L’action humaine est une action déterminée

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Thorsten Polleit
From the Archives : Originally published February 12th, 2015
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Category : Fundamental





L’une des implications qui puissent être déduites de l’axiome irréfutable de l’action humaine est que l’action humaine a une fin, elle est une action consciente qui vise à accomplir un certain objectif.

Ce point est essentiel à la compréhension de la reconstruction de l’économie en tant que science logique par Mises (la praxéologie, comme il l’appelait), et les implications qui peuvent en être déduites.

Ces implications incluent par exemple le fait que la cause et l’effet (la causalité) et le temps sont des catégories de l’action humaine, que les moyens sont rares pour ce qui est des fins qu’ils sont susceptibles d’apporter, et que l’existence de l’action humaine implique une certaine incertitude à propos du cours futur des choses.

On entend souvent dire que l’action humaine peut trop facilement s’attirer les critiques. Quelqu’un ne pourrait-il pas remettre en question la pensée de Mises en décrétant que les décisions que prennent les gens n’ont pas de fin précise et reposent sur la pensée arbitraire, le caprice et l’impulsion ? [1]

Le rejet de l’idée que l’action humaine ait une fin remet en question l’idée de ce qui est susceptible de découler de l’action humaine. Voilà qui ouvre la porte à la désorientation méthodologique et, en conséquence, à de fausses théories économiques.

Compte tenu de l’importance de la compréhension de l’idée que l’action humaine ait une finalité, il est nécessaire de nous rappeler brièvement comment Mises en est arrivé à cette conclusion, qu’il a tirée de l’axiome de l’action humaine.

Comme je l’ai dit plus haut, l’axiome de l’action humaine est irréfutable. C’est une proposition dont la vérité ne peut être niée. Toute tentative de la nier résulterait sur une contradiction intellectuelle insoluble, parce que le fait de dire que « les Hommes ne sont pas capables d’agir » relève de l’action humaine.

L’action remplace « une situation moins satisfaisante par une plus satisfaisante», et une personne peut prendre des mesures pour parvenir à des fins. Les moyens sont toujours rares par rapport aux fins qu’ils peuvent achever. S’ils ne l’étaient pas, ils ne seraient pas économisés, et il n’existerait pas d’action humaine – ce qu’il est bien évidemment impossible à croire.

C’est pour cette raison que l’action humaine a une finalité – nous avons recours à des moyens pour parvenir à des fins. La praxéologie ne se soucie pas de ce en quoi consistent ces fins ou encore de la motivation qui se cache derrière ces fins.

Mises note que,

« L’action humaine est un comportement déterminé. Nous pouvons aussi dire que l’action est une volonté  transformée en une opération, qui vise à une finalité. Elle est la réponse de l’égo au stimulus et aux conditions de son environnement. Elle est l’ajustement conscient d’une personne à l’état de l’univers qui détermine sa vie. Ces paraphrases peuvent permettre de clarifier la situation et prévenir les mauvaises interprétations. Mais la définition elle-même est adéquate et ne nécessite pas de commentaire complémentaire ».

II.

Mises explique également que toutes les actions humaines ne sont pas nécessairement des actions déterminées. Il fait référence aux actions non-déterminées comme à des réflexes et des réponses involontaires des cellules du corps et des nerfs à un stimulus ».

La référence de Mises à l’action non-déterminée doit-elle nous pousser à conclure qu’il existe des personnes qui n’agissent pas de la manière impliquée par l’axiome de l’action humaine ? Comme nous le verrons ci-dessous, la réponse à cette question peut être négative.

(1) Pour commencer, notons que l’idée que l’action humaine soit une action déterminée n’est pas liée à la psychologie. Bien que cette dernière vise à expliquer les fonctionnements des évènements intérieurs (psychologiques) à une personne et les raisons pour lesquelles elle choisit d’accomplir certaines actions, la praxéologie est strictement confinée à la logique de l’action humaine.

La praxéologie, qui repose sur l’axiome de l’action humaine, dérive du principe que l’action humaine est une action déterminée – ce qui est contraire à une action non-déterminée – pour des raisons de logique formelle. Elle ne prend pas en compte les théories comportementales.

(2) Aux yeux de Mises, des exemples d’action non-déterminée sont entre autres le fonctionnement du corps humain (le battement du cœur, la respiration, etc.) et les réflexes, les réponses involontaires au stimulus (comme la réaction liée au bruit). L’action non-déterminée, dans la pensée de Mises, a le même statut qu’une donnée extérieure : elle fait partie des conditions générales sous lesquelles l’action humaine – déterminée – prend place.

« Dire que les Hommes ne sont pas capables d’agir est une forme d’action humaine ».

