Élections, piège à
cons ? Nous
croyons naïvement que lorsque les gens sont élus, ils sont en
quelque sorte transformés et motivés par l'intérêt
public. Une telle chose n’arrive que très
rarement. Quand une personne devient un homme
politique ou un bureaucrate, il est toujours motivé par
l'intérêt personnel.
Selon
la théorie des choix publics, développée à
l'Université George Mason de Virginie par
les professeurs Gordon Tullock et James Buchanan,
les élections font partie intégrante d’un marché
politique. Les acheteurs de ce marché, les
électeurs, recherchent des faveurs et des privilèges du
gouvernement. Les politiciens sont les fournisseurs
de ces faveurs et de ces privilèges, dans le but de satisfaire leur
intérêt : le pouvoir ou l’argent.
Une petite
révolution mentale
L’école
du Public Choice est à l’origine
d’une nouvelle manière d’envisager la politique. Elle ambitionne d’appliquer l'analyse
économique aux institutions politiques, afin de mieux
comprendre le processus de formation des politiques publiques.
Comment les
décisions collectives sont-elles prises ? Le point de
départ de la théorie des choix publics est que les hommes
politiques ou les électeurs qui prennent ces décisions doivent
être considérés comme des gens ordinaires qui cherchent
à maximiser leur propre intérêt et non comme des
personnes désintéressées, au service d’un hypothétique
bien commun. Les gouvernants cherchent par exemple à maximiser la
taille de leurs budgets, car ils peuvent ainsi augmenter leur
rémunération réelle en termes de salaire et de divers
avantages.
Même si
un décideur unique voulait agir pour le bien public, la théorie
des Choix Publics nie qu'un intérêt collectif puisse exister en dehors
des multiples intérêts individuels. Le résultat de
l’analyse, c’est donc la
démystification complète de l’État, censé
être l’incarnation de l’intérêt
général.
Si ses objets
d'étude restent ceux de la science politique traditionnelle (l'État,
les règles de vote et les élections), son originalité
tient à sa méthode, héritée de la théorie
économique traditionnelle, l'individualisme méthodologique et
la théorie de l'action rationnelle. Pour comprendre les
phénomènes politiques, il faut partir des comportements
individuels et supposer que les agents cherchent à agir
rationnellement dans leur propre intérêt.
La naissance de l'école des
choix publics peut être datée de la publication en 1962 de The Calculus of
Consent. Logical Foundations
of Constitutionnal Democracy
(Le Calcul du consentement. Fondations logiques de la démocratie
constitutionnelle) par James Buchanan et Gordon Tullock. Ils
ont ensuite créé le Center for the Study
of Public Choice (Centre pour l'étude des
Choix Publics) à l'Institut polytechnique de Virginie en 1969,
où la revue Papers in Non-Market Decision-Making est devenue The Journal of Public Choice. En 1982,
le Centre a été transféré à George Mason University à
Fairfax en Virginie, près de Washington DC. En 1986, James Buchanan a
reçu le prix Nobel d'économie pour son
travail de pionnier dans les Choix Publics. Buchanan fut aussi jusqu’en 1985
le président de la Société du Mont Pèlerin.
Homo politicus
et homo economicus
Le
modèle du Public Choice insiste sur le fait
que l'intérêt personnel, qui motive l'action humaine dans le
secteur privé, peut être appliqué aussi bien à la
prise de décision dans le secteur public. En bref, homo politicus et homo economicus
sont les mêmes.... Pour les universitaires de l’école des
Choix Publics, marché économique et marché politique
sont un seul et même marché, en ce sens que les personnes qui
interagissent dans ces marchés sont motivées par des objectifs
similaires et leur comportement peut être analysé avec les
mêmes outils.
La
théorie des Choix Publics suppose que les politiciens veulent gagner
les élections - sans quoi ils ne seraient pas des politiciens
longtemps. Pour atteindre leur but, ils proposent des mesures censées
refléter les préférences de la majorité. Ils font
donc des études de marché : les sondages.
Les
résultats sont différents, non pas parce que les
élections seraient guidées par d’autres raisons que
celles qui guident les choix privés, mais parce que, dans les
marchés privés, ceux qui cherchent leurs propre
intérêt prennent des décisions qui ne touchent qu’eux-mêmes
ou leur entreprise. Au contraire, sur les marchés politiques, les
électeurs et leurs représentants, guidés par leurs
propres intérêts, prennent des décisions qui touchent tout
le monde.
L’ignorance rationnelle des
électeurs
Il y a une
tendance surprenante dans notre société à
considérer l'ignorance comme étant synonyme de manque
d'intelligence ou de bêtise. La vérité, selon l’École
du Public Choice, c’est qu’il est
« rationnel » pour la plupart des gens de rester dans l'ignorance
de certains sujets.
La raison pour
laquelle l'ignorance peut être rationnelle,
c’est que l'acquisition de l'information entraîne des
coûts. Ces coûts peuvent être payés en temps ou en
argent, mais dans tous les cas, ils ne sont pas nuls. Cela signifie que de
nombreuses situations existent dans lesquelles il est tout à fait
rationnel pour des gens normaux de ne pas investir trop de temps ou
d’argent sur un sujet particulier.
Le cas le plus
fréquent d'ignorance rationnelle se produit en période
électorale. Très peu d’électeurs peuvent se
permettre d’investir de leur temps ou de leur argent pour s’informer
sur les questions politiques et sur les programmes des candidats. Or plus
l'électeur est occupé, plus il est rationnel pour lui de rester
politiquement ignorant. En effet, le coût d'acquisition de
l'information est très supérieur aux avantages pouvant
être retirés de cette information, d’autant que
l’influence d’un vote sur le résultat de
l’élection est infinitésimale par rapport à ce
coût.
Le
résultat de ce phénomène est la propension des
électeurs à croire ce que les politiciens leur disent. La
balance est systématiquement favorable aux candidats qui
présentent les propositions les plus extravagantes en termes de
nouveaux droits. L’examen détaillé de la façon
dont ces promesses seront accomplies peut toujours être remis à
plus tard ou abandonné et remplacé par une nouvelle plate-forme
de promesses farfelues.
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