Article initialement paru le 17.06.2012
Allez, on remet ça ! On va voter un bon coup et hop, le sort de la France va changer du tout au tout ! Youpi ! Ou presque.
Il y a 5 ans, j’écrivais un petit billet sur, justement, l’impact de ces élections et faisait quelques remarques tant sur la représentativité des élus que sur leur renouvellement. Si la version 2017 introduit sans aucun doute une bonne dose de renouvellement et de changement dans la répartition des partis, la représentativité des groupes reste toujours discutable…
Ce soir, le suspens insoutenable d’une campagne haletante s’achèvera et nous saurons, nous, pauvres citoyens ballotés d’une crise à l’autre, à quels saints et hommes providentiels nous vouer enfin. Mais avant de nous réjouir d’un résultat qu’on sait déjà bouleversant, je voudrais profiter des quelques heures qui nous séparent de ce moment d’extase pour quelques remarques décousues au sujet du scrutin…
Comme vous le savez, il s’agit d’un scrutin majoritaire à deux tours. Les règles, qu’on croit simples, se résument à ceci : un paquet de polichinelles candidats colorés se présente devant les électeurs hagards. Sortant à peine de leur torpeur, ils vont voter un premier dimanche pour désigner qui, dans ces clowns bariolés prétendants à la législature aura plus de 12,5% des suffrages. Ceux qui, grâce au jury populaire, au joker 50/50 et aux appels téléphoniques à des proches, dépassent ce score reviennent en seconde semaine. Les autres sont éliminés.
Bien sûr, si aucun bouffon candidat ne parvient à embobiner convaincre 12,5% de gogos d’électeurs, on prendra les deux premiers par nombre des suffrages exprimés. À contrario, il suffit que l’un d’eux décroche plus de 50% pour être élu dès le premier tour. La deuxième semaine, les électeurs remettent ça. Celui des candidats qui chope le plus de bulletin décroche la timbale et peut aller réclamer son kit-député au bureau de l’Assemblée.
Tout ceci est bel et bien bon, mais comme on peut le constater, ce mécanisme a l’énorme avantage et inconvénient de permettre l’émergence de gros partis bien joufflus et bien monolithiques en éliminant les petits candidats : en effet, il faut, pour le candidat moyen, rassembler d’abord suffisamment pour atteindre le second tour, puis rassembler encore un peu plus au-delà de ses électeurs traditionnels pour espérer l’emporter au second tour. Cela favorise indubitablement les politiciens les plus habiles dans le consensus, traduit mécaniquement par compromis, voire compromission ou mollesse qui ratisse large.
Ce mécanisme est un avantage indéniable pour un régime politique qui ne fonctionne qu’avec une majorité claire au parlement, mais c’est un inconvénient certain pour la vie démocratique et l’émergence d’idées alternatives. De même, la prime aux vieux briscards de la politique est évidente, et le renouvellement des générations est particulièrement lent (plus que celui de la société).
On en arrive à un bipartisme qui ne veut pas dire son nom, avec en plus une calcification des parlementaires et des idées qu’ils véhiculent (il n’est qu’à voir le décalage entre la société française et sa représentation, ainsi que la maîtrise des sujets un peu technologiques de nos politiciens moyens pour comprendre qu’ils ont plusieurs trains et générations de retard).
Ce décalage est d’autant plus gênant que la France aurait actuellement besoin d’un peu de renouvellement tant sur le plan des idées que sur celui des croûtons hommes qui les portent. La démocratie, pour autant qu’on puisse croire en elle, mérite au final mieux que la parodie approximative qu’on observe actuellement : depuis la première assemblée nationale, il y a deux cent ans, jusqu’à celle qui nous occupe maintenant, le peuple n’a jamais été représenté par autre chose que sa classe la plus favorisée, la plus éduquée, et la plus à l’abri des vicissitudes du monde qui l’entoure…
Cependant, d’autres types d’élections sont possibles, nos voix valent plus que leurs profits, no pasaran et tout ça !
