À l’heure
ou l’on parle de réforme
pénale, notre système judiciaire et pénitentiaire peine
à assurer la sécurité face aux délinquants et aux
criminels. Dans un livre publié récemment, En finir avec
l'angélisme pénal (Les Belles Lettres, 2013), le
philosophe Alain Laurent voit à l’œuvre dans ce
phénomène une « idéologie
anti-carcérale et post-punitive ». D’où
provient cette compassion dévoyée ? Quels sont ses
effets ?
Selon lui,
c’est l’actuel climat ambiant de tolérance et
d’excuse préalable du crime qui constitue le terrain
criminogène de base. L’auteur d’un crime n’est pas
d’abord coupable mais il est victime des inégalités
sociales et du capitalisme. Des auteurs américains parlent à ce
propos d’ excuse making industry (« industrie de fabrication
d’excuse »). Tout est bon pour justifier la clémence,
les remises de peines, les sorties anticipées.
Quand le social se substitue au
pénal
Depuis les
années 1980, en effet, les discussions intellectuelles sur le crime sont
dominées par l'opinion qu'un comportement criminel est causé
par une oppression sociale et que les criminels sont des « victimes »
impuissantes.
Selon certains
sociologues, la criminalité, principalement juvénile, serait
une réponse à la pauvreté et au racisme et donc une
forme de protestation ou de critique sociale. La frustration engendrée
par le capitalisme, la société de consommation, le
chômage et les inégalités conduiraient les jeunes
défavorisés à pratiquer une redistribution sauvage, par
la violence.
Sous
l’influence de ces idées, les lois ont été
modifiées pour étendre les droits des criminels. Le
système judiciaire a été axé sur la
resocialisation et la réinsertion des condamnés.
Mais cette
théorie a été mise à mal par les faits. On
n’a observé aucune association entre le taux de
criminalité et la conjoncture économique. L’explosion de
la criminalité qui a commencé au cours des années 1950-60,
n’a pas été affectée par la crise de 1973, ni par
la récession qui s’en est suivie. Durant toute cette
période, les sommes allouées à la lutte contre la
pauvreté n’ont jamais cessé d’augmenter, sans aucun
effet sur la criminalité.
Au contraire,
en réduisant les condamnations des criminels, on leur a procuré
un sentiment d’impunité en même temps qu’une
protection moindre à la population respectueuse de la loi.
Un problème philosophique
Le
problème de la justice, écrit Alain Laurent, est d’abord
d’ordre philosophique et non simplement politique. Selon lui, la
sécurité des citoyens est de moins en moins assurée en
raison du laxisme délibéré imprégnant les
réponses pénales, surtout telles qu’elles sont
repensées selon les canons du Syndicat de la Magistrature (la culture
de l’excuse et la réinsertion sans peine…) dont
s’inspirent Christiane Taubira et
François Hollande.
En fait, la
pratique pénale depuis longtemps suivie et maintenant
érigée en doctrine d’État est foncièrement
immorale. Elle justifie le rejet des principes et de la logique de la
responsabilité individuelle, le refus de punir comme il convient le
viol des droits d’autrui et la politique de « traitement social
» de la délinquance qui s’ensuit – avec le comble :
l’attribution de droits sociaux aux délinquants sous main de justice.
C’est pourquoi, selon Alain Laurent, il faut recréer un contexte
global de réprobation morale et sociale de tout ce qui viole
brutalement les droits d’autrui. En ce sens, une prévention morale
peut se révéler efficace en faisant intégrer en amont
chez les individus dits en « perte de repères »
qu’il y a des interdits à respecter absolument.
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