| Les banques n’ont pas toujours tort, reconnaissons-le ! Elles menaçaient du développement du shadow banking au cas où les mesures de régulations à l’étude étaient adoptées, et elles ont vu juste ! Ce qui aujourd’hui conduit le FMI à produire un rapport alertant de sa « croissance excessive », qui pourrait mettre en danger la stabilité financière. Les chiffres donnés donnent le frisson, le montant des transactions effectuées annuellement par ses acteurs (hedge funds, fonds d’investissement et monétaires, compagnies d’assurance, etc.) avoisinant la taille de l’économie mondiale pour donner une référence, soit en 2013 un PIB global de 72 mille milliards de dollars. Et il ne faudrait pas croire que la zone euro joue un rôle mineur dans cette affaire, le volume de ses activités au sein du shadow banking étant quasi équivalente à celle des États-Unis, d’après le FMI. À l’origine de cet essor, on trouve selon le FMI les nouvelles contraintes de la régulation bancaire, ainsi que la politique des banques centrales, cette baisse des taux d’intérêt qui pousse les investisseurs à rechercher des rendements plus élevés. Patron du fonds d’investissement BlackRock – l’un des fleurons du shadow banking (la banque de l’ombre) – Larry Fink voit les choses d’un tout autre œil et l’expose crument dans le Financial Times. Il s’insurge contre l’appellation de shadow banking pour qualifier des intervenants financiers, car ils ont selon lui le mérite de « remplir le vide laissé par les banques conventionnelles, leurs activités gênées par la régulation » et « d’accorder des prêts que les banques n’accordent plus ». Pour lui, les responsables de cette situation ne sont pas difficiles à trouver : ce sont « les banquiers centraux et les régulateur – y compris ceux de la Banque des règlements internationaux et du Conseil de stabilité financière (FSB), qui portent la responsabilité de la configuration actuelle des marchés en raison de leur politique d’assouplissement monétaire et de leur étroite régulation financière. » La régulation financière ayant disparu du paysage, un proche de la City en passe d’occuper le siège de commissaire aux services financiers, on croit comprendre de l’intervention de Larry Fink que le temps est venu d’obtenir un desserrement des contraintes réglementaires, les autorités politiques affaiblies pour avoir trop attendu de banques qui ne leur renvoient pas l’ascenseur après avoir été assommées de contraintes. Mais que propose le FMI afin d’éviter cette dangereuse migration des activités financières vers le shadow banking ? Tenez-vous bien : un renforcement de la coopération internationale. Plus décisif, il n’y a pas ! Un autre signal d’alerte est lancé à propos d’un phénomène encore plus insidieux, qui ne va pas non plus contribuer à apporter de la clarté dans le monde financier. Afin de se protéger de futures poursuites et d’amendes qui tombent dru, connaissant leurs faiblesses, les mégabanques poursuivent leur mouvement de retrait engagé et abandonnent progressivement leur implication dans l’établissement d’indices de référence financiers, comme le sont par exemple ceux de la famille du Libor ou bien les taux de change ou encore les cours de l’or et de l’argent. Il en existe en réalité des centaines, qui en ont en commun d’être déterminés par les intervenants du marché eux-mêmes, au prétexte qu’ils sont les mieux placés pour les connaitre. Un monde a été dévoilé, dans lequel les intervenants sont juges et parties. C’est sans doute lui que l’on dénomme généralement le marché. Mais les enquêtes en cours, ainsi que les amendes infligées, démontrent que la tentation est grande d’en profiter pour s’entendre et manipuler ces indices à son avantage. L’accumulation de ces comportements finissant par laisser à penser que les errements découverts ne résultent pas de comportements individuels et de malversations occasionnelles, mais d’une pratique installé et pourrait-on même dire reconnue. Comme si les cambrioleurs avaient pénétré dans la salle des coffres des banques pour s’y installer à demeure ! Pourquoi s’alerter alors ? A force de se retirer afin de se protéger des foudres des régulateurs, les mégabanques mettent en péril l’existence même de certains de ces indices de référence, laissant les investisseurs aveugles, avec comme conséquence de rendre moins liquides les marchés correspondants. Comment déterminer sans eux le montant des transactions et le juste prix des actifs dont la valeur de marché était auparavant mesurée ? Comment mesurer sa performance, se demandent ceux qui ont besoin de s’en prévaloir auprès des investisseurs pour la vanter ? Ce sont cette fois-ci des régulateurs que pourrait venir le salut. Mais leur réflexion tarde à déboucher sur de nouvelles procédures de détermination d’indices de référence majeurs comme le Libor et l’Euribor, hésitant entre l’utilisation partielle de données provenant de transactions réelles, et non plus du déclaratif d’un panel de banques, ou la supervision du processus par une instance à créer. Les autorités britanniques, aux premières loges en raison de la forte implication de la City, la Commission et le Conseil de stabilité financière (FSB) rivalisent de propositions si ce n’est d’audace. On se demande d’ailleurs si leur propos est de redonner un semblant de vertu à des marchés qui semblent n’en avoir jamais eu, ou de bâtir un système protégeant mieux nos très chères banques de la tentation et des punitions qui s’en suivent quand il y est succombé. | |