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Il est vrai que je ne vais plus très souvent au
cinéma, tout simplement parce que celui qui se trouve être le
plus proche de chez moi – et qui appartient à une
société du nom de Regal qui
gère l’endroit comme s’il s’agissait d’un
entrepôt libre-service – ressemble à une décharge
aux sièges éventrés et aux employés boutonneux
qui oublient d’éteindre la lumière quand le film
commence. Mais le weekend dernier, la météo était
particulièrement misérable et puisque cette saison est celle
des Oscars, je me suis décidé à traîner ma
carcasse pour aller voir Django Unchained et Zero Dark Thirty, dans cet
ordre.
Il y a quelques années de cela, j’admirais Tarantino pour Pulp Fiction,
ses tons rococo et son utilisation de bandes dessinées.
L’incroyable quantité de scènes gores m’a
laissé bouche bée, mais je me suis laissé charmer par
l’audace – notamment lorsque Quentin lui-même joue le
rôle d’un personnage et répète aux deux tueurs
à gage qui se baladent avec un cadavre qu’il ‘n’y a
pas écrit décharge à nègre crevé’
– qui n’a sans aucun doute été ajoutée au
dialogue que pour caresser les esprits les plus moralisateurs dans le sens
contraire du poil.
Django
Unchained est très
différent : peut-être est-il le plus incohérent des
films à jamais avoir été produits. Mais dans un sens, il
représente avec excellence la culture dont il s’inspire. Pour
ceux qui ne le sauraient pas, ce film raconte l’histoire d’un esclave
du nom de Django (‘le D est silencieux’, comme le précise
Jamie Foxx) qui s’échappe d’une
caravane d’esclaves grâce à un chasseur de prime Allemand
du nom de Schultz qui se fait passer pour un dentiste itinérant.
Ensemble, ils s’en prennent aux blancs qui participent au commerce des
esclaves pour 1) toucher des primes, 2) sauver la femme captive de Django, Broomhilda, et 3) le plaisir du sang et de la vengeance.
Si vous prévoyez d’aller voir le film, ce que
vous remarquerez tout de suite est que le producteur n’a aucune notion
de l’histoire et de la géographie des Etats-Unis. A un moment
vous êtes au milieu du désert de Sonoa,
et l’instant d’après, vous vous retrouvez dans les
Rocheuses du Montana. Il est clair que Tarantino
prend un malin plaisir à créer des mondes inspirés de
pastiches de l’histoire cinématographique. Ses idées ne
sont tirées que de films et de succès du petit écran,
pas du monde réel. Pour ce qui concerne son dernier film, Tarantino tire son inspiration de films plus anciens dont
les producteurs ne connaissaient rien de la vie du milieu du XIXe
siècle. Mais la différence, c’est que ces producteurs de
vieux films avaient peut-être vraiment l’intention de
représenter les Etats-Unis de cette époque. Tarantino
se complait quant à lui dans l’idée d’être on
ne peut plus à côté de la plaque. Les détails ne
comptent pas, tant que la fantaisie conquiert la partie du cerveau qui
n’est pas capable d’analyse critique.
Ce que je trouve le plus intéressant est que
l’univers imaginaire de Tarantino
reflète parfaitement ce qu’il se passe aujourd’hui dans notre
nation, particulièrement pour ce qui touche l’inanité
autoréférentielle de notre culture et l’absence totale
d’authenticité de notre société. Ce qui me
dérange, c’est que Tarantino semble
avoir utilisé ce film pour jeter de l’huile sur le feu de la guerre
entre les races, un peu comme un incendiaire qui jouerait avec des allumettes
et de l’essence dans une maison abandonnée. La nuit
dernière, Tarantino remportait le Golden
Globe pour le meilleur scénario de film.
Zero Dark Thirty raconte quant à lui l’histoire
d’une branche de la CIA basée au Pakistan et ses efforts
laborieux à traquer Oussama Ben Laden, responsable des attaques du 11
septembre 2001 aux Etats-Unis et d’autres abominations du même
genre. Il relate notamment les prouesses d’une femme tout au long de
cette étrange guerre qu’est celle contre le terrorisme, qui a
étudié des enregistrements téléphoniques dix
années durant avant de localiser le messager qui a conduit les agents
de la CIA jusqu’à la cachette d’Oussama Ben Laden à
Abottabad, et où les Navy
Seals l’ont finalement envoyé vers la
reconnaissance éternelle et une multitude de jeunes filles pures.
Le film, produit par Kathryn Bigalow,
rapporte l'histoire très propre d’une vérité bien
plus sanglante de notre Histoire. La controverse autour de ce film concerne
notamment les longues scènes ‘d’interrogations’
imposées par les agents Américains aux captifs Djihadistes dans
des endroits plutôt sombres. Selon certains, le film manquerait
grandement de position morale au regard de ces brutales activités.
Qu’est-ce qui est vrai et qu’est-ce qui ne l’est pas ?
Le film dit simplement que les choses se sont passées ainsi. Certains
politiciens s’en sont plaints. Une chose est claire, ce film vous
laissera avec un arrière-goût désagréable de
l’époque dans laquelle nous vivons. J’ai
particulièrement admiré – et c’est la
première fois qu’un film me donne ce sentiment –
l’absence de néo-triomphalisme généralement représenté
par l’utilisation exagérée d’ordinateurs.
Le contraste entre ces deux films est
particulièrement frappant : Tarantino
le populiste dévoile une Amérique loin de toute
réalité, qu’elle soit culturelle, historique ou
émotionnelle ; et Bigalow
l’assidue présente avec sérieux ce dont sont capables des
adultes emportés dans un monde qui terrifie tout autant qu’il
déçoit. Kathryn Bigalow, elle,
n’a pas remporté de prix.
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