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Taxation, inventivité et morale : cherchez l’intrus !

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Published : January 10th, 2012
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« L'art de l'imposition consiste à plumer l'oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris. ». Cette citation, attribuée à Jean-Baptiste Colbert, Contrôleur général des Finances du roi Louis XIV, est encore d’actualité. La fiscalité municipale, est, en la matière, source de nombreux enseignements.


Depuis quelque temps, l’idée me chatouille d’établir un florilège des impôts les plus absurdes et/ou les plus iniques jamais inventés par les pouvoirs publics. Les exemples ne manquent pas en Belgique, championne du monde de la pression fiscale. Rappelez-vous par exemple la fameuse « cotisation spéciale sur les commissions secrètes » de 309%. Les taxes les plus inventives se retrouvent en général au niveau local. En effet, les législations fiscales de la plupart des pays développés fonctionnent selon le principe « non bis in idem », bien que la portée réelle de ce dernier soit souvent exagérée. Les pouvoirs locaux n’ont donc que les « miettes fiscales » des niveaux supérieurs, et ne peuvent donc taxer que ce qui ne l’a pas encore été.



Du passé faisons table rase


Mon premier mouvement fut de me rappeler des taxes communales et provinciales de la Belgique de mon enfance, plus précisément de la Province de Brabant Flamand. Certaines sont en effet restées gravées dans ma mémoire car elles touchaient directement mon quotidien de petit garçon : les provinces, par exemple, imposaient l’immatriculation annuelle des vélos, y compris des vélos d’enfants, moyennant paiement d’une redevance. À la même époque, les propriétaires de chiens devaient s’acquitter d’une taxe et étaient obligés d’accrocher une médaille, preuve du paiement de ladite taxe, au collier de leur compagnon à pattes. Lors de mes recherches, cependant, je suis tombé un peu par hasard sur la liste des taxes communales actuellement en vigueur dans la Ville de Bruxelles (qui, pour rappel est une des 19 « communes » ou municipalités bruxelloises). Inutile donc de fouiller le passé : le présent, même d’une seule municipalité, s’avère suffisamment édifiant.


Taxes à gogo


Première constatation : les idées n’ont pas manqué aux édiles bruxellois. Il existe, en effet, à Bruxelles pas moins de 44 taxes communales différentes ! Elles frappent tous les domaines de la vie des particuliers comme des entreprises, et les poursuivent jusque dans la tombe, voire même deux fois sur le chemin de celle-ci puisqu’il existe deux taxes distinctes sur les transports mortuaires (ici et ). Relevons quelques exemples parmi les plus iniques :


·         la taxe sur les immeubles laissés à l’abandon ou négligés ou inoccupés ou inachevés. L’idée, bien entendu, est prétendument louable : il s’agit officiellement de lutter contre les chancres urbains. Une lecture attentive du règlement communal révèle cependant que la définition des termes « inoccupé » et « négligé » laisse place à un arbitraire peu réjouissant ;

·         la taxe sur les surfaces de bureau : votre entreprise occupe un bureau de 100m2, ça fera 745 euros par an, mon bon monsieur. Auxquels s’ajouteront, soit dit en passant, la taxe régionale sur les entreprises (environ 200 euros) ainsi que la cotisation de sécurité sociale des entreprises (environ 400 euros). Le simple fait d’avoir créé une entreprise vous impose donc de payer plus de 100 euros par mois à divers niveaux de pouvoir

·         la taxe sur les emplacements de parcage : pour punir les entreprises qui auraient le culot de proposer des places de parking à leur personnel ou, pire encore,  à leurs clients ;

·         la taxe sur les agences bancaires et les distributeurs de billets : tu veux du cash, citoyen ? Sache que ta banque sera imposée pour avoir l’outrecuidance de mettre à disposition des lieux où tu pourras récupérer une partie de l’argent que tu lui as confié ;

·         La taxe sur la délivrance de documents administratifs : parce qu’un monopole, ça s’exploite. Même une simple demande de renseignements en matière urbanistique se monnaie !

·         La taxe sur les « parties de danse habituelles » : vous exploitez une discothèque ou un salon de danse ? Ce sera 0,40€ par entrée dans la salle.


La Ville de Bruxelles, proxénète à ses heures


Jusqu’ici, nous étions simplement dans l’inique. À présent, faisons un tour dans les parties les plus scandaleuses du règlement communal. Sachez en effet que le sexe, dès qu’il est illégitime ou tarifé, sera lui aussi l’objet des attentions communales. Ainsi, les salons de strip-tease sont lourdement imposés : 5.000 euros par an pour chaque « cabine », qu’elle serve à regarder une strip-teaseuse ou un film pornographique.


Si pour vous, les strip-teaseuses sont moins attirantes qu’un petit 5 à 7 à l’insu de votre légitime, vous passerez également à la caisse. La commune prélève en effet une taxe spéciale (2 500 euros par an et par chambre) sur les « maisons de rendez-vous ».  Le charmant nom dont les édiles ont baptisé les hôtels de passe, me direz-vous ? Pas seulement ! En effet, la définition donnée par le règlement est explicite : « tout immeuble qui abrite un ou plusieurs locaux (chambre, appartement, salon ou autres pièces) qui, moyennant paiement ou non, est mis à disposition en vue de la rencontre intime entre personnes, sans intention d’y passer la nuit ». En clair, si vous sollicitez les services d’une prostituée et que celle-ci vous reçoit chez elle ou dans une maison close, cela donnera lieu à la perception d’une taxe.


Et là, il y a réellement de quoi s’indigner…. Mieux, il y a de quoi poursuivre les édiles en justice. L’alinéa 1, paragraphe 4 de l’article 380 du Code Pénal belge stipule en effet que « Sera puni d’un emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende de cinq cents francs à vingt-cinq mille francs (…) quiconque aura, de quelque manière que ce soit, exploité la débauche ou la prostitution d’autrui. » Lever une taxe sur les locaux où s’exerce la prostitution, n’est-ce pas justement l’exploiter ? Evidemment, difficile pour les tenanciers de tels lieux de protester, puisqu’ils peuvent être poursuivis en vertu du même article. Ils préfèrent donc se taire que protester. Les plus persifleurs ne manqueront sans doute pas de relever un parallèle entre ce genre de taxe et les célèbres « taxes de protection » prélevées dans certains pays méridionaux par des associations peu recommandables.


 

 

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Frédéric Wauters est journaliste économique indépendant et professeur de sciences commerciales et de communication à la Haute Ecole Galilée à Bruxelles. Entrepreneur (www.ex-abrupto.be), il est également essayiste et vient de publier, avec son confrère Ludovic Delory, d'un ouvrage intitulé "Retraites Plombées: comment l'Etat vole votre avenir" (plus de détails sur www.retraites-plombees.be).
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Pas mal. Il serait plus intéressant de trouver le détail des dépenses correspondant à ces perceptions. Quelque soit le mode de perception et aussi peu moral soit-il, c'est dans ses utilisations que le jugement doit se porter. Par exemple si la taxe ad hoc sert à vos édiles pour la location à leur profit de chambres en vue de rencontres intimes !
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