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Colmater ou demanteler la finance ?

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Published : October 26th, 2009
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Category : Editorials





Ce texte est un « article presslib’ » (*)



Nous en étions hier au doute, qui apparaissait au sein de l’establishment. A celui qui se manifeste de plus en plus dans des déclarations d’hommes importants, car dans la tête de ceux qui le sont moins, c’est plutôt une certitude qui semblerait s’être installée, pour s’en tenir aux apparences : on ne peut rien y faire ! Les deux résultant de l’étonnant et quasi incompréhensible spectacle qu’offrent les mégabanques, ainsi que leurs plus illustres mandataires, paradant comme ces généraux d’antan sur les champs de bataille encore fumants. Impudiques ou inconscients ?


Le propre du doute, comment chacun sait, est de s’insinuer, de saper les convictions les plus établies. Dans le cas présent, il butte sur une question sans réponse : quoi faire ? Deux conceptions s’opposent à ce sujet dans l’intelligentsia de la finance : le colmatage et le démantèlement. La première, qui donne largement le ton, projette d’adopter des mesures réglementaires, encore très floues, au prétexte de mieux prévoir le nouveau sinistre, reconnu implicitement comme inévitable (si ce n’est dans la nature même des choses), afin de diminuer son ampleur. La seconde, fortement minoritaire, considère que cet exercice est illusoire et qu’il n’y a d’autre ressource que de radicalement restructurer le système financier, en l’occurrence en séparant le diable du bon Dieu, la banque d’investissement de celle de dépôt.


Aussi méritoire soit-elle (et signe que cette crise n’a pas fini de produire ses effets dans les esprits), cette nouvelle prise de conscience a le grand défaut de rechercher dans le passé une solution dont l’application ne résoudrait pas dans sa totalité le problème. De préconiser une sorte de marche arrière en revenant sur le concept de banque universelle (faisant tous les métiers de la banque), qui s’est désormais imposé. Ce qui n’est pas en soi un obstacle, mais revient à vouloir faire la part du feu et à ignorer qu’en cas de crise, c’est en réalité toute la forêt qui flambe, comme on le constate ! Les deux remèdes sont donc tout aussi illusoires l’un que l’autre.


Les grandes têtes de chapitre de la réforme du capitalisme financier sont dûment répertoriées par ceux qui s’emploient à y procéder : hedge funds, produits dérivés, centres non coopératifs (paradis fiscaux). Ces derniers ont déjà donné lieu à un simulacre de mise en ordre, tandis que l’actualité donne quotidiennement toutes les raisons de penser que les autres connaîtront le même destin, si la tendance actuelle se poursuit. Le point principal de blocage est identifié, c’est le Congrès des Etats-Unis d’Amérique. Sur lequel prennent appui et dans lequel fondent leurs espoirs tous ceux qui veulent limiter, de leur point de vue, les dégâts. En mettant en garde les institutions communautaires à propos de la réglementation des hedge funds, qui aurait pour conséquence de faire émigrer ceux-ci vers des cieux plus cléments, la BCE vient ainsi de donner une parfaite illustration de ce qui est en train de se passer. A la manière de tout système, dont la performance finale est donnée par celle du moins performant de ses éléments, la réforme financière s’achemine sur une ligne de moindre efficacité globale, les mesures les plus laxistes faisant nécessairement loi. Un mot revient de plus en plus dans les commentaires de la presse américaine, dans sa couverture des débats du Congrès sur la réforme de la régulation financière : loophole, faille, dont la traduction littérale par trou rend mal compte du caractère détournement ou de contournement de ce dernier. Sans doute, pour mieux la cerner, faut-il se rappeler que to find a loophole signifie trouver une échappatoire !


Martin Wolf, chroniqueur au Financial Times, n’arrête pas de surprendre, ayant rejoint depuis déjà longtemps les rangs de ceux qui doutent. Il n’en est même plus là, exposant régulièrement son profond scepticisme quand à la portée des mesures de régulation qui seront prises, ou plutôt qui ne le sont pas ! Son dernier papier intitulé : « Pourquoi est-il si difficile de mettre un frein à la finance  ? » mérite de s’y arrêter. Son raisonnement est simple. Regrettant que la solution dite de démantèlement n’en soit pas une (car il considère que la ligne de frontière est plus que malaisée à tracer), il ne cherche pas en tirer argument pour dire qu’il n’y a rien à faire, afin que « la finance devienne sûre ». Mais cet objectif supposerait, pour y parvenir à coup sur, d’être selon lui « bien plus radical ». Les dépôts devraient être couverts à 100% par les réserves des banques, et les engagements évalués en permanence au prix du marché. Autant dire, remarque-t-il, que l’activité bancaire disparaîtrait !


