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L’absurdité des critères de convergence

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Published : January 31st, 2012
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Category : Editorials

 

 

 

 

Les fameux « critères de Maastricht », improbables garants de l’orthodoxie budgétaire des États de la zone euro, sont basés sur des grandeurs qui n’ont que peu de sens d’un point de vue financier. Ils sont non seulement absurdes, mais surtout trompeurs. Petite explication.


Le 15 janvier dernier, les téléspectateurs branchés sur le débat politique dominical de la RTBF, la télévision publique belge francophone, ont assisté à un échange surréaliste. Un ancien secrétaire d’État au budget a confondu en direct budget de l’État et produit national brut du pays.


Si l’erreur est impardonnable compte tenu des responsabilités exercées durant trois ans par le personnage, elle est – hélas – parfaitement compréhensible et explicable. Tout est résumé dans l’argument que le politicien assène avec aplomb pour clore – espère-t-il – la discussion : « Lorsque je remets un document à la Commission européenne, et qu’il mentionne [que le budget de l’État présente] 3% de déficit, c’est 3% de 370 milliards ». Le ministre est dans l’erreur, puisque le budget de l’État belge est de 155 milliards d’euros : 370 milliards d’euros, c’est l’estimation du PIB de la Belgique pour 2012.


Et pourtant… Sa phrase m’a fait sursauter, car en fin de compte elle repose sur le simple bon sens. Le déficit (ou le boni) d’un budget ne devrait-il pas être comparé à ce budget lui-même plutôt qu’à une grandeur économique distincte ? 


Faire « converger » les finances publiques


Ce n’est pourtant pas l’option choisie dans le traité de Maastricht qui fonde l’union monétaire européenne. Ce traité impose aux États membres de respecter un certain nombre de critères afin de faire « converger » les économies de la zone euro. Ou plus exactement leurs finances publiques, car un seul critère est à proprement parler économique : celui du contrôle de l’inflation.


Un deuxième critère concerne en effet le taux d’intérêt sur les emprunts d’État à long terme, conséquence directe de la rigueur dans la gestion des finances publiques, comme l’illustre fort bien le fiasco grec.


Les deux derniers critères portent eux aussi sur les finances publiques et sont basés sur une comparaison entre ces dernières et le produit intérieur brut :


-          le besoin net de financement des administrations centrales, régionales et locales, y compris la sécurité sociale (c’est-à-dire le déficit du budget de l’État)ne doit pas dépasser un maximum de 3 % du produit intérieur brut du pays

-          l’endettement brut du pays ne doit pas représenter plus de 60% du produit intérieur brut


Or, le produit intérieur brut, rappelons-le, est la somme des richesses produites par l’économie d’un pays au cours d’une année donnée. Pourquoi s’en servir comme base de comparaison ?


Les dangers de la non-comparaison


Comme le rappelle un ancien commis de l’État français dans un un article paru dans La Tribune, « la bouée tous usages pour sauvetage du macro-économiste en mal de référence, c'est le PIB: tout commence et tout s'achève avec le PIB, tout ce qui est un peu gros semble pouvoir lui être raisonnablement rapporté. » Le PIB apporte donc un vernis de rationalité à une comparaison qui est en réalité particulièrement dangereuse.


Pour commencer, la règle du déficit/PIB découple la comparaison entre le déficit et le budget lui-même. Pour prendre un exemple simple : actuellement, le budget 2012 de l’État belge, sécurité sociale comprise, est de 155 milliards d’euros. Le déficit est de 10,71 milliards d’euros. Quant au PIB prévu pour 2012, le gouvernement l’estime à 382 milliards d’euros. Le ratio «déficit/PIB » prévu est 2,8%. Cela peut sembler raisonnable, même si l’existence même d’un déficit est en soi un problème.


Mais 10,71 milliards, cela représente presque 7% des dépenses publiques. Rapporté aux recettes publiques, le ratio atteint presque 7,5%. Deux chiffres nettement plus inquiétants que le « gentil » 2,8%, qui crée le sentiment – erroné – que les finances publiques sont sous contrôle.



Des pommes et des poires


Ensuite, comparer le PIB et la dette de l’État est également fallacieux. Le PIB représente la richesse créée dans le pays. Plus de la moitié de cette richesse sert à rémunérer les travailleurs et les actionnaires et dirigeants des entreprises. Le reste est consacré à de nouveaux investissements et bien sûr au paiement des impôts, qui engloutissent chaque année entre 40% et 50% du PIB selon les États. Le PIB n’est donc qu’un très mauvais indicateur des capacités de remboursement de l’État. C’est aussi absurde que si, pour étudier le profil d’une entreprise qui demande un crédit, sa banque comparait son endettement au chiffre d’affaires total de son secteur d’activités.


En général, la capacité de remboursement d’une entreprise est évaluée en regardant son flux de trésorerie disponible, c’est-à-dire l’argent qui reste à l’entreprise quand elle a déduit de ses entrées d’argent tous ses décaissements. En termes de budget de l’État, cela voudrait dire regarder le surplus primaire, ou mieux encore, le surplus primaire après déduction des intérêts sur la dette existante.


Évidemment, ce critère est totalement impraticable pour les politiciens : il reviendrait à admettre qu’un déficit est inacceptable, puisque l’absence de surplus implique que l’État ne peut rien rembourser et qu’un déficit indique qu’il ne dispose même pas des moyens de rembourser la dette existante.

 

 

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Frédéric Wauters est journaliste économique indépendant et professeur de sciences commerciales et de communication à la Haute Ecole Galilée à Bruxelles. Entrepreneur (www.ex-abrupto.be), il est également essayiste et vient de publier, avec son confrère Ludovic Delory, d'un ouvrage intitulé "Retraites Plombées: comment l'Etat vole votre avenir" (plus de détails sur www.retraites-plombees.be).
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En politique, ce qui est cru devient plus important que ce qui est vrai.

Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord
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" Plus de la moitié de cette richesse sert à rémunérer les travailleurs et les actionnaires et dirigeants des entreprises. Le reste est consacré à de nouveaux investissements et bien sûr au paiement des impôts, qui engloutissent chaque année entre 40% et 50% du PIB selon les États. "

Donc :
>50% aux hommes des entreprises
40 à 50 % à l'état

Où sont les investissements qui assurent la continuité des entreprises et donc du travail ?
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Vous avez raison.

Ces statistiques sont difficiles à trouver mais je pense que si on analysait sérieusement la formation et le renouvellement du capital fixe privé on s'apercevrait qu'il est en déclin depuis des (dizaines ?) d'années en France, ce qui explique le déclin de l'économie du pays.

Mais après tout, c'est l'éternelle histoire de la cigale et de la fourmi.

Sauf que les cigales sont en train de gagner.
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Compris dans la rémunération des entreprises: les entreprises décident de l'utilisation qui sera faite de leurs bénéfices: mise en réserve pour des investissements futurs ou distribution aux actionnaires.

Les amortissements sont prioritaires et représentent le renouvellement du matériel donc des investissements futurs; ensuite c'est vrai :1)impôts 2) réserves supplémentaires ou actionnaires.
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Frederic Wauters - 3/23/2012 at 5:02 PM GMT
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