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Elégie

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Published : June 27th, 2012
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Category : Editorials

 

 

 

 



Il y a quelques semaines, je m’envolais pour Chicago avant de m’engager, au volant d’une voiture de location, sur la voie rapide traversant l’ancienne région industrielle du nord-ouest de l’Indiana, située en bordure du Lac Michigan, entre les petites villes de Whiting et de Gary. Je peux vous assurer que bien que les vestiges de constructions humaines gisant sur ces sols désolés soient à donner la nausée, plus vertigineuse encore est la rapidité à laquelle cette région des Etats-Unis autrefois prospère a sombré dans la misère et la ruine.


Il y a seulement 150 ans, cette région n’était que marécages, dunes, fondrières et étangs à perte de vue. Ses vastes espaces en ont rapidement fait un endroit idéal où construire une multitude de voies de chemins de fer, et il ne fallut pas attendre bien longtemps avant que de grosses usines nées de l’ère industrielle ne viennent s’y installer, profitant de leur proximité avec le nouvel organisme urbain qu’était alors Chicago. Les aciéries de Gary ont depuis longtemps disparu, et les murs d’anciennes boutiques tenant encore aujourd’hui debout n’ont plus l’air que d’abris fantômes en bordure de la voie rapide.


La seule entreprise autrefois implantée dans la région qui existe encore aujourd’hui est la raffinerie BP, anciennement Standard Oil. De son usine partait un méli-mélo de tuyaux s’étendant sur plusieurs centaines d’hectares, et qui il y a quelques dizaines d’années crachait encore dans l’atmosphère des flammes de gaz oranges et bleues avec pour toile de fond la couleur rosée du lac Michigan au lever du Soleil. La raffinerie avait été construite afin de supporter le seul secteur industriel de la région qui ait survécu jusqu’à aujourd’hui: l’automobile.


Prenant conscience de la désolation des lieux, je n’ai pu m’empêcher de me demander où pouvaient bien se rendre toutes les voitures circulant en accordéon autour de moi. De temps à autres, entre les carcasses d’usines se découpaient contre le bleu du ciel de petites villes et d’anciens quartiers d’habitation dans lesquels, il y a de cela cinq générations, des immigrants d’Europe de l’Est étaient venus s’installer. Une grande majorité des bâtisses semblaient y avoir été saisie, à en juger par les panneaux de bois cloués sur les multiples portes et fenêtres. Il existe certains endroits comme celui-ci qui vous inspirent tant de nostalgie que vous ne pouvez que vous sentir déprimé à l’idée de ce qu’était autrefois la vie dans cet étalage infini de cubes de briques pas plus grands que des boîtes à chaussures. Le nombre de texmex implantés dans la région laisse penser que l’ancienne population immigrante d’Europe de l’Est a depuis quelques temps été remplacée par une vague d’immigrants Mexicains, ayant hérité d’infrastructure qui, déjà lors de leur construction, faisaient preuve d’un manque profond de sens artistique, et qui aujourd’hui ne ressemblent plus qu’à un amas rouillé de matériaux se désintégrant de la manière la plus spectaculaire qui soit, lui donnant à certains endroits un caractère presque sublime, scintillant tel une flaque de pétrole à la lumière du Soleil. Il y avait en ces lieux une grandeur que l’on aurait pu comparer à celle de la région de Tchernobyl, le souvenir de quelque chose  qui n’aurait pas fonctionné aussi bien qu’on ne l’aurait espéré.


Et les gens allaient et venaient, depuis la banlieue de l’est de Chicago jusqu’aux squelettes d’anciennes bâtisses qui faisaient autrefois la grandeur de la ville de Gary, où les vieux porches de bois disparaissent aujourd’hui sous la végétation, se fondant aux prairies alentours, et où le XXe ne paraît plus être qu’un mythe lointain. Je suppose que la naissance de Michael Jackson en ces lieux a à une époque pu intéresser certains curieux, mais elle aussi ne fait désormais plus partie que de l’histoire ancienne, se fondant aux fables en Wyandot et aux aventures du Grand Ouest. Il semblerait que se déplacer au volant d’un véhicule à moteur soit la seule activité humaine qui soit encore pratiquée dans cette région des Etats-Unis. Bon nombre de véhicules que j’aie pu observer dans ce coin oublié de l’Ouest des Etats-Unis n’étaient pas plus que des tas de ferrailles occupés généralement par deux jeunes hommes semblant chercher quelque chose. Je me demande ce qui pouvait bien les pousser à parcourir désespérément ces lieux à la recherche de quelque chose qui ne semblait certainement pas y exister.


Je n’ai jamais été aussi heureux qu’après avoir quitté cet amer vestige de Rêve Américain de plusieurs centaines de kilomètres carrés. Je conduisais, comme toutes les autres personnes autour de moi, sur le Dan Ryan Expressway (US I-94), et sur plus de 30 kilomètres, entre Pullman et West Loop, le trafic routier ressemblait plus à un contenu gastro-intestinal qu’à autre chose. Voici ce qu’il reste de ce qui autrefois était le pouls des Etats-Unis : un endroit si sinistre que vous n’aspirez qu’à vous en échapper le plus rapidement possible et oublier ce que vous avez pu y voir. Le retour de cette région à la nature – ou du moins à ce qu’il reste aujourd’hui de la nature – ne sera certainement pas dérangé par les projets politiques de Barack Obama et de Mitt Romney. J’espère simplement ne plus être là lorsque plus aucune voiture n’y circulera.


