L’ère post-Lehman touche à sa fin

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Published : November 24th, 2014
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Category : Today's Editorial

Quand Lehman s’est effondrée en 2008, le monde s’est arrêté alors que la Fed se mettait à plancher pour sauver les banques américaines et le système financier mondial. Elle y est parvenue en rendant disponibles des quantités illimitées de monnaie aux banques, stimulus qui a ensuite été poursuivi au travers du quantitative easing. L’ère post-Lehman a donc été une expansion sans précédent et fortuite de la masse monétaire des cinq devises majeures, la cinquième étant le renminbi chinois qui a lui aussi enregistré une expansion additionnelle du crédit bancaire.

L’annonce de la Fed de la réduction de son programme de QE de 20 milliards de dollars par mois, couplée à la décision de la Chine de remettre enfin de l’ordre dans ses prêts bancaires, marquent la fin de cette ère. La marée d’argent facile commence à redescendre. Et les conséquences auront des chances d’être difficiles pour nous en raison de la réponse apportée par les riches et super-riches à ces conditions changeantes.

Au cours de ces cinq dernières années, les riches s’en sont très bien sortis et vont vu leur nombre augmenter ainsi que la valeur de leurs actifs. Ce premier tableau présente les effets globaux estimés entre 2008 et 2012 (estimation la plus récente) pour les particuliers les plus fortunés (HNWI, High Net Worth Individuels, dont la fortune dépasse les 30 millions de dollars)


Tableau 1. Population et actifs des particuliers HNWI

 

 

 

 

2008

2012

Hausse   

 

Actifs $ trn

actifs $ Trn

Capital

Amérique du Nord

2,673

9.06

3,734

12.7

40%

40%

Amérique Latine

414

5.8

524

7.54

27%

30%

Europe

2,620

8.31

3,408

10.9

30%

31%

Proche-Orient

374

1.4

491

1.81

31%

29%

Afrique

95

0.84

136

1.25

43%

49%

Asie Pacifique (moins Japon)

1,038

4.18

1,781

7.57

72%

81%

Japon

1,366

3.18

1,902

4.45

39%

40%

 

 

 

 

 

 

 

Total

8,580

32.77

11,976

46.22

40%

41%

Source: www.WorldWealthReport.com

 

 

 

 

 

Au cours de ces quatre années, le capital global des particuliers HNWI (estimations qui incluent leur lieu de résidence privée principal) aurait gonflé de 13,45 trillions de dollars, et compte tenu du rythme de création monétaire et de la hausse de la valeur des actifs en 2013, cette hausse cumulative est probablement proche des 20 trillions de dollars aujourd’hui.

Ces individus fortunés vont sans doute réviser leurs allocations d’actifs à mesure que les conséquences du resserrement des conditions monétaires se feront ressentir. Le processus aurait déjà commencé. Il tend à commencer avec les super-riches, dont les milliardaires qui selon Forbes possèdent une valeur nette de 5,4 trillions de dollars. Beaucoup d’entre eux vivent désormais dans des pays aux gouvernements prodigues et aux devises faibles. Leurs conditions domestiques ont jusqu’à présent augmenté leur capital, mais maintenant que les taux d’intérêt augmentent et que les perspectives des entreprises se détériorent, le capital n’est plus en sûreté. De plus en plus nombreux seront ceux à se demander comment se protéger au mieux face à ces conditions changeantes.

Estimer l’impact d’une ré-allocation du capital des riches et super-riches nécessite une estimation de leurs investissements actuels, qui est présentée par le tableau 2.

Table 2. HNWI Asset Allocation in 2012 

Tableau 2. Allocation d’actifs des particuliers haut de gamme en 2012

 

 

 

Trillions de dollars

Cash et dépôts

Immobilier 

Actions

  Investissements alternatifs 

 Revenus fixes

Amérique du Nord

2.71

1.71

4.72

1.18

2.37

Amérique Latine

2.08

2.27

0.94

0.99

1.26

Europe

2.98

2.91

2.34

0.99

1.68

Proche-Orient

0.80

0.76

0.52

0.50

0.49

Afrique

1.72

1.88

1.70

1.04

1.23

Asie Pacifique (moins Japon)

2.20

0.53

1.01

0.31

0.40

 

 

 

 

 

 

Total global

12.47

10.06

11.24

5.01

7.44

Source: www.WorldWealthReport.com

 

 

 

 


A la fin 2012, le cash et les dépôts et les revenus fixes représentaient près de 20 trillions de dollars, et l’expansion monétaire enregistrée en 2013 suggère que ce chiffre ne devrait pas être plus bas aujourd’hui. Les dépôts auprès du système bancaire représentent la plus grosse part, ce qui soulève une question intéressante au sujet de la solidité des banques. L’investissement en revenus fixes pose une autre question relative à la hausse des rendements des obligations, notamment lorsque celles-ci sont en une devise qui s’affaiblit. L’investissement en valeurs mobilières et en actifs alternatifs tels que les hedge funds aura aussi besoin d’être révisé, puisque tout pousse à croire que les marchés actions aient atteint un plafond. La seule catégorie qui semble offrir une sécurité est l’immobilier, qui est communément perçu par les particuliers haut de gamme comme le seul investissement solide de long terme aux côté des œuvres d’art.

