On s’en doutait, mais la dernière enquête de terrain du Fondapol avec des chiffres et plein de statistiques précises le confirme sans le moindre doute : les jeunes de 14 à 24 ans sont de plus en plus accros et, pire encore, cela s’amplifie. Alcool, tabac, réseaux sociaux, jeux vidéos, pornographie, lolcats et enquêtes statistiques sur leurs habitudes, les sujets d’addiction se multiplient pour les jeunes français. Vite, il faut absolument agir !
Et ça tombe bien : l’enquête ayant commodément été remise aux parlementaires tout récemment, une action musclée sera certainement à l’ordre du jour.
Il faut dire qu’il y a de quoi : consommation d’alcool en hausse (et ce d’autant plus que le jeune est diplômé), tabagie galopante (et ce d’autant plus que le jeune n’est pas diplômé), drogues diverses (depuis le cannabis jusqu’aux drogues dures), aucun vice ne semble échapper à la jeunesse qui, après un ou deux chouinements pour un bac trop dur à avoir, se retrouve munie d’une formation en chocolat (ou diplomatine), confrontée à des problèmes – bien réels ceux-là – d’emplois inexistants sur un marché sinistré et des perspectives d’avenir moyennement rigolotes quelque soit le guignol locataire de l’Élysée.
Et au-delà de ces psychotropes et autres altérants, ce qui semble retenir l’attention des médias et des enquêteurs est ce véritable « tsunami » (le mot est d’eux) qui arrive, à savoir l’addiction aux écrans notamment pour ce gros quart des 18-22 ans qui passent plus de cinq heures par jour sur les réseaux sociaux ou ces 16% sur la même tranche d’âge à passer le même temps sur les jeux vidéos.
Enfin, plus grave que tout cela réuni, c’est bel et bien l’addiction au porno qui semble déclencher les derniers spasmes d’horreur chez ceux qui prennent connaissance des résultats du Fondapol : pour le politologue Dominique Reynié, « Chez les 14-15 ans, 8% regardent du porno plusieurs fois par jour dont 5% de filles. Ils font leur apprentissage de la sexualité dans les pires conditions !». Au passage, on se demande un peu pourquoi le politologue juge bon de singulariser les 5% de filles. Est-ce pour dénoncer une représentation trop faibles d’icelles dans la statistique, ou est-ce pour blâmer les garçons de prendre autant de place devant les écrans ?
Mystère et boule de gomme et malgré cela, l’enquête n’y va pas par quatre chemins, ni dans ses résultats, ni dans ses recommandations.
Sous-titrée « L’urgence d’une politique de santé et de sécurité publiques », elle ne laisse qu’assez peu le choix pour laisser la société s’organiser par elle-même et s’empresse de fournir, dès la première page, dès les premières lignes, une solution indépassable : il va nous falloir une bonne grosse politique de santé et de sécurité publiques, ma brave dame et mon bon mossieu, pas de doute.
C’est donc sans surprise qu’on découvrira dans la presse plusieurs articles détaillant l’enquête et ses recommandations, dans une sorte de service avant-vente aux députés qui s’empresseront, une fois l’opinion chauffée à blanc, de valider toutes les alléchantes propositions de Plans Quinquennaux Contre Les Addictions chez les Jeunes.
En effet, tout dans cette enquête aura été fait pour que nos élus saisissent bien toute l’ampleur de l’enjeu : outre la drogue pour laquelle il va falloir trouver un moyen d’empêcher la production, la distribution et l’achat, outre la cigarette pour laquelle tout le monde va bien devoir s’interroger sur l’accessibilité trop grande, outre l’alcool qui semble tout de même un peu trop facile à obtenir, force est de constater que des millions de contenus illicites sont disponible à un ou deux clics de souris près !
Heureusement, on sait d’expérience que des solutions existent.
Les précédentes tactiques contre la drogue ont largement montré leurs performances. La guerre contre la drogue, ça marche du tonnerre de Brest et les résultats sont tout à fait probants.
Pour la cigarette, comme les chiffres récents indiquent qu’un million de personnes ont arrêté de fumer, personne n’ira regarder ceux du marché noir ni celui de la cigarette électronique. Les mesures mises en place par l’État ont été puissamment couvertes d’un succès retentissant et puis c’est tout.
Du côté de l’alcool, il semble limpide que les mesures visant à la sobriété sont une réussite toute aussi complète. Dès lors, pourquoi ne pas continuer sur la lancée ?
De ces constats emprunts d’un optimisme béat calculé, une seule conclusion peut être tirée : ce qui a marché dans ces différents domaines ne peut que marcher avec le même succès dans la pornographie et le jeu vidéo puisqu’il semble maintenant décidé que l’État devra y mettre son grain de sel bon ordre.
Partant de là, on ne peut attendre qu’avec impatience les recommandations étatiques en matière d’addictions. D’ailleurs et pour rappel, les recommandations sanitaires de l’État en matière alimentaire consistent à favoriser les sucres de tous types sur les lipides et les protides et elles n’ont pas du tout entraîné l’explosion des cas de diabète et d’infarctus. On peut donc raisonnablement imaginer que la même brochette de gens hyper-compétents établiront des normes solides et bien pensées en matière d’internet, de jeux vidéos, de pornographie et surtout de sexualité responsable, citoyenne, probablement éthique, inclusive et éco-consciente.
Tout ceci est extrêmement rassurant.
Au passage, il ne vient à l’esprit de personne de rappeler que tout ceci relève en définitive de la responsabilité parentale et individuelle, et qu’à mesure que l’État se charge de ces responsabilités en se croyant capable de les remplir, parents, adolescents puis jeunes adultes se sentent d’autant plus dépossédés de cette responsabilité et des conséquences qui s’y attachent. Peut-être est-il trop tôt, le désastre n’est-il pas encore assez grand pour oser aller jusqu’à prétendre qu’en réalité, la société civile n’a surtout pas besoin d’un État qui intervient à la place des parents et des individus à leur place mais justement, de son exact contraire ? Peut-être le peuple français, largement sous morphine étatique, a-t-il besoin d’une dose encore plus massive parce que, c’est sûr, cette fois, ce sera la bonne et que les problèmes, qui sont apparus progressivement à mesure qu’on augmentait les doses de socialisme, de collectivisme et d’interventionnisme, ne disparaîtront qu’une fois un certain seuil (encore lointain) enfin franchi ?
En attendant donc que toute une pyramide des addictions et des petites méthodes pour les combattre fasse son apparition, contentons-nous d’être heureux que ces nouveaux problèmes soient pris à bras-le-corps par les législateurs au track record si bon et par ces administrations aux résultats si flamboyants.
Et puis, bonne nouvelle, les préservatifs sont maintenant gluten-free (même si, je le rappelle, on n’est pas supposé l’ingérer de toute façon).
Si avec ça, on ne va pas vers un avenir riant, je ne sais pas ce qu’il vous faut.