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Published : November 06th, 2012
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Category : Editorials

 

 

 

 

Dans le cadre de notre série « Figures parisienne de l’immigration », nous vous présentons le témoignage de Soraya. D’origine libanaise, Soraya est arrivée en France il y a 15 ans. Véritable modèle d’intégration, elle est actuellement en 9ème année de doctorat de philosophie. Elle prépare une thèse intitulée: «La fin d’un mythe : La raison phallocratique à l’épreuve de l’herméneutique poststructuraliste.». Membre actif du mouvement antispéciste, elle s’intéresse aussi à l’économie et milite pour l’interdiction des licenciements et des délocalisations. Pour ce témoignage, elle a choisi de nous raconter comment elle a franchi un obstacle majeur sur le chemin de son intégration.



            Cela fait 10 ans que je suis Française. Après ma naturalisation, j'ai voulu faire de mon mieux pour m'intégrer. J’ai un peu honte de l’avouer, mais j’avais vécu jusqu’alors dans mon coin, sans m’intéresser à ce qui se passait autour de moi. J’ai donc commencé à regarder le JT de 20h, et à prendre mes vacances au même moment que tous les Français. Mais il me manquait toujours un petit quelque chose pour être complètement intégrée, quelque chose que je n'avais  jamais réussi à faire: participer au sport national des Français, c'est-à-dire la râlerie. Cela peut sembler incroyable, mais la râlerie est un art complet dont la maîtrise nécessite des années de travail acharné. Les Français le pratiquent  avec tellement d'aisance et de naturel qu’on peut avoir l’impression que c’est une capacité innée, mais c’est en réalité tout un savoir-faire ancestral, un chef-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l'humanité. Les Anglais ont le cricket, les Libanais, la frime, et les Français, la râlerie. Mon incapacité à râler me posait un vrai problème. Personne ne me prenait au sérieux. Je passais au mieux pour une bonne poire, le plus souvent pour un pigeon ou une paumée. Et mon problème était même plus profond. J’ai un peu honte de l’avouer, mais à l’époque j’étais jeune et insouciante, je n’étais pas au courant de toutes les raisons de s’indigner. Les scandales de l’exploitation animale et du réchauffement climatique ne me touchaient pas. La vie me paraissait belle et j’étais très heureuse de vivre en France.


Comme ma bonne humeur était un frein à mon intégration et que je ne voulais surtout pas me démarquer de mes nouveaux compatriotes, j’ai décidé de consulter. Un camarade dépressif de longue date m'a donné les coordonnées de son psychiatre, et je suis allée le voir. Le docteur m’a demandé ce que je faisais dans la vie. Je lui ai dit que j’étudiais les sciences humaines et que je me destinais à la recherche et à l’enseignement. Il m’a regardé d’un air sombre :


-  Mademoiselle, je ne veux pas vous inquiéter mais votre état est grave. 


- Ah bon docteur ? 


- Ecoutez, les difficultés que vous avez ne sont que le symptôme d'un mal beaucoup plus profond. Votre problème voyez-vous, c'est que vous n'êtes pas assez déprimée. Vous souffrez de ce qu'on appelle en langage médical, une « carence dépressionelle ».  C'est une maladie grave qui risque de vous handicaper, voire même de compromettre votre carrière universitaire.

- Compromettre ma carrière ?  Mais pourquoi ? 


-   Ce n'est pas de votre faute… mais voyez-vous,  il  y a, dans le monde universitaire français, une croyance selon laquelle, si vous êtes heureuse, ce n'est pas seulement  le signe d'une carence dépressionnelle, c'est aussi la preuve d'une faiblesse intellectuelle. Seuls les imbéciles sont heureux. Les gens intelligents eux, sont lucides, et la lucidité est comme chacun sait la blessure la plus rapprochée du soleil. Les gens intelligents souffrent et dépriment parce qu'ils osent regarder la réalité en face, ils ne se racontent pas de salades, ce sont des martyrs de la vérité. Tout au plus ont-ils le droit de ne pas se suicider tout de suite mais de le faire à crédit. Un homme heureux manque pour le moins de probité intellectuelle.  Si vous êtes heureuse, c'est louche, c'est une maladie honteuse et votre travail ne sera pas pris au sérieux. 


