L'un des objectifs premiers de
la religion économique démocratiquement élue au Japon est de stimuler les
corporations japonaises en augmentant les exportations (c’est-à-dire en les
rendant moins chères à l’étranger) et diminuant les importations (en les
rendant trop chères pour le Japon). Pour y parvenir, le Premier ministre, Shinzo Abe, et la Banque du Japon ont décidé de dévaluer
le yen, et donc le capital et les revenus des citoyens japonais.
Pour mener à bien cette noble
stratégie, la Banque du Japon s’est lancée dans un programme d’impression
monétaire. Et ça a fonctionné : le yen a perdu 30% par rapport au dollar
depuis la campagne électorale de 2012. La valeur du yen japonais a perdu 30%
face au dollar, et les salaires réels ont été réduits. L’économie japonaise
est sens
dessus-dessous….
S’il est une chose qui n’a pas
été accomplie, c’est la réduction des importations couplée à l’augmentation
des exportations, ce qui a généré un important surplus commercial qui a fait
gonfler le PIB et donné des airs de sauveurs à Abe et sa banque centrale. Le
ministère de la Finance a mis un peu de sel sur la plaie aujourd’hui, avec la
publication des statistiques
commerciales pour le mois d’août.
Les exportations, plutôt que d’augmenter
en raison de la dévaluation du yen, ont perdu 1,3% sur un an pour passer à
5,7 trillions de yens. Les importations ont baissé de 1,5% pour passer à 6,7
trillions de yens, en raison notamment des importations pétrolières, qui ont
perdu 5,2% suite à la baisse du prix du pétrole sur les marchés mondiaux. La
baisse du prix du pétrole a contribué à la baisse des importations à hauteur
de 0,9 point de pourcentage. Autre facteur : les consommateurs, qui ont
souffert de la hausse des prix et du déclin des salaires réels, ont diminué
leur consommation.
Au cours des huit premiers
mois de l’année, par rapport à la même période l’année dernière, le déficit
commercial du Japon a augmenté de 39%. Voilà quel impact a eu l’Abénomie sur le commerce…
Le mois d’août 2014 s’est
prouvé être moins terrible que le mois d’août 2013, qui a été le pire mois d’août
de toute l’Histoire du Japon. Il a été 27% plus catastrophique que le mois d’août
2012. Le grand accomplissement de cette année est donc que le déficit
commercial ne se soit pas aggravé au mois d’août. Et la raison à cela n’est
pas l’augmentation des exportations (qui ont baissé), mais la baisse des
importations liée à une hausse du prix du pétrole, et la baisse de la
consommation des consommateurs japonais.
Les exportations du Japon vers
les autres pays asiatiques ont baissé de 0,6% en un an. Les exportations vers
la Chine et Hong Kong ont baissé de 0,2 et 1,6%, les exportations vers la
Corée du Sud ont baissé de 6,1%. Elles ont baissé de 4,3% vers la Thaïlande,
et de 14,8% vers l’Indonésie.
Le déficit commercial du Japon
est une conséquence de la délocalisation des corporations japonaises, parties
à la recherche d’une main d’œuvre moins chère et d’une proximité accrue avec
leurs consommateurs. Ce mouvement s’est accéléré suite au tremblement de
terre et du tsunami du 11 mars 2011, qui ont suspendu les chaînes de
livraison au Japon. L’Abénomie a offert aux corporations
japonaises une nouvelle raison de se délocaliser : un yen dévalué leur
permet de traduire leurs profits obtenus à l’étranger en un yen plus faible. Le
déficit commercial du pays devrait continuer de peser sur l’économie.
Même les défenseurs de l’Abénomie se disent inquiets. La débâcle du mois d’août
est difficile à expliquer, même pour eux. Lisez ceci : The
Wrath of Abenomics Crushes Japanese Consumers, Eviscerates Economy
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