Ne pouvant se résoudre à cette éventualité, Martin Wolf s’efforce de dessiner, « d’une manière plus subtile » s’accorde-t-il, les contours d’une solution possible. A commencer par « l’adoption d’un ensemble de lois et la création d’institutions qui rendraient possible de mettre en faillite toute institution, même en cas de crise », pour poursuivre avec quatre autres mesures : « rendre les institutions financières plus sûres en demandant une plus grande couverture en capital pour toutes les activités », « empêcher les activités hors-bilan », « imposer des provisions dynamiques » et enfin « exiger un énorme coussin de fonds propres ». Avec ce qui est actuellement prévu, nous sommes loin du compte, mais nous resterions néanmoins dans l’optique du colmatage. Sauf qu’il est ensuite ajouté à cette liste initiale de mesures qu’il faudrait également « cesser de favoriser dans toute l’économie les activités financières reposant sur la dette », afin de conclure  : « Tant que nous permettons aux gens de faire des paris à effet de levier sur l’avenir, des effondrements se produiront. » Ce dernier point de vue, au final, est tout aussi radical, si on veut bien en considérer toutes les conséquences ! Car il impliquerait notamment l’interdiction des paris relatifs à l’évolution d’un prix, prônés par Paul !


Parallèlement au débat sur le démantèlement, qui va à n’en pas se douter se poursuivre, une autre mesure suit sous les fortunes les plus diverses son petit bonhomme de chemin. Il s’agit du dossier de plus en plus à tiroir de la taxe sur les activités financières. Il a fallu une conférence organisée ce jour vendredi à Chatham, par la Federal Reserve de Boston, pour que Ben Bernanke, le président de la Fed (un homme qui ne doute pas), y apporte sa contribution pour le moins inattendue. Il a en effet estimé à cette occasion qu’une taxation des établissements financiers était nécessaire afin d’instituer un mécanisme de règlement en cas de faillite et de démantèlement ordonné de grands établissements financiers. Celui-ci devant selon lui entraîner des pertes pour les actionnaires et les créanciers et faire appel à des fonds qui ne pourront provenir que du secteur financier lui-même, et non des contribuables. C’est en quelque sorte la reproduction à plus grande échelle du financement de la FDIC, cet organisme qui garantit les dépôts et qui a géré dans la dernière période les faillites de 98 banques régionales, en attendant d’autres qui vont intervenir. Car la FDIC est financée – difficilement par les temps qui courent – par les banques elle-mêmes, ce qui représente dans les faits une mutualisation du risque (tant qu’elle sera possible, ce qui n’est pas garanti).


Cette annonce, dont on jugera mieux de sa portée effective quand elle sera concrétisée, illustre les tensions grandissantes qui traversent aux Etats-Unis le débat à propos de la régulation financière, dans un contexte où les mégabanques agissent comme si tout leur était dû et allait continuer à leur être permis. Concernant les entreprises financières les plus importantes, dont la faillite pourrait mettre en péril l’ensemble du système financier, le président de la Fed a également proposé qu’il leur soit imposé de disposer de contingent capital, des fonds à disposition en cas de circonstances prédéterminées, afin d’accroître les fonds propres, et pour lesquels un « loyer » serait payé. Une rustine de plus sur le sarcophage, tandis que d’autres s’acharnent à y faire des trous.


Toutes ces propositions, ces débats et même ces polémiques, témoignent à la fois d’une grande confusion et d’un réel malaise devant l’avenir. Celui-ci est appelé à croître, non seulement en raison de l’attitude des banques, mais également au fur et à mesure que va continuer de se révéler l’ampleur du désastre qu’elles ont causé. La France, l’Allemagne ou le Japon se targuent certes d’être sortis de la récession, mais de sérieux doutes subsistent sur la pérennité de leur rétablissement, qui s’appuie sur des plans de relance publics. Les Etats-Unis n’échapperont pas à de nouvelles mesures de relance et d’aide sociale, quand bien même elles n’apparaîtront pas sous la forme d’un plan d’ensemble. L’économie britannique entre dans son sixième trimestre successif de récession reconnue. On s’attend à ce que la Banque d’Angleterre poursuive au-delà de novembre son programme d’achat d’actifs aux banques, déjà d’un montant de 185 milliards d’euros, alors que la livre sterling accuse encore plus le coup. En Chine, présentée il y a encore peu comme le point d’appui d’un nouveau départ, les élèves s’apprêtent à rejoindre leur maître et, après avoir constitué leur propre bulle financière, s’engagent dans le périlleux apprentissage de la titrisation afin de soulager le bilan de leurs banques qui ont prêté à tout-va.


Les problèmes rencontrés sont aujourd’hui sans solution et nous sommes en suspens. Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI, ne dit pas autre chose quand il déclare ce jour vendredi : « Le soutien à la demande reste nécessaire aussi longtemps que la demande privée n’est pas suffisante pour prendre le relais ». Mettant les points sur les « i », il précise qu’il ne devra cesser que lorsque la certitude sera acquise que « le redressement est assuré, ce qui signifiera un début de recul du chômage ». Considérant, enfin, qu’environ un an s’écoule entre le retour à la croissance et l’amélioration de l’emploi.


*Billet rédigé par François Leclerc


               

Paul Jorion

pauljorion.com


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(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.


Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).



Les vues présentées par Paul Jorion sont les siennes et peuvent évoluer sans qu’il soit nécessaire de faire une mise à jour.   Les articles présentés ne constituent en rien une invitation à réaliser un quelconque investissement.  . Tous droits réservés.




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