Mes chères contrariées,
mes chers contrariens,
Hier j'évoquais rapidement
l'idée absurde à mon sens mais reprise de façon assez
large depuis le début de la crise financière en 2007 :
1929 ne peut pas se reproduire !!
Telle est l'idée
véhiculée notamment par le gouverneur de la Banque centrale
américaine, la FED. Ce dernier est d'ailleurs « joliment »
surnommé « Ben l'hélicoptère ». Avant de
devenir gouverneur, notre ami Uncle Ben (celui dont les billets ne collent
jamais) avait effectué quelques menus travaux et recherches
économiques sur la grande crise de 1929. Il avait résumé
sa pensée en disant que pour lutter contre la déflation, il
était prêt à larguer autant de billets que
nécessaire par hélicoptère au-dessus des foules en délire...
Il en avait tiré quelques
conclusions qu'il s'évertue depuis à appliquer avec une
constance totale.
Les banques tu sauveras
La première idée
était que, lors de la crise de 1929, l'état américain
avait laissé s'effondrer les banques et que cela avait aggravé
de manière considérable une récession qui trouvait ses origines
fondamentales dans un surendettement massif des agents économiques et
de surcapacités de production tout aussi grandes.
Conclusion : il faut soutenir les
banques et le système financier.
Que fait la FED depuis 2007 : la FED a
donc sauvé les banques et le système financier. Elle continue
d'ailleurs à le faire, ce qui est le cas avec le QE3, qui est le tout
dernier plan d'injection de billets tout neufs de 40 milliards de dollars par
mois destiné... à racheter les actifs pourris desdites banques.
Pour quel résultat ?
Depuis le début de la crise, la
FED a injecté 26 000 milliards de dollars... pour aucune croissance.
Ha non ! me direz-vous, l'année dernière la croissance
américaine a été de 1,9 % du PIB.
Je vous passe le raisonnement –
pertinent quand même – qui consiste à dire que 2 % de
croissance d'un PIB de 15 000 milliards de dollars représente une
création de richesse d'environ 300 nouveaux milliards de dollars, par
rapport à une création monétaire de 26 000 milliards...
Dit comme ça, vous commencez à voir poindre comme un
léger problème d'ordre mathématique.
Mais passons, c'est accessoire, puisque
personne n'en parle et que la « crise est derrière nous ».
1,9 % de croissance, lorsque
l'inflation est de 3 % (en réalité elle est de plus mais ce n'est
pas grave non plus), cela veut dire que votre économie est en
réalité en récession de 1,1 %...
On ne peut donc pas dire que cette
politique soit un grand succès, eu égard aux tombereaux
monumentaux de nouveaux billets (qui ne collent jamais) imprimés par
Uncle Ben.
Des taux bas tu maintiendras
La deuxième idée
était que le krach de 1929, point de départ qu'aura retenu
l'histoire pour cette crise économique, avait été
causé – ce qui est moins connu – par plusieurs
relèvements successifs des taux d'intérêt par la Banque
centrale américaine. Tout le monde à l'époque
spéculait sur les actions (qui monteraient pour
l'éternité car cette fois-là c'était
différent), les journaux financiers recevaient des sacs entiers de
courriers de braves gens demandant comment on pouvait faire fortune
rapidement. Une gamine avait même écrit une lettre qui avait
ému l'Amérique toute entière à un canard boursier
quelconque. Du coup, des lecteurs s'étaient cotisés pour permettre
à la fillette d'acheter ses premières actions.
Il ne fallait pas être un grand
devin pour voir qu'une folie spéculative s'était emparée
des agents économiques à travers tout le pays... et
au-delà d'ailleurs.
La FED monte les taux
d'intérêt pour essayer de calmer la situation. Les appels de
marge des banques auprès de leurs clients pour que ces derniers
couvrent leurs crédits entraînent des ventes de titres à
chaque hausse des taux d'intérêt... Jusqu'au krach final et
dévastateur. A l'époque, toutes les actions sont
achetées à crédit.
Conclusion : il faut maintenir les taux
d'intérêt au plus bas pour éviter la défaillance
massive des agents économiques, ce qui entraîne une
déflation sans limites.
Que fait la FED depuis 2007 : la FED applique donc son idée de
base, maintenir les taux au plus bas. Ils sont donc maintenus entre 0 et 0,25
%. Lors de sa dernière intervention, Ben Bernanke a
précisé que se serait le cas jusqu'en 2015 au moins...
