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Un
rapport publié le 19 janvier par Oxfam alerte sur une « explosions des
inégalités [qui] entrave la lutte contre la pauvreté dans le monde ». L'ONG
est bien plus alarmiste que les travaux des organisations des Nations-Unies
avec lesquelles elle partage une mission de lutte contre la faim. Oxfam
insiste dans son rapport titré « Insatiable richesse »
sur l'augmentation des disparités, en se basant sur des données issues de
travaux du Crédit Suisse et du journal Forbes. L'ONG en appelle à un
sommet mondial sur la fiscalité visant entre autres à taxer davantage le
capital.
Le constat est
a priori implacable. Les riches seraient de plus en plus riches et les
écarts de richesse ne cesseraient d'augmenter. L'ONG s'appuie sur des
extraits du classement annuel du magazine Forbes montrant que le
patrimoine des 80 personnes les plus riches a augmenté de 10% par an depuis
2010. Selon elle, la part du patrimoine mondial détenu par les 1% les plus
riches ne va pas cesser de croître pour dépasser les 54% en 2020. Dans le
même temps, les pauvres seraient de plus en plus pauvres. D'où la proposition
d’Oxfam de lutter encore plus contre les inégalités, avec un arsenal de
propositions destinées aux dirigeants politiques.
L'analyse des
chiffres utilisés révèle cependant un biais partisan. Oxfam propose de
déduire la tendance des 6 prochaines années à partir de ce qui s'est passé
entre 2010-2014, ce qui est surprenant. Toutes les statistiques sont en effet
disponibles sur des périodes bien plus longues. Si l'on compare le patrimoine
des 80 personnes les plus riches selon Forbes entre 2008 et 2014, on
trouve une augmentation de leur richesse nominale de 4% par an, un taux sans
rapport avec les 10% constatés sur la période 2010-2014 retenue par Oxfam. Il
faut dire que l’ONG occulte les années de baisse des valorisations liées à la
crise de 2007-2008 et s’est focalisée sur la seule période de reprise. Cela
conduit à regarder le patrimoine des riches quand il augmente, tout en
passant sous silence les périodes de régression, ce qui renforce l'impression
de hausse des inégalités. On doit aussi émettre des réserves sur
l'utilisation des données du Crédit Suisse. Si au lieu de regarder
exclusivement les 4 dernières années, on s'appuie sur l'intégralité des
données publiées par la banque helvétique depuis 2000, on constate que les
inégalités n'augmentent pas. Les 1% les plus riches détenaient 48,2% de la
richesse mondiale en 2014 contre 48,7% en 2010. Les inégalités ont légèrement
baissé durant les 14 dernières années, là où Oxfam prédit qu'elles vont
croître de 10 points en 10 ans.
Sur le fond,
prévoir la hausse des inégalités à l'horizon 2020 reste un exercice
difficile, mais il est certain que les projections d'Oxfam ne sont pas à
prendre pour argent comptant. Et au delà de leur caractère alarmiste,
elles ne nous aident pas à comprendre ce qui se passe en masquant une
tendance très encourageante – le recul de la faim dans le monde – et ses
raisons.
La dernière
étude conjointe des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO),
du Programme alimentaire mondial (PAM) et du Fonds international de développement agricole
(FIDA) montre que l’insécurité alimentaire régresse. Sur la période
2012-2014, 805 millions de personnes ont souffert chaque année de faim
chronique, soit 125 millions de moins qu'entre 2000-2002. La part des
personnes sous alimentées est passée de 14,9% à 11,3% de la population mondiale.
Il reste bien sûr d'énormes foyers de pauvreté. C’est notamment le cas en
Inde, en Chine, au Pakistan et en Ethiopie, 4 pays qui représentent plus de
la moitié des personnes souffrant de sous-alimentation dans le monde. Mais
les données globales montrent une nette amélioration que les agences de l'ONU
expliquent notamment par les progrès économiques.
Ajoutons que
le lien entre réduction des inégalités et réduction de la pauvreté est loin
d'être établi. Il est même possible que la réduction de la pauvreté, fixée
par la Banque
mondiale à 1,25 dollar
américain par jour, ou de la malnutrition [s'accompagne
d'une hausse des inégalités. En Afrique, en Inde ou en Chine, on constate que
la baisse de la proportion de personnes sous alimentées coïncide avec une
augmentation des inégalités. La situation est particulièrement emblématique
en Chine où le nombre de malnutris a baissé de 40% depuis le début 2000
tandis que les inégalités doublaient. Le 1% des chinois les plus riches
possède désormais 37% de la richesse, contre 19% en 2000 selon le Crédit
Suisse. Vu des pays où l'on continue à mourir de faim, la priorité est
radicalement différente d'Oxfam. L'enjeu est de permettre aux économies de se
développer pour réduire l'extrême pauvreté, quitte à ce que cela génère des
inégalités entre ceux qui restent pauvres et ceux qui s'en sortent. Ces pays
misent sur le développement économique, bien plus que sur des aides. Sur le
long terme, ils font le choix gagnant : le développement est le meilleur
remède contre la pauvreté.
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