Mises écrit ceci,

Le comportement inconscient des cellules et des organes du corps humain est pour l’égo un élément égal aux facteurs du monde extérieur. Un homme d’action doit prendre en compte ce qui se passe dans son propre corps ainsi que d’autres facteurs comme par exemple le temps qu’il fait et le comportement de ses voisins.

Tant que ces conditions sont supplantées par l’action (comme par exemple pour la suppression des réflexes), les êtres humains peuvent élargir leur domaine d’action déterminée : « Si un homme cesse de contrôler les réactions involontaires de ses cellules et de son centre nerveux alors qu’il est en position de le faire, son comportement est de mon point de vue déterminé ».

(3) Est-il possible de tracer une ligne de séparation entre l’action déterminée et l’action non-déterminée ? Un fœtus, un homme endormi ou une personne sous l’influence de la drogue pourraient présenter des actions semblant – aux yeux d’un observateur – non-déterminées plutôt que déterminées.

En revanche, un observateur n’est nullement en position de conclure qu’une personne agit de manière non-déterminée, même si ses actions lui semblent inutiles ou insensées. Même un fou ou une personne sous l’influence de la drogue agit dans le but de parvenir à une certaine finalité. [2]

Mises écrit ceci,

Les gens sont parfois prêts à croire que la frontière entre le conscient et une réaction involontaire liée aux forces qui opèrent à l’intérieur du corps d’un autre est plus ou moins définie. C’est vrai, bien qu’il ne soit pas toujours facile d’établir si un comportement concret doit être considéré comme déterminé ou non-déterminé. Mais la distinction entre le conscient et l’inconscient peut toutefois être clairement déterminée.

(4) Il est nécessaire de mettre l’accent sur les conséquences qu’implique le rejet du caractère volontaire de l’action humaine.

« L’idée que l’action humaine ait une finalité n’a rien à voir avec la psychologie ».

Mises écrit ceci,

Le rejet de l’idée que les attitudes d’une personne puissent être volontaires ne peut être soutenu que la fin comme les moyens ne soient pas apparents et que le comportement humain est ultimement déterminé par des évènements psychologiques qui peuvent être décrits par la terminologie chimique et physique.


Même le plus fanatique des champions de la psychologie de  « science unifiée » n’oserait pas épouser cette formulation dans sa thèse. Et il aurait de bonnes raisons d’être réticent. Tant qu’il n’existe pas de relation définie entre les idées et les évènements physiques ou chimiques, la thèse positiviste demeure un postulat épistémologique dérivé non pas de l’expérience scientifique établie mais d’un point de vue métaphysique…


Mais il est évident qu’une telle proposition métaphysique ne peut pas invalider les résultats de la science discursive de l’action humaine. Les positivistes, pour des raisons émotionnelles, n’apprécient pas les conclusions qu’un homme d’action doit nécessairement tirer des enseignements de l’économie. Puisqu’ils ne sont nullement en position de déceler des imperfections dans le raisonnement économique ou les influences qui en sont dérivées, ils ont recours à des solutions métaphysiques afin de discréditer les fondations épistémologiques et l’approche méthodologique de l’économie ».


III.

Pour conclure, Mises a su prouver que l’action humaine a une finalité : la tentative de se débarrasser d’un malaise ressenti ou de remplacer une situation peu satisfaisante par une situation plus satisfaisante. Elle est la suite logique de l’axiome de l’action humaine.

L’idée que l’action humaine soit volontaire n’a rien à voir avec la psychologie. Déclarer que l’action humaine est une action volontaire n’a pas recours à des suppositions quant à la motivation concrète d’un acteur.

L’action non-déterminée, pour ce qui concerne la praxéologie, doit être classifiée comme étant une donnée externe faisant partie des conditions générales sous lesquelles l’action humaine prend place. Elle est extérieure à la praxéologie.

Bien qu’une ligne distincte puisse être tracée entre l’action déterminée et l’action non-déterminée sur une base conceptuelle, une telle distinction ne peut pas nécessairement être détectée par un simple observateur – ce qui ne rend pas invalide les distinctions avancées par Mises.

L’action humaine a une finalité. Cette idée est dérivée de l’axiome irréfutable de l’action humaine, qui se trouve au cœur de la praxéologie.



Thorsten Polleit


Notes

[1] Voir, dans ce contexte, V.L. Smith, "Reflections on Human Action after 50 Years," Cato Journal 19, no. 2, Fall (1999): pp. 195–214, notamment p. 200. Smith écrit que "Mises a été dépassé par les nouvelles avancées en matière de science neurologique."

[2] Dans German Nationalökonomie (1940), Mises explique en détails qu’en ayant recours à la notion d’instinct pour expliquer les comportements humains, nous n’apportons pas d’explication définitive au sens métaphysique.


 



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