme d’une crise financière, ce qui est naturellement suffisant puisque les finances sont une série de signaux abstraits de ce qu’il se passe au sein d’une économie – et les finances du pays sont en perdition par la faute de ses dirigeants politiques qui tentent désespérément de s’ajuster aux nouvelles réalités. Ils ont recours à la fraude comptable pour contrer les échecs de la formation de capital, comme c’est aussi le cas dans les autres pays. Ce problème financier revient à ne plus être capable de générer assez de capital pour payer les intérêts d’anciens crédits ou encore justifier la création de nouveau crédit. Et puisque le crédit est ce qui fait vivre l’industrialisation, il semblerait que le Soleil se couche sur ce chapitre de notre Histoire. En accord avec son ancienne infrastructure culturelle, le Japon semble commettre son propre assassinat en plantant une épée dans le ventre de son système bancaire.


Les Etats-Unis s’approchent quant à eux dangereusement du bord du Grand Canyon, à la Thelma et Louise. L’Europe boit, dans un somptueux isolement, une coupe de vin empoisonné. La Chine et l’Inde ont l’air de deux lemmings dans un océan vide.


Le hara-kiri financier du Japon est peut-être la meilleure option qui s’offre à lui – meilleure en tout cas qu’une guerre contre la Chine au sujet de quelques îles isolées. Le Japon semble pouvoir se tourner à nouveau vers une économie artisanale traditionnelle telle qu’elle existait dans les années 1860. Je suis conscient que j’ai évité d’aborder beaucoup de points essentiels dans cet article, comme la réduction de la population du pays et le destin de Fukushima. L’Histoire ne se répète jamais exactement. Les choses ne redeviennent jamais exactement ce qu’elles étaient. Le chemin sera sinueux. Mais le Japon pourrait le parcourir le premier, et nous montrer l’exemple à tous.


Voici ce qui se cache au cœur du problème : l’industrialisme est un projet entropique. Il accélère et intensifie l’entropie, ce qui signifie qu’il conduit au désastre et à la mort. La tradition des sociétés humaines est la modération de l’entropie. Il est évident que rien ne reste jamais pareil indéfiniment, mais certains d’entre nous voudraient voir se poursuivre le projet humain, et continuer d’être confortables encore quelques temps, même s’il faut pour cela revenir à une nouvelle forme d’âge d’or, où même ceux qui ne dorment pas peuvent être dignes de confiance.





 

 

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James Howard Kunstler est un journaliste qui a travaillé pour de nombreux journaux, dont Rolling Stones Magazine. Dans son dernier livre, The Long Emergency, il décrit les changements auxquels la société américaine devra faire face au cours du 21° siècle. Il envisage un futur prochain fait de crises sociales à répétition, la fin de la Surburbia et du modèle économique associé, une guerre mondiale pour les ressources en énergie. Il prédit la déconstruction des empires européens et américains et pense que, lorsque les convulsions seront terminées, le monde fonctionnera de manière décentralisée et local.
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Je partage entièrement cette vision du destin humain, peut-être effectivement illustré par ces précurseurs que seraient les Japonais. Il fut un temps, certes bien éloigné, où la technique tenait du sacré, les outils étant considérés comme dons des dieux. A ce titre elle ne jouissait pas de cette autonomie qui lui offrit un champ de développement illimité caractéristique de la modernité. La logique industrielle, insérée dans celle de la compétition économique, mène tout droit à la destruction des écosystèmes, y compris celui de l'humanité. On pourrait dès lors considérer -admettant l'incapacité des hommes à maîtriser cette course d'accumulation du capital et de maximisation de la satisfaction des désirs- l'Homme comme expression entropique du phénomène vital (phénomène de nature négentropique). L'Age d'Or appartient à ce lointain passé, période d'avant la sédentarité où l'être humain, dont la représentation type serait le chasseur-cueilleur du paléolithique, mettait dans sa vie quotidienne en œuvre l'entièreté de ses fonctions : léger en bagages, il courrait le monde en explorateur d'espaces toujours renouvelés et en rendait compte en artiste voué à la dimension spirituelle, c'est-à-dire en poète. Malgré la brièveté de l'espérance de vie à la naissance, la vulnérabilité aux accidents de la vie et la rudesse de l'existence dénuée de confort matériel, cette plénitude existentielle justifie cependant cette image nostalgique d'un passé mythifié.
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L'option de civilisation misant sur la décroissance pour freiner l'entropie est dangereuse. Il suffit de connaître ceux qui la prônent, les écologistes, pour le deviner. Cuba est un modèle pour quelques uns de ces extrémistes dogmatiques. Cependant, ce que l'auteur entrevoit pour le Japon n'est pas rétrograde si une condition essentielle est respectée : l'effacement de l'état. Contrairement à ce que beaucoup de gens s'imaginent, la période médiévale a été une aire de libertés parce que l'état y était très limité. Les pouvoirs de l'époque influençaient très peu la vie des gens. Transposé au XXIème siècle, cette quasi absence d'état laisserait les gens libres de choisir leur mode de vie. Les grandes structures étatisées, lourdes et coûteuses disparaîtraient pour laisser place à une multitude d'entreprises privées. La rareté des ressources serait compensée par une plus grande efficience de la production, un retour à l'artisanat comme évoqué par l'auteur. L'effacement de l'état signifierait aussi l'abandon des grands projets imposés d'en haut, dans le secteur énergétique par exemple, et laisserait place au libre choix de chacun. Les gens choisiraient eux-mêmes ce qu'ils veulent consommer en fonction de leurs moyens et selon leurs idées. Il n'y aurait plus de subventions ou de taxes pour fausser le libre marché. Un écologiste pourrait choisir de voyager en train pour ne pas émettre de CO² et en assumer le coût et un passionné d'automobile pourrait choisir de rouler en voiture quitte à payer cher de l'essence devenue rare. L'important est que l'état ne décide plus à la place des gens.
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Pas 1 franc sur ce pari .
Il y a d'autres opportunités moins risquées .
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Je partage entièrement cette vision du destin humain, peut-être effectivement illustré par ces précurseurs que seraient les Japonais. Il fut un temps, certes bien éloigné, où la technique tenait du sacré, les outils étant considérés comme dons des dieux.  Read more
Sirius369 - 6/20/2013 at 5:14 PM GMT
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