Les
faiseurs de règlementation sont un peu comme les
généraux à la retraite : ils rejouent sans cesse la
guerre d’hier. Il faudra encore une catastrophe économique avant
de savoir avec certitude si les nouveaux accords de Bâle, signés
le 6 janvier 2013, répondent vraiment à leur objectif.
Je
ne suis pas optimiste. Aucune tentative planifiée et grossière
de rendre plus sûr un système complexe ne peut fonctionner. Mais
il est possible que beaucoup de ces nouvelles règles seront
bénéfiques et la décision des règlementateurs de
ne pas tarir arbitrairement la disponibilité du crédit est la bienvenue.
Avant
la crise, les banques n'avaient pas les fonds propres suffisants pour se
protéger contre leurs pertes. La plupart des actifs qu'elles détenaient
étaient de mauvaise qualité. Les banques ne faisaient que
suivre des règles générales, telles qu'elles sont
codifiées dans les précédents accords de Bâle,
mais celles-ci étaient lacunaires et récompensaient les mauvais
comportements.
Le désordre,
fruit de la réglementation
À
chaque fois que le réglementateur intervient, les normes minimales légales
deviennent des normes maximales en pratique. Si vous devez détenir un
certain niveau de capital, à grand frais et que ce niveau est
officiellement considéré comme sûr, alors pourquoi détenir
encore plus de capital ? Le résultat est inévitablement un
nivellement par le bas.
Pire.
Les accords de Bâle ont encouragé les banques à
s'approvisionner en titres hypothécaires douteux. Les incitations
perverses qui sont au cœur du système de fonds propres,
fixé par la réglementation, sont devenues l'une des causes
principales des décisions erronées qui ont été
prises.
Ajoutez
à cela l'aléa moral, résultat de la conviction que les
banquiers centraux se tenaient prêts à intervenir dès les
premiers signes de difficulté et vous obtenez un mélange
toxique où la discipline du marché (fruit des intérêts
des actionnaires, obligataires, déposants et contreparties, tous
incités à maintenir le risque sous contrôle) a
été remplacé par l'indiscipline de la
réglementation.
Bâle III, une
amélioration
Les
nouvelles règles de Bâle III sont sans doute une
amélioration. Certaines incitations perverses ont été
éradiquées.
L’une
d’elle était de forcer indirectement les banques à
détenir des obligations d’État étant donné
que seules celles-ci étaient qualifiées d’actifs liquides
et sûrs par le réglementateur. Or même la valeur des bons
du Trésor des États fluctue au gré de leurs rendements, les
États peuvent faire faillite ou faire jouer la planche à
billets pour se sortir d’une crise. Forcer les banques à ne détenir
que des obligations d'État aurait pu causer la prochaine tempête
financière.
Bâle
III infléchit le tir en permettant à certaines obligations de
sociétés privées d’être qualifiées elles-aussi
d’actifs liquides. Mais il ne corrige pas le tir car la
règlementation marque toujours dans le marbre la notion de
liquidité alors que celle-ci n’a rien de totalement objectif.
Elle dépend de la qualité des actifs en question, qu’ils
soient étatiques ou privés.
C’est
d’ailleurs pour cela qu’il est si important qu’une banque
puisse faire faillite car c’est la seule règle qui permette une
gestion saine de la liquidité au sein des banques.
La
nouvelle règle sur les avoirs minimaux d'actifs liquides sera mise en
œuvre progressivement d’ici 2019. C'est une bonne chose. Les
réformes des dernières années ont en effet été
contra-cycliques : en obligeant les banques à détenir davantage
de capital et de liquidités en pleine récession (alors
qu’elles auraient sans doute fait l’exact opposé), la
crise s’en est trouvée intensifiée.
Séparons
plutôt les banques de l’État
Prenons
du recul. En fin de compte, ce qui est réellement crucial est de
réintroduire le risque bien réel de faillite dans le
système bancaire, de faire une croix sur tout renflouement et
subvention de la part des États.
Bâle
III n’a pas cet objectif.
Cet accord ne cherche qu’à réduire la
probabilité de faillite. Nous pouvons donc dire avec certitude que les
crises financières sont loin d’être écartées
car rien n’a été fait pour lutter contre
l’aléa-moral en réintroduisant le risque de banqueroute.
Séparer
les banques de l’État apparait encore une fois comme la solution
naturelle et de long terme au problème d’une gestion saine de la
qualité et donc de la solvabilité des banques et du
système financier en général.
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