C'est souvent le week-end que les choses importantes se passent en finance, quand les marchés sont fermés, quand les négociations et les bruits de couloirs ne peuvent pas avoir de répercussions ou profiter à des initiés, et quand les médias tournent sur les faits divers et la météo. Un accord important a été signé samedi, 11 octobre, entre les grandes banques mondiales, "sous la pression des régulateurs", précise la dépêche AFP, et il concerne les produits dérivés et, plus spécifiquement, les CDS (Credit default swap). Ces derniers sont des assurances permettant de se couvrir contre le défaut d'un pays sur sa dette ou la faillite d'une entreprise.
L'idée de départ est séduisante, puisqu'il s'agit d'une protection contre la faillite d'un actif que l'on détient ; qui trouverait à y redire ? Le problème est que ces produits ont été vendus en grande quantité par les banques et qu'elles ne possèdent pas forcément les fonds propres nécessaires en cas de défaut, ce qui les mettrait elles-mêmes en faillite, provoquant un effet domino catastrophique. On a pu le voir, lors de la crise de septembre 2008, avec la faillite de Lehman Brothers, gros trader sur le marché de ces produits dérivés, qui avait donné lieu à un débouclage massif de contrats dérivés avec la banque, ce qui avait provoqué le chaos sur les marchés financiers.
Les régulateurs des grands pays font valoir qu'un délai, aussi minime soit-il, pourrait permettre à une banque défaillante de pouvoir se recapitaliser et éviter un effet de panique sur les marchés financiers. L'Association internationale des swaps et dérivés (ISDA), l'organisme représentant le secteur bancaire, a ainsi accepté d'abandonner le principe du débouclage automatique ("close out") des contrats, si une institution financière se trouve en difficulté. En cas de défaillance d'une grande banque "too big to fail", les régulateurs auront le temps de mettre au point une solution pour éviter une faillite "désordonnée" aux conséquences potentiellement explosives.
On peut penser que la signature de cet accord traduit le fait que le risque de faillite de grandes banques existe bel et bien, ce qui n’est pas rassurant. Néanmoins, cet accord constitue objectivement une bonne chose, puisqu’il éloigne un risque d'effet domino catastrophique. Mais attention ! On sait désormais comment les régulateurs s’y prennent pour résoudre les crises bancaires… la méthode a été inaugurée à Chypre, au printemps 2013, et écrite dans une directive européenne qui entrera bientôt en vigueur (le 1er janvier 2016). Ce sont les comptes des épargnants qui servent à renflouer les pertes bancaires ; une ponction est directement opérée sur leur épargne afin de restaurer la solvabilité de la banque. À Chypre comme dans la directive, seuls les comptes de plus de 100.000 euros sont concernés, mais cela ne suffira évidemment pas en cas de crise grave, et on peut être certain que tous les comptes seront touchés.
Cet accord arrange les régulateurs et les banques, qui éloignent ainsi un risque destructeur et très difficile à maîtriser, mais il faut bien comprendre qu'il se fait sur le dos de l'épargnant qui a placé ses économies dans le circuit bancaire et qui, lui, n’a pas son mot à dire.