J’avais compris que mon état était grave, mais je voulais tenter de sauver le dernier lambeau d'espoir :


- Vous avez raison, ce que vous dites est vrai, mais je ne tiens pas spécialement à  faire une carrière universitaire…comme je ne sais rien faire de mes dix doigts, je peux être une intellectuelle, et vous savez, on peut très bien être un intellectuel en dehors de l'université. 


 - Mais justement Mademoiselle, justement !  Que fait l’intellectuel ? Tenez par exemple, en France, quel est le premier intellectuel ?


Je me suis alors rappelée de mes cours d’histoire :


- « En France, la figure de l'intellectuel moderne est née avec Emile Zola et son fameux article « J’accuse » »…


Le médecin m’a coupé la parole :


- Mais justement Mademoiselle, justement ! Un intellectuel que fait-il ? Il s’indigne, il s’écrie, il accuse !  Le métier de l'intellectuel. c'est d'accuser, de dénoncer. Et comme vous avez certainement fait du grec ancien, vous savez que le mot grec pour désigner l’accusateur ou le calomniateur est « diabolos » , ce qui en français nous a donné « diable » ! Un intellectuel, ça passe son temps à accuser !  Et vous n’avez pas du tout le profil requis. Voyez-vous : pour travailler dans ce domaine, la première condition  est d'avoir un excès depressionnel. Je ne veux pas vous inquiéter ma chère demoiselle, mais vous n'y êtes pas du tout. Vous n’accusez personne. Je n'ai jamais eu une patiente aussi docile que vous. Cela fait une demi-heure qu'on discute, et vous ne m'avez pas encore parlé d'antipsychiatrie... 

 Je commençais à paniquer, je ne savais plus quoi faire, mais le médecin m'a vite rassurée:


 - Ne vous en faites pas, votre état est grave mais pas désespéré, il y a quand un même de l’espoir, et je suis là pour vous aider. Pour commencer, je vais vous prescrire des antidépresseurs. 


Sur le coup j’étais très étonnée et ne comprenais pas : pourquoi des antidépresseurs pour traiter une carence dépressionnelle ?


- Rassurez-vous Mademoiselle, je vais vous expliquer. Le médicament que je vous prescris à un effet primaire antidépresseur. Mais il a aussi un effet secondaire dépresseur. Or, il se trouve que cet effet secondaire est plus fréquent que l'effet primaire. Faites-moi confiance, cela fait près de 30 ans que je suis dans le métier, je sais de quoi je parle. Votre ami, qui vous a donné mes coordonnées, est mon patient depuis 7 ans, et il n'a jamais eu à se plaindre de mes services. Alors faites moi confiance, prenez ce médicament. Je vais aussi vous donner les coordonnées de mon confrère psychanalyste qui va compléter les antidépresseurs, et ensemble nous allons commencer à préparer votre première hospitalisation en service psychiatrique... parce que quand même, arriver à votre âge sans jamais avoir été en hôpital psychiatrique, c'est un peu gênant pour une intellectuelle comme vous.

J'ai remercié le médecin, je suis rentrée chez moi et j’ai commencé le traitement... et vive la France !


 Mais comme le traitement a bien fonctionné, maintenant je dis :


- Quel pays de m… ! Non mais quel pays de c… C’est scan-da-leux ce qui se passe ! Scan-da-leux ! On traque la fraude sociale, les petits grappilleurs poussés par la faim, et on laisse passer les gros poissons de la fraude fiscale ! In-ad-mis-sible ! C’est vraiment in- ad-mis-sible !  Vous vous rendez compte, on est au 21ème siècle et les travailleurs continuent à se faire exploiter par le grand patronat ! C’est cho-quant ! Cho-quant !  !  Il  y a la France qui travaille, qui se lève tôt et qui cotise, et la France des assistés qui vivent sur leurs dos et qui creusent le trou de la sécu!... quoi je me contredis ? Je fais des efforts pour m’intégrer moi ! Sale raciste va !... de toute manière ‘chuis vraiment nulle, j’arriverai jamais à rien... quel article de m... non mais quel journaliste de m… les gens comme vous, ça devrait être interdit… vous trouvez ça nor-mal, vous ? Vous trouvez ça nor-mal !? 