Lorsque l'on regarde les rendements des
obligations d'états des pays les moins mauvais (pardon, jugés
comme les plus solides par les investisseurs), les taux nets d'inflation sont
même devenus négatifs.
Cela signifie qu'un épargnant
avisé accepte de perdre de l'argent en prêtant son argent. Vous
prêtez 100, on vous rendra 95 en pouvoir d'achat dans 10 ans ! Fabuleux
n'est-ce pas?
Cela ne choque personne, mais
économiquement parlant c'est gravissime.
Pour quel résultat ?
Les taux ne peuvent globalement pas être
plus bas. Or, si les ménages continuent un peu à consommer, en
réalité, ils ont surtout commencé à s'adapter
à la crise. Logiquement, lorsque l'avenir devient incertain, que les
impôts augmentent, que les prix ne cessent de grimper, que vous risquez
de perdre votre emploi du jour au lendemain... Vous ne faites pas de nouveaux
crédits. Vous allez tenter de vous désendetter et
d'épargner. C'est exactement ce qu'il se passe. Les ménages se
désendettent et les taux d'épargne partout à travers la
planète reprennent le chemin de la hausse.
La politique des taux bas ne permet
donc pas d'obtenir une relance réelle de la machine économique.
L'industrie et l'emploi tu relanceras
La troisième grande idée
est que si la déflation commence, il devient impossible de la stopper
par la suite.
En 1929, l'état américain
n'a soutenu ni les banques, comme nous l'avons déjà dit, ni
l'industrie, ni l'emploi.
Résultat : dans une crise
d'endettement, la phase de désendettement, qui est l'étape
suivante logique, entraîne une baisse significative de la consommation,
puis de la production. Cela amène à des destructions d'emplois,
qui entraînent à leur tour une nouvelle baisse de la
consommation. Les prix finissent par s'effondrer, progressivement le
système économique s'arrête. C'est la déflation.
Une lente agonie douloureuse de l'économie.
Conclusion : il faut soutenir l'industrie, ne pas
laisser le chômage s'installer et tout faire pour stimuler la demande.
Que fait la FED depuis 2007 : sur cet aspect-là, il n'y a pas
que la FED qui intervienne, puisque le gouvernement fédéral US
joue également un rôle important. Néanmoins, in fine,
comme c'est la FED qui finance le déficit du Trésor
américain, on peut conclure que globalement, là aussi, l'argent
provient de la planche à billet d’Uncle Ben.
Prime à la casse pour les
véhicules, aide à l'achat, programme de prolongement des
indemnités chômage, ou encore aide au refinancement des
crédits subprime pour que Mr et Mrs Smith puissent conserver leur home
sweet home. Cela n'empêche pas l'effondrement de l'industrie
américaine sauvée des eaux par des dizaines de milliards de
dollars d'aides publiques, ni le chômage d'augmenter, ni les gens de
perdre leurs maisons.
Hélas ! cela, pour le moment, ne
rend ces mouvements que plus lents mais n'a pas inversé la situation.
Finalement, ce ne serait donc pas si
différent qu'en 1929 ?
La réponse ne peut pas
être manichéenne et vous imaginez que les choses sont complexes
et d'ailleurs pas définitivement fixées, loin de là.
Comme le disait un économiste, il est fort probable que l'on ne saura
comprendre cette crise que dans 150 ans. Je suis plus optimiste que lui et je
pense que d'ici un gros siècle, le grand mamamouchi monétaire
du futur saura nous expliquer doctement que nous étions un peu arriérés,
que nous n'avions pas les modèles économétriques
nécessaires, ou encore que, pour eux, évidemment, dans un
siècle ce sera forcément... différent.
Pour le moment, cette politique de
création monétaire a réussi globalement à nous
éviter une déflation majeure... Sans pour autant réussir
à stimuler suffisamment l'économie pour relancer une croissance
saine.
En 1929, le potentiel de croissance
était différent !!
Nous avions une population mondiale
restreinte, des ressources naturelles très abondantes, aucun
problème environnemental. Nous étions également dans le
régime monétaire de l'étalon-or, qui ne permettait pas
une politique économique d'impression de « fausse monnaie
». L'énergie n'était pas chère et pour longtemps
encore permettant des sauts qualitatifs majeurs, nous partions de rien, que
ce soit en consommation de masse ou en terme de confort.
