|
En septembre dernier, lors
du Forum Économique Mondial à Tianjin, le premier ministre
chinois Wen Jiabao essayait
de réfuter publiquement l'accusation selon laquelle le pays
« a payé un prix excessif » pour sa croissance et il
justifiait les plans de relance comme « une réponse
scientifique » à la crise (voir également
ici). Ce qui est très surprenant, c’est qu’il semblait
sur la défensive, comme si le pays ne croyait plus à ces
vieilles recettes keynésiennes et faisait davantage confiance au libre
marché pour l’avenir. Wen Jiabao apparaît de plus en plus comme un homme du
passé, discrédité non seulement par l’échec
de sa politique mais aussi par les
révélations sur l’origine douteuse de sa fortune
personnelle estimée à plusieurs milliards d’euros. La
Chine est-elle en train de changer de cap ?
Récemment,
le Wall Street Journal (12
octobre 2012) a donné une interview de l’économiste
chinois Weiying Zhang. Elle donne une image
très intéressante de la façon dont la Chine pourrait
effectivement évoluer vers la privatisation et le retrait de
l’État. Weiying Zhang, né en
1959, est docteur en économie de l’université d'Oxford. Il
a cofondé le Centre chinois de recherche économique (CCER)
à l'Université de Pékin en 1994, avant de prendre la
direction de Guanghua School of Management à
cette même université en 1997. Ce poste lui a été
retiré par le pouvoir politique en raison de ses opinions « radicales ».
Le professeur Weiying Zhang est en effet connu pour
ses prises de position anti-keynésiennes et sa défense de l'école
autrichienne d’économie. Mais aujourd’hui, avec le
ralentissement des taux de croissance de la Chine, les analyses de Zhang sont
désormais très recherchées par les réformateurs
au pouvoir.
En effet, lorsque
la crise financière mondiale a frappé, dit Zhang, les
dirigeants chinois ont répondu avec un plan de relance massif. Mais la
politique keynésienne n'a pas donné ce qu'elle avait promis.
Maintenant que la croissance chinoise connait un fort ralentissement, les
industries favorisées par les bureaucrates, comme l'acier et
l'énergie solaire, sont confrontées à des surproductions
massives. Zhang estime qu'une telle situation illustre parfaitement la notion
de « malinvestissement »,
employée par Hayek dans sa théorie des cycles
économiques. L’économiste chinois poursuit en affirmant
que les gens se rendent de plus en plus compte que lorsque le gouvernement
investit dans un secteur, la récession arrive tôt ou tard.
Actuellement le
gouvernement chinois pourrait réagir au ralentissement
économique par un autre programme de relance. Mais Zhang pense que
cela n'arrivera pas, car depuis l’ouverture au monde il y a 30 ans, les
économistes chinois ont changé leur manière de penser.
« Nous avons beaucoup plus de confiance dans les marchés aujourd'hui »,
dit-il.
Contrairement
à la plupart économistes chinois, qui sont des technocrates,
Zhang considère que l'économie est inséparable de la
morale. Il aime à citer Aristote et Thomas d'Aquin sur le droit naturel.
Les gens ont des droits, en particulier le droit de propriété. Après
des décennies d'économie planifiée, Zhang explique que
des mesures doivent être adoptées pour stimuler le secteur
privé et favoriser une économie plus favorable aux
entrepreneurs.
« Je
pense que ce n'est pas très difficile. Vous devez d'abord créer
un environnement plus sûr pour les entreprises privées. Vous
devez avoir un bon système juridique pour protéger la
propriété physique et intellectuelle. Cela encouragera les gens
à innover et à investir dans le long terme. Trop d’entrepreneurs
cherchent des rendements à court terme à l'heure actuelle,
plutôt que de voir à 10 ou 20 ans. »
Il plaide
également pour des privatisations massives. « Nous pouvons
apprendre du programme de privatisation de Mme Thatcher à
réduire progressivement le rôle de l'État. Si le
contrôle de l'État sur l’économie était ramené
de ce qu’il est actuellement (entre 70 et 80%) à la
moitié, il tiendrait encore un rôle très important, mais
ce serait un signal fort quant à la direction que prend le pays »,
dit-il. « L'école autrichienne prévoit que les
êtres humains sont très ignorants et savent peu de choses. Par
conséquent, les décisions concernant l'économie ne
peuvent pas être prises de façon centralisée. Les décisions
doivent être décentralisés et réalisées par
des particuliers », ajoute-t-il.
Aujourd’hui
les responsables chinois ne considèrent plus M. Zhang comme un paria. Les
fonctionnaires du ministère de l'agriculture lui disent qu'ils aiment
la lecture de ses articles. D'autres ministères et collectivités
locales, l'invitent à parler. Récemment, il a écrit un
article faisant l'éloge de l’économiste austro-américain
Murray Rothbard, et le secrétaire du parti
communiste de Shanghai, un apparatchik très haut placé, lui a confié
qu'il avait aimé l’article ! Décidément, tout
semble possible au sein de l’empire du milieu …
|
|