La gestion des ressources naturelles : l’exemple des éléphants

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From the Archives : Originally published October 17th, 2012
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Dans Principles of economics (un des plus populaires manuels d’économie), Gregory Mankiw pose une question intéressante : pourquoi les éléphants sont-ils en voie de disparition tandis que les vaches (pourtant une espèce bien plus fragile) ne le sont pas ? La réponse à cette question nous permet de mieux comprendre l’intérêt d’une gestion privée des ressources environnementales. En bref, le raisonnement économique classique est le suivant : la vache ne disparaîtra pas tant qu’il y aura une demande de lait et de viande de bœuf. Suivant la même logique, on devrait pouvoir dire : la survie des éléphants dépend de la demande d’ivoire.

 

Pourtant, la vision dominante s’agissant de préserver la vie sauvage continue à s’appuyer sur des politiques publiques favorables à la conservation des espèces et donc implicitement au refus du commerce des ressources naturelles. Le cas des éléphants, symptomatique de ce point de vue, mérite d’être approfondi. Ainsi, la survie des éléphants en particulier (et celle des espèces en voie de disparition en général) dépend actuellement des décisions prises dans le cadre de la CITES (Convention on International Trade in Endangered Species of Wild Fauna and Flora).

 

Cette commission, composée de 171 États-membres et appuyée par les Nations unies, s’emploie à contrôler le marché international de l’ivoire dont la vente est formellement interdite depuis 1989. Toutefois, il est intéressant de noter que de temps à autres, certains pays (notamment dans la pointe sud de l’Afrique) réussissent à négocier des accords autorisant des ventes ponctuelles vers l’Asie. Par exemple, en 2002, l’Afrique du Sud, le Botswana et la Namibie ont vendu 60 tonnes d’ivoire au Japon. En 2008, le Botswana, l’Afrique du Sud, la Namibie et le Zimbabwe ont également vendu 108 tonnes d’ivoire au Japon et à la Chine.

 

Pendant ce temps, d’autres pays d’Afrique de l’est, comme le Kenya, dépensent des efforts considérables et toujours insuffisants dans la traque des braconniers tout en vantant la destruction de leurs butins sur des bûchers publics. Par ailleurs, le commerce illégal de l’ivoire finance les guerres incessantes soutenues par L'Armée de résistance du Seigneur (LRA : Lord’s Resistance Army) en Ouganda, par les milices Djandjawid au Soudan, ou encore par les milices Al-Shabbaab en Somalie.

 

Ces deux attitudes vis-à-vis du commerce de l’ivoire des pays du sud et de l’est de l’Afrique rendent compte de deux stratégies radicalement différentes dans la gestion des éléphants (et des ressources environnementales en général). Si les pays de l’est de l’Afrique ont choisi de bannir l’usage commercial des éléphants et des produits comme l’ivoire, les pays du sud du continent ont encouragé au cours des deux derniers décennies la propriété privée des réserves naturelles, qui organisent des safaris, vendent des licences de chasse et exploitent l’ivoire de manière raisonnée.

 

Pour ce qui est des résultats de ces deux types de gestion des éléphants, les statistiques du International Union for Conservation of Nature (IUCN) parlent d’elles mêmes. Le graphique plus bas indique qu’au Zimbabwe et Botswana, le nombre d’éléphants a augmenté exponentiellement de 30 000 et 20 000 à 70 000 entre 1978 et 2003. Tandis que la population des éléphants au Kenya a vertigineusement diminué, de 140 000 en 1978 à environ 17 000 en 2003.

 

Alors qu’en Côte d’Ivoire l’on ne compte plus qu’à peine 200 spécimens (le mot « éléphants » n’y est d’ailleurs plus guère utilisé que pour désigner les joueurs de l’équipe nationale de football), la plus grande réserve privée du Botswana, qui s’étend sur 25 000 hectares (Mashatu Game Reserve) , abrite à elle seule environ 900 éléphants.