Par exemple, on peut facilement parler du mode d’élection proportionnel, déjà un peu connu en France, ou du scrutin majoritaire uninominal à un seul tour. Ces deux modes de scrutins sont intéressants parce qu’ils donneraient, appliqués aux élections actuelles, une assemblée un peu différente de celle qu’on va connaître.
Pour l’uninominal majoritaire, dans lequel est élu celui qui a le plus de voix dans la circonscription, on aurait ainsi, en utilisant les chiffres fournis par le Ministère de l’Intérieur pour le premier tour, une répartition des forces en présence comme suit :
Ceci, très concrètement, se traduirait par l’Assemblée Nationale suivante :
Notez ici que j’ai regroupé dans un même ensemble les différentes colorations du socialisme officiel de gauche et j’ai procédé pareillement pour le corporatisme social de droite; le bloc rose et le bloc bleu sont donc des conglomérats comprenant le PS et ses affidés d’un côté, et l’UMP et ses suiveurs de l’autre. En pratique, la représentation nationale ne serait pas fondamentalement bouleversée, mais les partis politiques seraient moins monolithiques.
Ce mode de scrutin, actuellement utilisé en Grande-Bretagne, permet à la fois d’obtenir une majorité assez claire (elle est ici absolue pour tous les socialistes assumés), et de représenter un peu plus fidèlement les différents partis en présence. On notera l’évaporation du Modem, et en compensation, l’écologie en bonne place avec 9 sièges.
Évidemment, si l’on n’aime pas trop l’aspect expéditif de ce scrutin et si l’on veut encore plus de représentativité du peuple, on choisira le scrutin proportionnel, qui, en un tour, donnerait ces chiffres :
Et là, cela devient vraiment rigolo démocratiquement parlant puisque l’Assemblée devient un patchwork d’écologistes, de centristes, et de gros partis traditionnels qui n’ont pas la majorité et qui doivent impérativement composer pour obtenir un consensus :
Au final, ce même consensus qui, actuellement, pousse les barons du PS ou de l’UMP à ratisser plus large, serait éliminé au moment du vote citoyen, pour être réintroduit à l’Assemblée, pour assurer la formation d’un gouvernement à peu près stable.
Très concrètement, le citoyen se retrouve donc à devoir choisir entre l’entourloupe vague et le consensus mou au second tour des législatives, ou pouvoir choisir un candidat pour ses vraies convictions, qui seront proprement étouffées ensuite pour assurer au pays une certaine « gouvernabilité »… Oui, pas de doute, le processus démocratique est, par nature, un enfumage de moutontribuable.
J’introduirais cependant un bémol : là où le scrutin actuel oblige l’individu politicien au compromis de ses propres idées, lui impose en quelque sorte de taire ses propres opinions pour décrocher l’élection, le scrutin proportionnel, s’il rend le pays plus difficile à gouverner, épargne aux politiciens le besoin de taire leurs dissensions avec un programme politique par trop éloigné du leur. Autrement dit, en offrant aux politiciens une vraie opportunité de voter pour des causes qu’ils défendent, ou de s’opposer vraiment lorsque les propositions ne leur plaisent pas, la proportionnelle autorise des positions bien plus tranchées que le galimatias qu’on nous sert actuellement.
En outre, un pays peu ou pas gouverné parce que les partis n’arrivent pas à s’entendre est un pays dont l’assemblée ne vote pas de nouvelles lois. Or, pratiquement, ce dont la France souffre actuellement au niveau législatif, c’est d’un trop-plein de lois et certainement pas d’un manque.
Très concrètement, la proportionnelle rendrait vraisemblablement la Vème République instable, mais ramènerait les prétentions législogènes des politiciens à leur portion congrue. Or ça, ce serait déjà un énorme progrès !
(Note : les chiffres bruts des élections sont disponibles ici, si vous désirez faire vos calculs vous-même)
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