La triste conséquence du
refus de laisser libre cours au processus de destruction créative sur le
secteur bancaire et au sein des grosses entreprises est que les forces
historiques qui se cachent derrière chercheront à s’exprimer d’autres
manières sur la sphère politique et de gouvernance. Les tentatives
désespérées des banques de faire face à un échec financier ne pourront que
provoquer un soulèvement politique, peut-être même une guerre.
C’est un phénomène
international dont l’un des résultats sera le délabrement des relations
économiques – que beaucoup pensent permanent – que nous appelons le « globalisme ».
Les Etats-Unis ont lourdement souffert du globalisme, au travers duquel l’afflux
de produits peu chers fabriqués par des esclaves dans des usines d’Asie a
masqué la dégénérescence de la vitalité économique locale, de la vie de
famille, des normes de comportement et de la cohésion sociale. Cet effondrement
est déjà visible au travers des guerres des monnaies, et je suis prêt à
parier qu’il mènera bientôt à la mort des 15.000 kilomètres de réseaux de
distribution qui relient la Chine à Wal-Mart – et éventuellement à la mort de
Wal-Mart, et de tout ce qui y ressemble. Une autre conséquence en sera l’interruption
des lignes de distribution de pétrole.
Les Etats-Unis tels qu’ils
fonctionnent aujourd’hui (absence d’économies locales, développement des
banlieues, centres commerciaux, agrobusiness despotique) ne survivront pas
ces interruptions, et nous pourrions aussi nous demander si nos institutions
politiques pourront y faire face. Les aspirants au poste de président pour
2016 ne font preuve d’aucune compréhension de ces forces, et des perturbations
de grande ampleur sont imminentes. La perspective d’un nouveau face à face
Clinton-Bush aux prochaines élections est l’arrière-plan parfait contre
lequel pourrait venir se dresser l’effondrement des deux partis qui les
soutiennent, qui laisserait derrière lui une immense tourmente politique. Que
vous ne la perceviez pas encore ne signifie pas que cette situation est
proche.
Aux Etats-Unis, les
classes de penseurs sont perdues dans les ravissements de la technologie. Tous
peuvent s’imaginer regarder Fast and Furious 7 sur l’écran de leur téléphone
dans leur voiture sans chauffeur, mais ne peuvent pas s’imaginer reconstruire
les économies locales où les citoyens jouent un rôle économique et social au
sein de leur communauté. Ils peuvent recréer l’ingénierie bionique de la
viande de hamburger, mais sont incapables de comprendre l’agriculture de
petite échelle qui pourrait offrir un emploi à tant d’entre nous.
Le véritable génie d’Hillary,
c’est qu’elle parvient à incarner chacun des échecs de notre vie politique
actuelle : la micromanipulation obsessive de l’image, l’obscène
cupidité, le copinage fatigué, le droit déguisé en égalité des sexes… Mais
avant tout, elle n’a aucune idée de l’endroit où nous mène l’Histoire, au cas
où vous vous demanderiez ce que signifient les platitudes qu’elle nous offre
en guise de représentation de sa pensée. Non pas que je le défende
particulièrement, mais je serais intéressé de voir Martin O’Malley entrer en
jeu et lever le voile sur son baratin, chose qu’il fera, parce qu’il n’a
absolument plus rien à perdre. Les eunuques du New York Times ne le feront sûrement
pas.
Ce qui se passe sur la
scène financière déterminera les actions qui se dérouleront jusqu’aux
élections. Les tensions et les fragilités ne demandent qu’à être libérées. Le
moment décisif pourrait être le refus de la Grèce de continuer de rembourser
sa dette, la mort de l’industrie de schiste, la décision d’un ennemi des
Saoudiens, ou une chaîne d’évènements sur le système bancaire parallèle. Pour
les Etats-Unis, la cerise sur le gâteau sera d’apprendre que leur mode de vie
actuel n’a aucun avenir. C’est la seule chose qui pourra forcer la formation
d’un nouveau consensus autour d’une quelconque alternative et l’émergence d’une
génération capable de se battre pour un avenir plausible, même si cela
requiert la destruction créative de ce qui de toute façon nous achève aujourd’hui.