(Note de l’auteur : dans ce témoignage, Soraya semble prendre la partie pour le tout et confondre « Français » et  « Parisiens », confusion symptomatique du parisianocentrisme partagé par le journaliste qui recueille son propos, mais dont nous nous désolidarisons totalement.)



 

 



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Cet article semble bien plus grave et profond que son coté anecdotique, mis en avant, davantage sous l'aspect humoristique, qui reste toutefois incontournable.
Soraya est indéniablement en souffrance. A cet égard, cala apporte un véritable frein à la franche rigolade, auquel les mots et situations relatés nous invitent spontanément, à dessein... soit!
Mais, s'il s'agit de compatir et d'y ajouter quelque peu de réflexion "productive" c'est encore mieux. Personnellement, je ressent immédiatement après l'humour, une certaine tristesse. Soraya essaie visiblement de s'en sortir dans la vie, comme tant d'autres, et ce n'est pas à son déshonneur, par le truchement d'une méthode consistant à faire des études à rallonge. Qui ne connaît pas autour de soi l'une de ces personnes archi-diplômée et se retrouvant au chômage ? Elles sont légions. Doit-on leur jeter la pierre ? Certainement pas, car serait stupide. Ce qui est en cause c'est le système de l'Etat-Providence dans lequel nous baignons. C'est lui qui induit ce type de situation et ce de façon irresponsable. Trop d'étudiants ont fait de leur statut un "mode de vie" qui les poussent à courir après du vent. Qu'est-ce que cela vaut lorsqu'il s'agit d'affronter la dure réalité du marché du travail ? Les entreprises qui représentent les forces vives du pays, ont-elles besoin de cette horde d'intellectuels égarés, courants après d'innombrables et vaines chimères, que nos sociétés opulentes ont le secret de fabrique... grâce aux politiques dispendieuses, dilatoires, gaspillantes et pourries de notre Etat-Providence ? Il faudrait vite en revenir à la raison.. celle de l'économie réelle, où le dirigisme et l'interventionnisme aveugles cesseraient, pour ne plus laisser place qu'à du concret, à des choses plus justes et plus équilibrées. Malheureusement, ce n'est pas en continuant à perfuser un système économique et financier moribond tel que nous le connaissons, avec des masses de fausses monnaies dévaluées et produites à partie de rien, la profusion et l'abus d'utilisation de crédits, des actifs qui n'en sont pas, une économie virtuelle totalement déconnectée de la réalité, que Soraya va s'en sortir, et nous avec. Car c'est ça principalement le coeur du problème ( pour ne pas trop s'étendre sur d'autres considérations non moins sérieuses). Cette malheureuse a vraiment de quoi être excusée, l'énormité de la chose la dépasse et de loin !. Mais c'est aussi notre problème, et par delà, celui de la destinée de la société mondialisée, qui connaît peu ou prou les affres de ces politiques ineptes et malhonnêtes. Alors, efforçons nous de nous changer nous-même, changeons de dirigeants, retrouvons la voie de la liberté d'entreprendre, la "Liberté" tout court. Nos Etats-Providence n'en veulent pas, nous le constatons chaque jour un peu plus, notamment en constatant le chômage des jeunes et toutes sortes d'afflictions sociétales. A tel point qu'on peut affirmer que, nous citoyens, nous nous sommes laissés tondre..., nous tournons le dos de plus en plus à la Démocratie en nous faisant complice de tels systèmes, pour aller tout droit vers un asservissement misérable. Réapproprions nous l'autonomie et le gout de la Liberté, avant que ce processus mortifère ne soit irréversible. Reprenons les choses en main, notamment en rétablissant une monnaie saine et durable... avec entre autre, le retour à l'étalon-or... quelle que soit la forme adaptée actuelle à lui donner ( correction de ses lacunes car même en son temps il n'était pas "parfait"). N'oublions jamais que c'est lui qui nous a civilisé, élevé, enrichi: l'or et son alter-égo, l'argent !
Pourquoi Diable l'a t-on autant foulé-aux-pieds ? Une chose est sûre, nous sommes de plus en plus nombreux à le savoir. Il y a donc une lueur d'espoir, qui fera un jour toute la différence ! A nous de continuer inlassablement, tel Sisyphe, d'essayer de faire passer le message de vérité: l'or, et vite, sinon... cher lecteur qui m'avez suivi jusqu'ici, je vous laisse l'honneur de conclure !