 

 

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James Howard Kunstler est un journaliste qui a travaillé pour de nombreux journaux, dont Rolling Stones Magazine. Dans son dernier livre, The Long Emergency, il décrit les changements auxquels la société américaine devra faire face au cours du 21° siècle. Il envisage un futur prochain fait de crises sociales à répétition, la fin de la Surburbia et du modèle économique associé, une guerre mondiale pour les ressources en énergie. Il prédit la déconstruction des empires européens et américains et pense que, lorsque les convulsions seront terminées, le monde fonctionnera de manière décentralisée et local.
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Vous n'avez pas compris, M. Kunstler.

L'occident a décidé de transférer massivement toute son activité industrielle dans les pays d'Asie, et donc quasiment l'intégralité de son capital productif et de sa valeur ajoutée, dans l'illusion que nous entrions dans une fameuse "ère de la connaissance". ou "ere de l'information"

Il ne nous reste que friches désertiques, banques en déconfiture, états en deshérence, retraités et fonctionnaires, sans compter une jeune génération à qui l'on a expliqué qu'il ne fallait plus travailler, et qui n'a pour seule occupation que de se mast... devant des écrans, pardon, de discuter du vide de sa vie sur les reseaux sociaux.

L'histoire nous dira un jour si les chinois ont payé nos élites pour ce drame, comme les prussiens avaient payé Voltaire.

Ce qu'il y a de sur, c'est qu'ils en riront pendant longtemps.

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Cher ELS,

Une question reste posée suite à votre critique de l'article de M. Kunstler (à laquelle sans doute ce dernier a une réponse) : comment les chinois vont-ils faire subsister leur modèle, basé sur l'exportation à hauteur de 65% du PIB, si leurs principaux clients, l'EU et les USA, voient leur importations s'effondrer du fait de la récession carabinée qui s'annonce?

Vous avez raison: l'Europe va s'effondrer... et la Chine, avec sa demande intérieure insuffisante pour offrir des débouchés à production et sa bulle immobilière stratosphérique aura tôt fait de la rejoindre...

Les jeunes désoeuvrés qui surfent sur les réseaux sociaux, seront peut-être ceux qui trouveront les solutions collectives (parce qu'il n'existe pas de solutions individuelles n'est-ce pas?) qui nous permettront de nous sortir de là où nos élites politiques et financières nous ont mis...
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Amen ça c'est une réponse bien logique. La crise est l'effondrement financière est mondiale, personne n'y échappera sauf....
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Mouai... sauf que la Chine pourra faire des téléphones et des PC, avec leurs stocks d'argent métal.

La Chine aura de l'or, du vrai, à échanger contre du pétrole.
La Chine se remettra de ses émotions, en interne.

Vous souvenez-vous que l'Europe et les USA, avant cette magnifique ouverture sur les pays de l'est, sur l'Asie, étaient des continents qui s'autosuffisaient, et où les ouvriers avaient un certain pouvoir d'achat, et où le chômage était encore limité ?

Pour l'enrichissement de quelques connards et au nom de la libre concurrence bienfaitrice pour tous (il parait, en tous cas...), des centaines d'usines ont été délocalisées au loin. Mieux valait faire fabriquer une voiture, un lave linge, par un ouvrier payé 100F par mois que par un payé 10.000F, avec couverture sociale, week-end, congés payés,....
Et le prix de vente ? Ben bizarrement, on a beau éloigner les usines au maximum, lorsque les véhicules en question arrivent sur le marché européen, trouvez-vous vraiment qu'ils sont moins chers ?

On a foutu notre main d'oeuvre au chômage, on a "inventé" la précarité, on a permis de plus en plus aux ménages instables de devenir propriétaire d'une maison, auto, d'une télé dernier cri, au prix d'un endettement énorme de tout le monde, et tout ceci en s'endettant nous-même ( les états ) car il fallait bien subvenir aux besoins des gens, sous peine d'émeutes, de révolutions,....

Et maintenant il faudrait chialer parce que leurs magouilles arrivent à leur terme ?
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Merci de votre reponse.

La Chine n'est pas differente des economies occidentales aujourd'hui. Elle ne tire sa croissance que d'une inflation monetaire et d'investissements en infrastructure demesures et inutiles.

La Chine va droit vers une crise economique majeure, pour les memes raisons que nous
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Merci de votre reponse. La Chine n'est pas differente des economies occidentales aujourd'hui. Elle ne tire sa croissance que d'une inflation monetaire et d'investissements en infrastructure demesures et inutiles. La Chine va droit vers une crise econ  Read more
ELS - 6/28/2012 at 4:48 PM GMT
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