 

Dans la gestion des éléphants en Afrique de l’est, la tragédie des biens communs trouve ainsi une parfaite et bien triste application. Lorsque les braconniers ou les groupes armés qui tirent profit du commerce de l’ivoire ne sont pas propriétaires des éléphants, ils n’ont aucun intérêt direct à leur préservation. L’augmentation du nombre d’éléphants au Sud de l’Afrique est en revanche très certainement liée à la gestion privée et aux perspectives d’en tirer du profit et des investissements. Cette situation illustre aussi très bien l’exemple de Mankiw : le commerce légal de l’ivoire non seulement ne menace pas les éléphants, mais favorise au contraire la survie de l’espèce.

 

 

 

 

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Marian Eabrasu est professeur d’économie et d’éthique à l’ESC-Troyes. Il a été chercheur à l’International Centre for Economic Research (Turin, Italie) et à l’institut Ludwig von Mises (Auburn, Etats Unis). Il est l'auteur de nombreux articles publiés dans des revues à comité de lecture comme La Revue Française de Science Politique, Quarterly Journal of Austrian Economics, Business and Society, etc. Son dernier article publié en 2012 dans Raisons Politiques s'intitule "Les états de la définition wébérienne de l'Etat"
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Pas très plausible : le dodo de l'Île Maurice, par exemple (également nommé dronte) était une nourriture très prisée des navigateurs fatigués de ne manger que du poisson. Que lui est-il arrivé ? Regardons la Wikipédia :

"Le dodo s'est éteint moins d'un siècle après sa découverte, à la fin du xviie siècle avec l'arrivée des Européens. Il est aujourd'hui souvent cité comme un archétype de l'espèce éteinte car sa disparition, survenue à l'époque moderne, est directement imputable à l'activité humaine".

Maintenant, voici un propos inquiétant d'un de mes professeurs au cours des années 60 :

"Les levures de bière, messieurs, transforment le sucre en alcool jusqu'à un certain taux. Pourquoi s'arrêtent-elles à ce taux et pas à un autre ? Parce que c'est exactement celui qui va les tuer et stopper ainsi leur action. Eh bien ce que nous ne savons pas, messieurs, c'est si l'homme est en quoi que ce soit plus malin que les levures".

L'exemple du dodo, qu'il ne citait pas, semble prouver que ce n'est pas toujours le cas.

Et la mer se dépeuple. Le poisson était autrefois la viande du pauvre (c'est pourquoi on "faisait maigre" en carême : c'est aujourd'hui la viande du riche. Pourquoi n'en arrête-t-on pas la pêche le temps de laisser la mer se repeupler ? Parce que les pêcheurs n'ont pas d'autre moyen de vivre et ont de surcroît des crédits à rembourser pour leur bateau, ce qui les empêche de changer d'activité. Pour un spectateur, c'est beau comme une tragédie grecque. Dans le monde réel, on se demande comment on a pu se fourrer dans une pareille mélasse qui pourrait fort bien nous tuer. Enfin, VOUS tuer, car moi, je suis de toute façon vers la fin de ma vie.
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Le dodo en france est mieux considéré .
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Deux arguments supplémentaires allant dans votre sens : tout d'abord l'importance de ces animaux en tant que ressource touristique et secondement, leur importance pour les subventions que recoivent les états africains.

En effet, à partir d'un certain pourcentage de leur territoire affecté aux réserves naturelles (11% de crois), les états africains reçoivent des subventions qui peuvent etre considérables. Bien évidemment, beaucoup de ces "réserves" n'ont de réserves que le nom et les fonctionnaires chargés de leur protection sont souvent les premiers braconneurs, de fait ou complices. Mais c'est un autre pas pour donner une "protection économique" à territoires et pour les sortir de la tragédie des biens communs.
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clair et net - 6/15/2013 at 8:46 AM GMT
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