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Durer, toujours durer

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Published : June 08th, 2012
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Category : Editorials

 

 

 

 

La cause est entendue : Barack Obama et David Cameron ont demandé aux dirigeants de la zone euro une action immédiate, craignant le télescopage des crises espagnole et grecque, et Angela Merkel a répondu en annonçant qu’il ne faut pas attendre des merveilles du sommet de fin juin. Elle prétend inscrire l’évolution de l’Europe dans le cadre d’une union budgétaire et politique à long terme (d’ici 5 à 10 ans selon Mario Draghi) et freine des quatre fers devant toutes les mesures qui assoupliraient la remise en ordre préalable des finances publiques, selon le calendrier et les critères qu’elle a déjà fait adopter.


Pour l’appliquer, il lui faut de plus en plus passer par le chas d’une aiguille. La renégociation des termes du sauvetage grec est inéluctable, sauf à précipiter une sortie de l’euro avec toutes ses inconnues, comme l’est une configuration à trouver pour le plan qui attend l’Espagne. Dans les deux cas, les prétendants au pouvoir, ou le gouvernement en place, cherchent de nouveaux gisements d’économie afin de ne pas imposer des mesures d’austérité supplémentaires. À écouter Antónis Samarás, le leader grec de Nouvelle Démocratie, il faut les trouver en prenant des mesures contre la fraude fiscale et le gâchis. Chiche ! Dans les deux cas, il va falloir étaler le désendettement public afin de rendre son calendrier initial compatible avec cette nouvelle donne, sans plus de garantie de résultat. Les négociations s’annoncent tendues, favorisant par le climat qu’elles créent la contagion à d’autres pays de la crise aiguë.


Le système bancaire européen a été identifié comme étant le vecteur de celle-ci. Mais l’équipe allemande au pouvoir n’entend pas dévier de la route qu’elle a tracée sur ce sujet comme sur les autres. Pas question d’aider directement les banques, si ce n’est par l’intermédiaire des États, ce qui revient à accroitre encore la charge de la dette publique et à resserrer le nœud gordien qui unit celle-ci à la dette privée. Tout ce qui pourrait inciter les gouvernements à lever le pied du frein budgétaire est proscrit.


Quelles hypothèses les experts appelés à analyser les besoins financiers des banques espagnoles vont-il retenir ? Deux curseurs doivent être positionnés : une hypothèse de croissance (négative) et un ratio de fonds propres, qui fait à ce stade l’impasse sur leur définition précise et laisse tout ouvert. La suite est une cuisine qui consiste à analyser les actifs des banques, les distribuer suivant leurs qualités présumées, puis leur attribuer une décote, le tout sur une période de temps définie. Afin de ne pas négliger les incidences politiques de ces choix économiques, la tentation est grande de faire les calculs à l’envers et de partir du résultat final que l’on veut atteindre pour en déduire les hypothèses de départ ! Les estimations actuellement varient entre 40 et 200 milliards d’euros.


On s’oriente vers un nouveau type de sauvetage permanent et à petits pas de l’Espagne, à l’image de la stratégie générale adoptée par Angela Merkel, qu’elle a su jusqu’à aujourd’hui imposer. Durer, toujours durer…


Que peuvent bien attendre les marchés de la BCE, qui fondent tous leurs espoirs en elle ? Celle-ci maintient ses dispositifs d’assistance aux banques, mais a interrompu ses achats obligataires sur le second marché destinés à aider les États en péril. Elle se réserve seulement la possibilité d’intervenir en cas d’urgence, si la situation dérape brusquement, mais se refuse à suivre l’exemple de ses collègues américain et britannique et à endosser une plus grande responsabilité qu’elle pense ne pas être de son ressort (ou qu’elle se sent incapable d’assumer).


Un détour vers la Fed et la Banque d’Angleterre aide à mesurer les limites de l’action des banques centrales. Reprendre leurs achats d’actifs financiers donnerait-il plus de résultats que lors des épisodes précédents ? La Fed peut accroître la maturité moyenne de son portefeuille d’obligations souveraines pour peser sur les taux longs, comme elle l’a déjà entrepris, mais les taux à 10 ans étant déjà très bas, qu’est-ce que cela pourra apporter de mieux ? Elle peut aussi à nouveau acheter des prêts immobiliers, ce qui soulagera les établissements financiers mais ne relancera pas un marché toujours sinistré. Après un débat que l’on devine avoir été dense, la Banque d’Angleterre vient de son côté de décider de… ne rien faire. Ben Bernanke, le président de la FED, a fait de même, décevant les attentes. Rapportée à l’Europe, la leçon est simple à en tirer : la boîte à outils des banques centrales ne contient pas les moyens de relancer l’économie, elle permet seulement de maintenir à flot le système financier. La BCE n’est pas mieux lotie que ses consœurs et si sa réserve actuelle peut être mise sur le compte d’un calcul politique, elle correspond aussi à ce principe de réalité.


La théorie bien connue du sparadrap que l’on arrache ne souffre pas de contestation : cela fait moins mal d’un seul coup ! Tout le contraire de la stratégie qui est suivie. À force de différer, le montant des additions monte, à commencer par celles des sauvetages successifs des États et des banques. Il en résulte un écart grandissant entre les moyens financiers qui doivent être mobilisés et les effets de la récession qui s’approfondit. Le coût de plus en plus inabordable de la crise augmente en conséquence.


Au congrès de l’Institute of International Finance, son directeur général Charles Dallara vient de déclarer que « le désendettement est allé trop loin », sous-entendant que le futur cadre réglementaire de Bâle III était de mauvaise incitation pour les banques. On constate en effet que le crédit diminue et, bien pire pour les banques, que d’autres acteurs dont les assurances viennent marcher sur les brisées de l’intermédiation bancaire. Ou que les hedge funds laissés à eux-mêmes connaissent une nouvelle vigueur, profitant sur les marges des terrains délaissés par les banques.


Une « pause » est réclamée pour les banques, comme si celle qui se profile pour le désendettement des États ne suffisait pas ! C’est toute une stratégie qui continue de vaciller, dont l’effondrement est contenu dans l’improvisation, ce à quoi elle se résume finalement.




Billet rédigé par François Leclerc




Son livre, Les CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION vient de paraître


.


Un « article presslib’ » est libre de reproduction numérique en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.



 

 



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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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