L’exigence
d’une recapitalisation des banques européennes par le FMI est un
véritable pavé dans la mare. On ne compte plus depuis hier les
déclarations outrées sur le thème « quelle
mouche a donc piqué Christine Lagarde ? » ainsi que
les véhémentes dénégations.
Particulièrement venant des Français qui s’accrochent
à l’idée, à laquelle ils ont du
finir par croire, qu’ils ont les banques les plus solides du monde.
Patatras
! sur le même thème deux autres organismes sont
aujourd’hui venus lui prêter main forte : l’IASB
– en charge des normes comptables – et l’EBA, le nouveau
régulateur européen des banques. Crime de
lèse-majesté, le premier explique que certains établissements
n’ont pas assez dévalorisé la dette grecque en leur
possession. Il s’agit, a-t-on appris par ailleurs, de BNP Paribas et de
la compagnie d’assurance CNP. Pour aller droit au fait : ils ont
maquillé leurs comptes en minorant la dévalorisation pour
adopter une décote complaisante de 21 %, dictée par
l’Institute of International Finance puis avalisée par les chefs
d’État, qui a prétendu se substituer au marché.
Nous
sommes à un tournant de la crise européenne. Reconnaître
qu’il faut renforcer les banques prioritairement, c’est admettre
que la stratégie jusqu’ici suivie est dans l’impasse. Que
la réduction à marche forcée des déficits publics
entraîne une crise obligataire qui déstabilise potentiellement
tout le système bancaire. Et qu’il faut d’abord renforcer
celui-ci pour qu’il soit ensuite en mesure de supporter des processus
de défaut ordonné sur la dette publique, comme la Grèce
s’y est déjà engagée. Car c’est la suite
logique de ce qui est dorénavant préconisé.
L’exemple
même du plan de participation des banques au sauvetage de la
Grèce – qui ne fonctionne pas, au dire des Grecs – démontre qu’elles ne veulent pas appliquer un
plan pourtant a priori taillé sur mesure pour elles. Celles qui ont
déclaré vouloir le faire ayant d’ailleurs fortement
insisté sur le fait que c’était pour la première
et la dernière fois. Tout ceci souligne leur extrême
fragilité globale à la crise de la dette publique, que les
stress tests avaient d’ailleurs à leur manière reconnue
en ne les prenant pas en considération. Certes, le système
bancaire européen n’est pas homogène, partagé
entre banques plus ou moins solides, mais la question n’est pas
là. Leur étroite interconnexion est le problème.
Il
s’agit d’une seconde volte-face, après celle qui consiste
à rendre désormais prioritaire une relance économique et
à repousser à plus tard la réduction des déficits
en ne gardant comme mesures dans l’immédiat que celles qui
préparent une nouvelle étape de la financiarisation. Les deux
sont en effet liées. Le financement d’une relance indispensable
contredit inévitablement la réduction des déficits, sauf
à renforcer encore plus les mesures de rigueur budgétaire,
déjà très poussées dans les pays les plus en
crise, et à accroître la crise sociale avec ses
conséquences politiques.
Une
sérieuse bagarre s’annonce, car les injonctions des
organisations internationales heurtent de plein fouet les politiques
préconisées par les États européens, à
commencer par l’Allemagne et la France s’agissant de la zone
euro. Pour ne pas parler des banques qui ont jusqu’à maintenant
réussi à éviter des recapitalisations dont elles ne
veulent pas car elles atteignent leur rendement financier.
Une
sorte d’ébauche de plan B se dessine en filigrane, dont seule la
première phase est clarifiée. Il va inévitablement
être tenté de combiner dans la confusion les deux
stratégies, mais il n’y a pas de plan A’, il faudra
s’y résoudre.
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