Ce que nos princes appellent une « réforme fiscale » peut se résumer à un principe extrêmement simple : comment prendre toujours plus d’argent dans les poches du contribuable à son insu. Bruno Lemaire a beau donner des arguments pour justifier la taxe GAFA. Mais on donne des arguments pour expliquer ou justifier une mesure exceptionnelle. Or, en France, tout est taxé, et d'ailleurs plusieurs fois de suite, ce qui proprement destructeur d'activités. Car, ne nous leurrons pas, sous le prétexte fallacieux de nous faciliter la vie, l’Etat nous trompe encore une fois se facilitant la tâche. Au-delà de la dimension financière, c’est moralement dommageable car comment respecter une institution aussi importante que l’Etat si nous avons le sentiment de ne pas être respecté à la fois en tant que contribuable et en tant qu’usager de services publics structurellement défaillants. Le premier temps de cette « réforme » consiste dans la feuille d’impôt pré-remplie. Mais l’Etat se donnera rapidement les moyens de prendre son dû avant qu’il n’arrive dans les poches de ceux qui l’ont gagné. Avant même d’être perçu, le revenu sera déjà prélevé. Le prélèvement à la source est déjà le mode de financement de la sécurité sociale. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne garantit nullement un équilibre des comptes. Car les ménages voient ce qu’ils reçoivent de la sécurité sociale (les remboursements) tandis qu’ils ne voient plus ce qu’elle leurs coûtent (le poids des charges et tous les effets d’éviction qu’ils induisent sur le système économique). La seule réforme digne de ce nom consisterait à revenir au principe originel d’une fiscalité à la fois économiquement efficace et moralement acceptable : l’impôt doit être douloureux et payé par tous. Il s’agit d’une véritable révolution (au sens astronomique du terme : un retour au point de départ) car il nous faut redécouvrir ce qui fût proclamé déjà dans la déclaration des droits de l’homme. Si l’impôt a vocation à être douloureux, c’est pour rappeler à ceux qui ont en charge de gérer les deniers publics que l’on ne peut dépenser sans compter. Il y a une limite à la ponction fiscale. C’est donc aux conditions de la dépense publique qu’il faut s’attaquer, et non aux modalités techniques de son financement. Rendre les prélèvements « indolores », c’est encore aller dans le sens de la déresponsabilisation collective qui nous a conduit à la dérive structurelle des comptes publics et sociaux. Les ménages doivent au contraire savoir (et sentir) que les services fournis par l’Etat ne sont pas gratuits ; ils doivent se rendre compte que toute extension du rôle de l’Etat se paiera en impôts nouveaux, que lorsqu’un ministre dit « l’Etat va financer X ou aider Y », il faut entendre « les français vont payer pour X ou pour Y ». Les politiciens s’efforceront de mettre tout en œuvre pour cacher cette réalité incontournable mais c’est aux hommes d’Etat de le rappeler sans nuance.