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Le « social » contre la société : quand l'envie est érigée en valeur

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Published : August 23rd, 2011
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Category : Editorials





Voilà bientôt quatre ans que la crise occupe les médias, suscitant les déclarations les plus solennelles sur l'hybris « ultralibérale ». À droite comme à gauche, on multiplie les discours contre l'obsession du profit, qui appauvrit les pauvres et enrichit les riches. Mais jusqu'à que point peut-on exciter l'envie des uns à l'endroit des autres ?


Cette habile rhétorique présuppose que les nantis ont le monopole de la cupidité. Or il faut se faire des hommes une bien curieuse idée pour affirmer qu'un vice omniprésent chez les uns est absent chez les autres. Le sens moral d'une personne ne varie pas selon sa place dans l'échelle des revenus. Le prétendre serait maquiller en injonction morale une vision dangereusement conflictuelle de la société justifiant par avance toute récrimination d'une catégorie sociale contre une autre – vision d'ailleurs consacrée par le principe de « redistribution » et la notion de politique « sociale ».


En apparence, les faits confirment cette interprétation dialectique. Il est vrai qu'aux invectives du « Peuple » contre le grand capital répondent celles du contribuable contre les « assistés ».


Mais cette distinction grossière entre riches et pauvres nous aveugle sur la signification de l'envie et sa place dans la société. L'impression qu'autrui gagne toujours trop et que l'on ne gagne soi-même jamais assez se retrouve partout : il n'est pas rare qu'un smicard s'estime lésé par le comportement d'un collègue qui travaille moins et gagne autant que lui-même. L'envie, l'avidité et le ressentiment se moquent de la lutte des classes et de ses théoriciens.


Répéter sur tous les tons qu'une personne est pauvre parce qu'une autre est riche, c'est jouer avec des allumettes. Quelle peut être l'espérance de vie d'une société ou la jalousie n'est plus dénoncée mais approuvée et encouragée, voire considérée comme une preuve de lucidité ?


Du reste, la quête du profit n'a pas le même impact selon la politique économique en vigueur. Dans une économie libre, l'avidité est théoriquement modérée par le mécanisme de l'échange : on ne demande rien que l'autre ne consente à offrir. Là où, en revanche, l'État « corrige » le marché, l'avidité n'est plus limitée que par les choix du gouvernement, lui-même sous la pression des électeurs, des lobbies et de la rue.


On a tant disserté sur les effets secondaires supposés pervers de la liberté économique qu'on sous-estime ceux de l'intervention étatique. Plus l'État intervient pour apaiser les frustrations, plus les gens se persuadent qu'ils ont de quoi être frustrés ; plus forte est la frustration, plus grande est la tentation de l'imputer à autrui.


Comprenons bien qu'en montant les « laissés pour compte » contre les « nantis », l'État exploite un vice dont elle ne mesure ni l'ampleur ni les conséquences.


On rétorquera qu'il faut comparer ce qui est comparable, et que la frustration du smicard est plus légitime que celle de M. Bernard Tapie. C'est l'argument bien connu selon lequel on peut reprocher à celui qui a de vouloir encore plus, pas à celui qui n'a pas de vouloir quelque chose. Mais sous prétexte de ne pas offenser le miséreux, doit-on systématiquement l'approuver et l'encourager dans sa haine de « ceux qui ont réussi » ?


S'il est injuste de prendre systématiquement parti pour les plus favorisés, il est tout aussi injuste de légitimer a priori la rancœur qu'ils inspirent au reste de la société.


Il est étonnant que cette interprétation étroitement économique des vices et des vertus soit aussi populaire à une époque où l'on projette de mettre l'homme au centre de l'économie. Il n'est pas certain que juger les actions d'un individu d'après ses revenus marque une avancée décisive dans cette direction.


L'ensemble de la classe politique française croit sage et moral de monter une majorité d'exploités contre une minorité d'exploiteurs, en répétant que les uns seraient plus riches si les autres l'étaient moins. Ce faisant, ils n'en appellent pas à ce qu'il y a de plus noble en l'homme, mais à ce qu'il y a en lui de plus mesquin.


A quelques mois des présidentielles, n'attendons pas des candidats qu'ils prennent leurs distances avec cette vision des choses : la conjoncture socio-économique n'incite guère à pareille audace. Et c'est regrettable, car on a tout à perdre à brouiller ainsi la frontière entre le souci de l'égalité et le racket organisé.


Nils Sinkiewicz




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