Il ne s'agit pas de dire que c'est la
fin du progrès, bien au contraire, il faudra simplement, dans le monde
qui vient – comme l'a si bien résumé Stéphane
Hessel dans son dernier ouvrage –, « choisir entre ce qui devra
croître et ce qui devra décroître ».
La décroissance de la
consommation de masse n'empêche nullement les progrès
techniques. On peut même penser que l'imagination et la
créativité humaine seront, pour grande partie, à
l'origine des solutions pour sortir de cette crise qui, encore une fois, est
une crise de changement de modèle économique.
En 1929, ce n'était qu'une crise
économique passagère, aussi violente fut-elle. Il fallait,
à cette époque-là, purger les excès de
l'endettement. Il ne faut pas oublier le principe de la dette.
Le crédit, c'est dépenser
tout de suite l'argent que l'on gagnera pendant les x prochaines
années. C'est donc utiliser immédiatement l'ensemble de ses
futurs revenus. Lorsque de nombreux ménages le font
simultanément, cela entraîne un effet très positif sur la
croissance... à court terme. A long terme vient la phase de
remboursement.
Cette phase est relativement indolore,
lorsqu'il y a inflation, progression des salaires (via l'indexation, et/ou le
plein emploi) et que l'endettement a lieu à taux fixe. C'est la configuration
que nous avons connue pendant les Trente Glorieuses.
Depuis, la situation a
légèrement dérapée. Les salaires ne progressent
plus, puisque les salariés partout dans le monde occidental peuvent
être remplacés par un serveur Internet – regardez les
banques en ligne –, par des automates – du distributeur de
billets à la caisse automatique –, ou par quelques petits
chinois peu coûteux...
Contrairement à 1929, nous
n'avons pas vécu une crise d'endettement pour acheter des actions
à la bourse (on est très intelligents et on apprend de nos
erreurs n'est-ce pas), non cette fois, c'est ... « très
différent », puisque le monde entier s'est endetté pour
acheter sur 40 ans des clapiers sans espace dans des villes saturées
!!
Comme en 1929, il y a donc à la base
une crise d'endettement. Mais cette fois-ci, c'est encore plus grave, puisque
notre modèle de croissance basé sur la consommation de masse
n'est plus tenable.
Et quand bien même, il y aurait
de la croissance...
…Que cette dernière se
fracasserait immédiatement sur le prix des matières
premières, qui serait dès lors tirées vers le haut. Les
prix de l'énergie exprimés à travers le principal
indicateur qu'est le pétrole restent élevés alors que la
croissance mondiale et donc la consommation sont en berne. Souvenez-vous du
baril à 150 $ en 2007... à la vieille de la crise.
Si demain nous réussissions
comme par magie à faire repartir notre sacro-sainte croissance, elle
serait arrêtée net par la reprise de la flambée des
matières premières en générale et de
l'énergie en particulier.
Finalement c'est effectivement
différent !
La croissance est devenue, pour
certaines raisons évoquées ici et bien d'autres qu'il
conviendrait de détailler, IMPOSSIBLE.
Or, le postulat de nos autorités
monétaires pour combattre cette crise de type « 1929 »
repose sur l'idée essentielle que l'utilisation de la planche à
billets saura stimuler la croissance et que cette croissance permettra
d'absorber progressivement les excès de monnaie.
Or, il n'y a pas et il n'y aura pas de
croissance.
Nous allons donc nous retrouver avec un
double problème.
D'une part, une déflation qui
commence à arriver par l'Europe, puisque les États doivent
éviter la faillite et donc sont obligés au bout de 5 ans
à se résoudre à se lancer dans l'austérité
après avoir tenté vainement de « relancer »
l'économie. Mais cela concernera bientôt les États-Unis,
où il y a un débat très vif actuellement sur le fiscal
cliff (« le mur fiscal » en français) et les augmentations
inéluctables des impôts après les élections
présidentielles.
D'autre part, nous nous retrouvons avec
une masse monétaire qui a explosé et qui fait peser un risque
énorme d'inflation, voire d'hyperinflation, en cas de perte de
confiance brutale des agents économiques.
Alors effectivement, je me suis
trompé. Cette fois-ci, c'est différent. Ce n'est pas comme en
1929. En réalité, c'est beaucoup plus grave. Nous aurons la
déflation et l'inflation. Une situation économique
inédite.