NB: ah! Soraya, si seulement tu me lisais, peut-être tu comprendrais qu'à priori, ce n'est pas d'un psychiatre dont tu as besoin ...
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On en redemande :-)
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A une époque où on essaie de marier les homos, j'aimerais bien avoir un exemplaire de cette thèse "La fin d’un mythe : La raison phallocratique à l’épreuve de l’herméneutique poststructuraliste" pour parfaire mon éducation.
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Le texte est un peu amusant, mais c'est facile de taper sur ceux qui refusent d'être des imbéciles heureux. Bouh, les ringards, ouh les vilains pessimistes qui ont du mal à s'extasier en permanence alors que tout va si merveilleusement bien.

Sinon, le texte de présentation de l'auteur donne du sens à la phrase d'Audiard : "Les cons, ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît".

Que fait ce genre de personne sur un site d'économie? Être contre les licenciements... quel grand cœur! Mais quelle ignorance en économie... Quel conformisme idiot aux dogmes socialistes de la plupart des piposophes officiels dont cette personne semble faire partie de plein droit...

Sinon elle est antispéciste, c'est à dire qu'elle estime l'élevage d’animaux en vue de leur consommation illégitime... Ça pose le personne ! Mais, encore plus blanc que blanc, elle est aussi contre les délocalisations. C'est à dire qu'elle estime que certains humains n'ont pas le droit d'installer leur activité où ils le veulent. Et d'autres humains n'ont pas le droit d'améliorer leurs conditions de vie par voie de conséquence... Va comprendre... Il faut donc protéger la vie d'un mouton mais laisser les populations en voie de développement dans leur misère en privant de liberté certains humains

Bref, elle est conne et elle ose tout où est ce qu'elle est à ranger dans la catégories des escrocs socialistes ?

Les libéraux et les économistes un peu sérieux sont en général privé de s'exprimer sur les médias main stream. Pourquoi devrait on se forcer à publier ces gens qui nous haïssent viscéralement ? Ce site serait il à ce point masochiste ?
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Le texte est juste drôle. Moi il m'a fait sourire, je dois être un imb** heureux :) le jugement de valeur que vous faites est émis sur la base de l'appréciation d'un tiers (celui qui présente l'auteur), et comme on ne connait rien d'autre d'elle que cet écrit...
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Hélas.

Je crains que vous n'ayez pas saisi la subtilité de cet article et son écriture à plusieurs niveaux, et votre grossièreté n'en est que plus affligeante.

Cela dit, comme le ridicule ne tue plus, vous aurez le temps d'y méditer.

Pour le reste, je ne peux que me réjouir de voir, enfin, une femme mettre un peu de subtilité dans ce monde de brutes
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Ce texte sous des apparences moqueuses est ambigu. Quand on est philosophe -ou qu'on prétend l'être- il faut faire attention à ne pas tout mélanger. Il n'est certes pas interdit à un philosophe de polémiquer mais la hauteur de vue philosophique doit rester visible. Ici elle ne l'est pas.
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J'ai vu "humouriste" dans la bio, pas philosophe. Comme le texte a fait rire, je pense que le contrat est rempli, non ?

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A lire pour commencer la journée avec les sourire
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debudelafin - 1/7/2013 at 5:57 PM GMT
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