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La confusion des genres

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Chroniques en liberté
Published : January 09th, 2019
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Category : Editorials

La France est bloquée dans une situation étrange et malsaine : presque tout le monde semble faire le même constat d’immobilisme et de crispations qui paralysent à la fois la société et le pouvoir, entretenant un divorce croissant entre la société et ses élites ; mais personne ne veut assumer la responsabilité d’un véritable changement. Et suffit-il d’avoir l’assentiment des foules pour oser des réformes qui s’avèreront de plus en plus impopulaires qu’elles auront été indéfiniment reportées ? Avec la cohabitation devenue une pratique du pouvoir, c’est l’institutionnalisation du « ni-ni » qui s’est progressivement imposée : ni « grand bond en avant », ni retour en arrière ; ni libéralisme, ni socialisme ; « oui à l’économie de marché, non à la société de marché » selon la formule creuse de Jospin ; ou encore « ni étatisation, ni privatisation de la sécurité sociale » selon le vœu du président de la république.

 

Alors que la plupart de nos dirigeants ou des candidats potentiels au poste suprême proclament haut et fort qu’ils ne veulent pour la France ni du « capitalisme sauvage » à l’américaine, ni du communisme réel à la mode soviétique, déclinant le thème de la « troisième voie » entre socialisme et libéralisme, ils ne voient toujours pas que la France est justement en panne de croissance et de « dialogue social » parce que précisément bloquée dans cette illusoire « troisième voie » qui n’existe que dans la tête des idéologues. La seule réalité, qui existe, est l’économie de marché laquelle a besoin, pour fonctionner, que l’Etat assure les missions qu’il a légitimement vocation à assumer, ni plus ni moins. Le marché n'est pas contre l'Etat si chacun reste à sa place dans son rôle légitime.

 

 

 

En plus de nous déconsidérer sur la scène internationale auprès d’un nombre grandissant de pays, cette position de non-choix contribue à bloquer les possibilités de croissance et d’évolution sur le plan interne. Le problème aujourd’hui n’est pas de trouver et de mettre en œuvre la « troisième voie », mais c’est justement de tenter d’en sortir au plus vite ! Comme l’ont illustré, dans un passé récent, les exemples de Bull, du Crédit Lyonnais et de tant d’autres dossiers (les nationalisations, les Plans Calculs ou autres plans Câbles, la régulation du secteur de la santé et la faillite des principales missions de l’Etat), la « troisième voie » est une impasse dont la quête désespérée ne peut qu’aboutir aux déchaînements des extrêmes (montée des corporatismes, multiplication des revendications et des conflits, votes extrémistes et tentation populiste). Si le « dialogue social » est pour le moins en panne dans ce pays, c’est encore parce que l’Etat l’a monopolisé en désignant les « partenaires sociaux représentatifs » et en se plaçant comme arbitre d’un jeu qu’il ne peut finalement maîtriser.

 

La société française est prise en otage par cette inertie d’un Etat qui veut contrôler en vain des pans entiers de la vie sociale : l’éducation, la culture, la santé, la recherche, l’énergie, la retraite… Et si les hommes et femmes politiques ne bougent plus ou font semblant de réformer, c’est qu’ils considèrent que l’opinion publique n’est pas prête à supporter les véritables réformes qui s’imposent, mais qui s’avèreront encore plus lourdes et plus difficiles à mettre en œuvre qu’elles auront été indéfiniment retardées. Ceux qui ont la prétention et l’ambition de gouverner la nation n’ont-ils pas le devoir de l’éclairer en lui expliquant la nécessité de certains changements ? Ce devoir est d’autant plus pressant que la présence du Front national au second tour des élections présidentielles a témoigné de l’état de décomposition morale et civique de la société française.

 

Mais, rien ne sert de s’effrayer de la montée de l’extrême droite et de descendre dans la rue pour « sauver la république », si l’on ne s’interroge pas sur les causes profonde d’une telle situation. Et l’on est en droit de se demander si un traitement homéopathique est de nature à constituer un remède face à l’ampleur du mal qui frappe la société française. A force de mettre l’Etat partout, on finit par le rendre impuissant à assumer ses missions essentielles (la police, la justice et l’armée). Le résultat est qu’un nombre grandissant d’individus en viennent à être dépendants des services de l’Etat qui se trouve lui-même bien en peine de fournir de manière efficace. La tentation est grande d’assimiler cette impuissance structurelle à une défaillance éventuelle du personnel politique qui serait corrigée par l’arrivée au pouvoir d’un homme fort et autoritaire. Terrible illusion et dangereuse tentation.

 

L’alternance tronquée est fondée sur cette même illusion : tel gouvernement a échoué sur la question de l’emploi alors les français élisent un nouveau gouvernement sans bien comprendre – mais on ne leur dit jamais – que l’Etat n’a pas la capacité à se substituer aux entreprises et aux ménages en matière économique et sociale. Après bien des alternances et des désillusions, le chômage, apparu à partir de 1973, s’est durablement installé dans notre pays. Après trois décennies d’interventionnisme impuissant, le personnel politique se grandirait à se faire élire sur des considérations politiques plutôt que sur des questions économiques qui relèveront toujours de la société civile et du marché, du moins tant que nous vivons dans une société où les individus, les ménages et les entreprises veulent rester libres de leurs décisions. Après tout, ce n’est pas l’affaire de l’Etat de régenter les salaires, le diamètre des pommes de terre ou l’âge de la retraite… L’Etat a des fonctions plus nobles et plus essentielles et le marché a les siennes toutes aussi vitales.

 

 La confusion des genres a toujours entraîné à la fois le dérèglement du marché et la crise de l’Etat : les marchés dysfonctionnent lorsqu’ils sont étouffés par des réglementations par nature rigides et inadaptées, et l’autorité de l’Etat est diminuée lorsque ce dernier s’engage dans des promesses qu’il sera bien en peine de tenir.

 

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Docteur en sciences économiques de l'université de la Méditerranée et Maître de conférences – HDR - à l'IAE de l'université de Perpignan. Médaille du Bibliographical Institute of Cambridge (London, 2012), il est spécialiste de croissance économique ainsi que chercheur en tourisme international et consultant pour l’Organisation Mondiale du Tourisme (Nations-Unies). Il signe des chroniques économiques dans la presse nationale (Les Echos, Le Monde, le Figaro, Economie-Matin) et internationale (l’AGEFI le quotidien suisse des finances, le Boston de Providence aux USA, le Québécois Libre à Montréal). Il anime enfin, depuis plus de 15 ans, un blog à vocation pédagogique, Chroniques en liberté, à l'attention de ses étudiants et du grand public. Ouvrages [1] Les défis économiques de l'information, la numérisation, L'Harmattan, Paris 1996. [2] L’innovation dans l’industrie du tourisme - Enjeux et stratégies. En co-écriture avec B. Solonandrasana, L’Harmattan, Paris, 2001 [3] L’épopée de l’innovation – Innovation technologique et évolution économique, L’Harmattan, Paris, 2005. [4] L’innovation dans l’industrie du tourisme. Enjeux et stratégie, avec B. Solonandrasana, L’Harmattan, Paris 2006. [5] Fondements d’économie du tourisme. Acteurs, marchés, stratégies. De Boeck Université, Bruxelles 2007. [6] Le modèle français dans l’impasse, Tatamis Editions, Paris 2013. [7] Histoire thématique et contemporaine des faits économiques, Ellipses, Paris 2015. [8] Analyse de la finance internationale : le grand naufrage, en co-écriture avec Faouzzi Souissi (Trader),The Book Edition, Paris 2019.
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