Dans les pages suivantes, nous
reproduisons l'essentiel des 200 pages du dernier rapport de la Banque
Internationale des Règlements Internationaux, la BRI qui apporte un
éclairage technique et non idéologique au sujet des politiques
de création monétaires actuelles.
Extraits du rapport de la BRI
Avertissement : le travail de la BRI
reste basé sur l'hypothèse d'un retour de la croissance.
Si la production (courbe rouge) ne
s'est pas effondrée comme dans les années 30, on voit bien
qu'elle n'augmente plus en dépit d'une création
monétaire massive
Alors qu’il est largement admis
que le vigoureux assouplissement de la politique monétaire dans les
grandes économies avancées a été essentiel pour
empêcher une débâcle financière, les bienfaits
d’une détente monétaire prolongée sont davantage
controversés. Le débat porte en particulier sur ses
implications pour l’assainissement des bilans (condition
préalable à une croissance soutenue), sur les risques
d’instabilité financière et des prix au niveau
planétaire, ainsi que sur les conséquences à plus long
terme pour la crédibilité et l’autonomie
opérationnelle des banques centrales.
Assouplissement monétaire et
assainissement des bilans
À court terme, une politique
monétaire accommodante peut faciliter l’assainissement des
bilans des secteurs public et privé. En offrant aux banques et aux
pouvoirs publics davantage de temps pour remédier aux
problèmes
d’insolvabilité, elle peut éviter des opérations
de désendettement précipitées et des
défaillances. Elle peut aussi abaisser le coût du service de la
dette, soutenir les prix des actifs, et dynamiser la production et
l’emploi.
Néanmoins, durant la phase de
rétablissement après une crise financière, la politique
monétaire pourrait s’avérer moins efficace dans son
rôle de stimulation de l’économie. Les agents
économiques surendettés ne souhaitent
pas emprunter pour dépenser, et
le système financier fragilisé transmet moins bien
l’orientation de la politique monétaire au reste de
l’économie. Par conséquent, si l’on veut que la
détente monétaire exerce le même effet à
court terme sur la demande globale,
elle devra naturellement être plus marquée. Mais elle ne saurait
remplacer une action corrective directe pour maîtriser
l’endettement et rééquilibrer les bilans. Au bout du
compte, une
détente monétaire
prolongée risque même, via différents canaux, de retarder
l’assainissement des bilans et le retour à une reprise autonome.
Premièrement, des conditions
monétaires inhabituellement accommodantes sur une période
prolongée masquent des problèmes sous-jacents au niveau des
bilans et incitent moins à s’y attaquer de front.
L’assainissement et les réformes structurelles
nécessaires au rétablissement de la viabilité
budgétaire peuvent donc être différés. Comme le
montre en détail le chapitre V, les États doivent agir plus
résolument afin de retrouver leur statut d’emprunteurs sans
risque, ce qui est essentiel à la fois pour la stabilité
macroéconomique et pour la stabilité financière à
plus long terme.
De même, les achats massifs
d’actifs et les soutiens inconditionnels de liquidité peuvent
faire paraître moins nécessaire le traitement des actifs
dépréciés des banques. Ces dernières sont encore
aux prises avec les
répercussions de la crise
financière mondiale et, souvent, elles dépendent fortement des
financements apportés par les banques centrales (chapitre VI).
Et, en présence de taux
d’intérêt bas, le coût d’opportunité
associé à la détention de prêts improductifs est
réduit et les banques risquent de surestimer les capacités de
remboursement de leurs débiteurs. Tous ces facteurs pourraient
perpétuer la fragilité des bilans et induire une mauvaise
allocation du crédit. Le fait, avéré, que le
désendettement des ménages américains a
résulté d’une réduction de l’octroi de
prêts plutôt que de
passations en pertes de crédits
non viables (chapitre III) montre que ces pratiques pourraient se
développer dans le contexte actuel. En outre, on constate, d’une
part, que le ratio valeur de marché/valeur comptable des actifs des
banques est très faible (dans l’ensemble très
inférieur à 1) et, d’autre part, que les provisions pour
pertes sur prêts sont maigres alors que les conditions
macroéconomiques sont peu favorables (tableau VI.1), ce qui est peut-être
l’indice de pratiques de renouvellement systématique des
prêts improductifs.
