| La situation européenne n’est pas sans similitudes avec celle dont le Japon ne sort toujours pas, faisant craindre une japonisation sous la forme d’une tendance déflationniste prononcée et durable accompagnée d’une croissance atone. L’appréciation de l’euro, le credit crunch (la diminution du crédit aux entreprises), les bilans bancaires non nettoyés et la baisse de la consommation y concourent, cela fait beaucoup. La référence à la trappe à liquidité réapparaît dans les cercles financiers, une circonstance où la détention de la monnaie est préférée à tout autre actif, où la diminution de leurs taux par les banques centrales n’agit pas sur la relance économique mais favorise la spéculation. Afin de renforcer leurs fonds propres, les banques privilégient celle-ci au détriment du crédit, qu’elles restreignent pour diminuer la taille de leur bilan et respecter la réglementation. Si la BCE est parvenue à calmer un jeu qui menait à l’éclatement de la zone euro, elle n’a toujours pas pris d’initiative de relance du crédit aux entreprises, en dépit de ses alarmes à ce sujet et de ses réflexions sur les différentes formules permettant d’y remédier, dont aucune n’a pour l’instant vu le jour. Il est seulement attendu d’elle qu’elle donne aux banques qui ne seront pas en mesure de rembourser leurs emprunts au titre du LTRO les moyens de les faire rouler grâce à un nouveau programme, au plus tard en fin d’année. En jouant le rôle de bad bank inavouée et en accueillant des actifs dont les banques se délestent pour les apporter en garantie de leurs emprunts, elle est le seul instrument de mutualisation de la dette au sein de la zone euro, mais celui-ci est totalement insuffisant. La situation des banques est redevenue au premier plan et va y rester, conduisant Christine Lagarde, la directrice du FMI, à introduire une restriction à propos de leurs stress tests à venir : elle a souligné dans un article proposé à la syndication (à la reproduction par les journaux) que les incertitudes à l’égard des banques ne pourront être levées que « seulement s’ils sont bien menés ». On en accepte l’augure tout en observant qu’il ne peut en ressortir que la nécessité pour les banques de poursuivre leurs efforts de renforcement de leurs fonds propres, même s’ils sont sous-estimés pour leur faciliter la tâche. Ce qui les incitera à continuer de laisser en plan le crédit aux entreprises (en tout état de cause, cela ne doperait pas la consommation intérieure). Il n’y a rien à attendre de la poursuite de la politique appliquée par les dirigeants européens, qui ne laisse aucun d’espoir de remonter du fond de la cuvette. La dette ne passe toujours pas. L’inquiétude à propos d’une japonisation se manifeste d’autant plus que le Japon ne donne pas de signe tangible de sortie de la déflation, en dépit du programme massif de création monétaire de la Banque du Japon. Le premier ministre Shinzo Abe a supprimé la référence à la déflation dans son rapport mensuel sur l’économie de fin décembre, mais il s’est bien gardé de crier victoire. Ramenant à leur juste proportion les effets potentiels de sa politique, le projet de budget gouvernemental prévoit qu’elle sera financé à hauteur de 43% par des émissions obligataires, un pourcentage légèrement en baisse par rapport à 2013 mais reposant sur des prévisions de recette fiscale à confirmer. Encore un miracle qui va tôt ou tard se révéler être un mirage dangereux. Deux réévaluations majeures ne pourront pas être éternellement éludées : celles du volume hypertrophié des actifs financiers et de la taille insoutenable de la dette. Tous deux concourent à déstabiliser un capitalisme financier toujours à la recherche de son équilibre après l’avoir perdu. En s’opposant aux régulations menaçant ce qu’ils estiment être leurs intérêts vitaux, notamment à propos des produits structurés, les financiers créent les conditions conduisant à de nouveaux déséquilibres… | |