L’évasion fiscale : un indicateur de légitimité III

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From the Archives : Originally published January 25th, 2012
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Dans les billets précédents (1 et 2), nous avons expliqué que l’évasion fiscale n’est pas à l’origine des déficits publics et qu’elle ne diminue pas nécessairement nos richesses. Non seulement l’évasion fiscale n’a pas de conséquences économiques négatives, mais au contraire, on peut même considérer qu’elle remplit une fonction économique importante dans la mesure où elle permet de mesurer la perception des finances publiques par les contribuables. Une augmentation de l’évasion fiscale indique une augmentation de la déception des contribuables vis-à-vis des services et biens publics offerts, par rapport au montant d’impôts payés.


Dans son rapport annuel publié le 1er décembre, l’ONG Transparency International souligne le rôle important de l’évasion fiscale dans l’augmentation des dettes publiques et ajoute que les changements politiques récents en Grèce et en Italie contribueraient à donner de la crédibilité aux gouvernements respectifs et donc à accroître leurs entrées fiscales. Il est intéressant de noter d’emblée que la stratégie consistant à améliorer la crédibilité des politiques publiques repose sur une interprétation de l’évasion fiscale comme thermomètre de la perception des politiques publiques. Elle se différentie donc de la stratégie discutée dans les billets précédents, qui consiste à renforcer le contrôle fiscal et à dénoncer la fraude fiscale, qui repose sur l’idée suivant laquelle l’évasion fiscale serait à l’origine des déficits budgétaires. Puisque cette interprétation de l’évasion fiscale fournie par Transparency International met en évidence la dimension éthique, elle nécessite des approfondissements supplémentaires.


Est-il immoral de ne pas payer ses taxes ?


La réponse à cette question est très simple : cela dépend ! La moralité de l’évasion fiscale dépend nécessairement de la moralité du système de taxation. Il en est ainsi car d’un point de vue moral, l’évasion fiscale et la taxation sont inversement proportionnelles. Lorsque l’agencement étatique qui redistribue les taxes est considéré immoral, l’évasion fiscale est ipso facto morale, et vice-versa. Par exemple, lorsque des régimes corrompus, tyranniques ou dictatoriaux sont perçus comme immoraux, l’évasion fiscale devient implicitement une action morale. Ce raisonnement ne change pas automatiquement dans un régime démocratique. Pour les minorités qui souhaiteraient faire sécession ou tout simplement pour des individus contestataires, le fait qu’un régime ait recueilli un certain nombre de voix ne suffit pas pour le rendre légitime. Il serait naïf de concevoir la démocratie comme une boîte magique, capable de légitimer tout ce que l’on met dedans, (gouvernements, institutions, politiques etc.) pourvu que ce soit le résultat d’un processus électoral. D’un point de vue moral, il est possible de juger cas par cas la moralité de chaque gouvernement, institution ou politique qu’il s’agisse ou non d’un régime démocratique. 


Cette observation est très importante, car elle nous permet de comprendre que l’évasion fiscale ne peut pas être considérée comme immorale pour le simple fait qu’elle est illégale. La moralité n’est pas une sous-catégorie de la légalité. C’est au contraire précisément lorsque la moralité est formulée indépendamment du droit positif que nous pouvons établir qu’une loi est morale ou immorale. Sans cela, si toute loi était nécessairement morale (et si, par conséquent, toute action enfreignant la loi était immorale), nous n’aurions pratiquement plus de repère moral. Ainsi, nous comprenons maintenant mieux l’importance de l’évasion fiscale comme thermomètre non seulement de la perception de l’efficacité des politiques publiques, mais aussi de leur légitimité. Le fait d’accroitre la pression sur les contribuables d’un pays pour payer leur taxes reviendrait à casser ce thermomètre de la légitimé des politiques publiques. Autrement dit, imaginez un gouvernement qui en guise de réponse à une émigration croissante durcirait les conditions de sortie du pays ou même construirait un mur pour empêcher ses citoyens de voter avec leurs pieds. De toute évidence, une telle politique n’améliorerait pas l‘image du régime en question aux yeux de ses citoyens, ni ne le rendrait plus légitime. Il en va de même pour l’évasion fiscale.


 

 

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Marian Eabrasu est professeur d’économie et d’éthique à l’ESC-Troyes. Il a été chercheur à l’International Centre for Economic Research (Turin, Italie) et à l’institut Ludwig von Mises (Auburn, Etats Unis). Il est l'auteur de nombreux articles publiés dans des revues à comité de lecture comme La Revue Française de Science Politique, Quarterly Journal of Austrian Economics, Business and Society, etc. Son dernier article publié en 2012 dans Raisons Politiques s'intitule "Les états de la définition wébérienne de l'Etat"
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belle démonstration, malheureusement le fondement de la morale est avant tout individuel et il est spécieux de rapporter dans votre démonstration les raisons de l’évasion fiscale.
la cause évidement facilite les motifs de cette évasion (le sentiment d’être spolie en fait partie) MAIS la morale ou plutôt immoralité est de ne pas voir les conséquence de cette évasion. et pire de la justifier.

le vrai problème est ce que font nos gouvernants depuis des années avec cette masse d'argent.
courage, morale, respect des valeurs,sont les seules armes pour défendre nos démocraties et il est vain de trouver des raisons a ceux qui l’oubli ou pire qui profite de cette musique que vous venez de nous jouer.
ceci dit beau travail, intox ou perte de moral!!
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L'impôt, c'est le vol
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Juridiquement inexact : en droit pénal, le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui.

Il n'y a rien de frauduleux, une loi a été passée pour le justifier. L'expropriation a donc un fondement légal.

Mais comme l'appareil légal est rémunéré par les responsables de l'expropriation, tout comme la force publique à sa disposition pour vous contraindre, il faudrait plutot parler de racket en bande organisée.
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Rien ne résume mieux la problématique que les trois premières lignes de la déclaration d'indépendance Américaine :

"Nous tenons ces vérités comme allant d'elles-mêmes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont dotés par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur"

"Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu'une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer ou de l'abolir et d'établir un nouveau gouvernement, en le fondant sur les principes et en l'organisant en la forme qui lui paraîtront les plus propres à lui donner la sûreté et le bonheur".
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belle démonstration, malheureusement le fondement de la morale est avant tout individuel et il est spécieux de rapporter dans votre démonstration les raisons de l’évasion fiscale. la cause évidement facilite les motifs de cette évasion (le sentiment d’  Read more
g. - 1/25/2012 at 9:31 AM GMT
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