Deuxièmement, sur la
durée, la détente monétaire peut éroder la
rentabilité des banques. Le niveau des taux à court terme et la
pente de la courbe des rendements présentent une corrélation positive
avec les revenus d’intérêts nets des banques, car ils
exercent une influence favorable, respectivement sur les marges sur
dépôts et sur les rendements de la transformation des
échéances. Il a été montré que, sur la
période 2008–2010, l’assouplissement monétaire a
amélioré la rentabilité des grandes banques
internationales en facilitant la reconstitution de leurs fonds propres
(encadré IV.A).
Les effets négatifs
associés à l’abaissement des taux directeurs ont
été plus largement compensés par l’accentuation de
la pente de la courbe des rendements. Cependant, en période
caractérisée à la fois par des taux courts bas et par
une courbe des rendements aplatie, les revenus d’intérêts
des banques finiraient par être érodés. On perçoit
d’ores et déjà les premiers signes d’une telle
évolution, puisque le dernier aplatissement en date de la courbe des
taux aux États-Unis et au Royaume-Uni s’est accompagné
d’une chute des marges nettes des banques (tableau VI.1).
La faiblesse des rendements
obligataires engendre également des difficultés pour les
entreprises d’assurance vie et les fonds de pension.
Cela avait été le cas
à la fin des années 1990 et au début des années
2000, au Japon, où elle avait en effet provoqué de graves
problèmes de marges bénéficiaires négatives, qui
ont conduit à la faillite un certain nombre d’entreprises
d’assurance vie. Aujourd’hui, entreprises d’assurance et
fonds
de pension se sont en partie mis
à l’abri, soit en couvrant leur risque de taux, soit en offrant
des produits d’assurance en unités de compte ou des
régimes à cotisations déterminées. Cependant,
bien souvent, ces mesures ne font que transférer les risques ultimes
sur les ménages et d’autres établissements financiers.
Conclusion
À l’échelle
mondiale, la politique monétaire est exceptionnellement accommodante. Les
taux directeurs sont bien inférieurs aux indicateurs de
référence traditionnels. Dans le même temps, le bilan des
banques centrales affiche une taille sans précédent et continue
d’augmenter.
Dans un environnement de croissance
atone et de chômage élevé dans de nombreuses
économies avancées, le recours à un assouplissement
monétaire soutenu va de soi. Cependant, le risque, de plus en plus
présent,
est de faire porter un fardeau excessif
à la politique monétaire.
Par elle-même, une politique
monétaire accommodante n’a pas les moyens de résoudre les
difficultés fondamentales liées à la solvabilité
ou aux problèmes structurels. Elle offre un délai
supplémentaire, mais si ce délai n’est pas mis à
profit, le retour à une reprise autonome en sera retardé
d’autant.
Les banques centrales doivent admettre
et faire reconnaître les limites de la politique monétaire, en
précisant clairement qu’elle ne saurait se substituer à
une action qui s’attaquerait aux causes de la fragilité
financière et de la faiblesse économique.
La conjonction, d’une part,
d’une croissance atone et de taux d’intérêt
exceptionnellement bas dans les grandes économies avancées et,
d’autre part, d’efforts visant à en limiter les répercussions
dans les ÉcÉm a contribué
à propager la détente monétaire
au monde entier.
Les risques d’accumulation de
déséquilibres financiers et de montée des tensions
inflationnistes qui en résultent dans les ÉcÉm
pourraient avoir des effets négatifs marqués sur l’économie
mondiale. Les banques centrales doivent donc mieux tenir compte de
l’impact mondial de leur politique monétaire si elles veulent
instaurer une stabilité durable des marchés financiers et des
prix.
Enfin, les banques centrales doivent
rester vigilantes quant aux risques à long terme pour leur crédibilité
et leur indépendance opérationnelle. Faute de bien cerner les
limites de la politique monétaire, le fossé entre ce qui
est attendu des banques centrales et ce
qu’elles peuvent effectivement accomplir pourrait se creuser. Cette
situation pourrait compliquer la sortie de la politique monétaire
accommodante et, en fin de compte, menacer la
crédibilité et
l’autonomie opérationnelle des banques centrales.
Cette préoccupation est
exacerbée par les risques de nature politico-économique
découlant de la conjonction de politiques de bilan, qui brouillent la
frontière
entre politique monétaire et
politique budgétaire, et de difficultés résultant de
situations budgétaires non tenables.
Source: 82ème rapport de la BRI
(BIS)
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