Réallocation d’investissements et risques à venir

Allouer du capital sur différents actifs est une tâche qui se doit d’être liée aux conditions monétaires internationales. Jusqu’à présent, les devises de second rang, notamment celles des économies émergentes, ont été fortement touchées. Beaucoup de pays émergents font face à une potentielle ruée sur leurs réserves de dollars, ce qui les force à augmenter leurs taux d’intérêt au détriment de leurs perspectives économiques. La conséquence en est qu’une portion des plus de 50 trillions de dollars d’actifs des particuliers haut de gamme investie sur ces devises cherche potentiellement un chemin de sortie.

Et ce ne sont pas seulement les particuliers haut de gamme qui se trouveront mal adaptés à ces nouvelles conditions, mais aussi le système bancaire international. Il y a un risque que se développent des problèmes systémiques en parallèle à l’instabilité des devises, en raison de l’accumulation de produits dérivés et de dette des marchés émergents par les banques occidentales. Alors que l’exposition transfrontalière aux marchés émergents est plus faible que l’exposition du système bancaire aux économies avances, le risque se concentre parmi un petit groupe de grosses banques qui ont gonflé leurs bilans sur les marchés émergents. Et ces banques sont bien évidemment les hôtes d’une grande partie des dépôts des particuliers haut de gamme asiatiques.

L’éventualité de voir se développer une crise des devises des marchés émergents et des marchés de la dette nécessite une réponse immédiate de la part de la Fed qui se doit d’augmenter la liquidité du dollar, et de la part des autorités chinoises qui doivent gérer l’expansion du crédit bancaire avec la plus grande attention. En l’absence de ces facteurs, les particuliers haut de gamme ont des chances de protéger leurs 20 trillions de dollars de cash et de dépôts grâce à d’autres actifs et de liquider les 25 trillions de dollars qu’ils ont investis sur les actions, les obligations et les hedge funds.

Cette prise de décision de la part des particuliers haut de gamme se fait de plus en plus urgente, parce que les dépôts bancaires sont désormais sujets à des bail-ins dans l’éventualité d’une crise bancaire future – plutôt que de laisser les gouvernements se charger de l’insolvabilité des banques comme ils l’ont fait par le passé. Des dépôts pourraient donc disparaître si une réforme du système financier occidental s’avérait nécessaire.

L’or – le plus grand des bénéficiaires

En dehors de l’immobilier et de l’art, le seul moyen de se protéger de ce qui n’est rien de plus qu’un problème de devises fiduciaires est d’investir sur de l’or physique à l’extérieur du système bancaire. Comme je l’ai dit plus haut, les premiers à altérer l’allocation de leurs actifs sont généralement les super-riches, les tout premiers étant ceux qui ont fait fortune en Chine et sur les autres marchés émergents. Nous savons qu’ils investissent beaucoup sur l’immobilier et l’art, une tendance qui se répand à d’autres catégories de particuliers haut de gamme. D’après ce que nous pouvons voir, une partie de ces super-riches commencent à accumuler de l’or et de l’argent, bien que les effets de leurs achats sur les prix aient jusqu’à présent été étouffés par l’opacité des marchés de dérivés et de métaux physiques occidentaux.

Les acheteurs de métaux précieux d’aujourd’hui comptent dans leurs rangs les Chinois et leur diaspora de l’extrême Orient, ainsi que les Indiens et les citoyens d’autres nations asiatiques. Le tableau 3 présente une estimation du nombre de particuliers haut de gamme et des capitaux impliqués dans certains de ces importants pays.

Tableau 3. Population et actifs des particuliers haut de gamme d’Asie Pacifique

 

 

Milliards de dollars

2008

2012

Hausse

 

'000s

Actifs Mdsts

'000s

Actifs Mds $

'000s

Valeur  nette

Chine

364.5

1,672.0

643.1

3,100.0

76%

85%

Hong Kong

37.5

181.2

113.5

560.2

203%

209%

Inde

84.0

310.1

153.4

588.8

83%

90%

Indonésie

18.7

61.5

37.6

124.5

101%

102%

Taiwan

58.2

176.3

95.3

298.3

64%

69%

Singapour

61.4

272.4

100.5

489.0

64%

80%

Thaïlande

41.6

190.1

73.5

355.1

77%

87%

Corée du Sud

104.6

276.1

160.0

425.9

53%

54%

Source: www.WorldWealthReport.com

 

 

 

 

 

.

Comme nous pouvions nous y attendre, ces pays attachés à l’or ont enregistré une expansion de richesse plus rapide que l’Occident. Ils comptent au total 1.400.000 particuliers haut de gamme, qui avaient en 2012 6 trillions de dollars à protéger – et certainement bien plus aujourd’hui. Si l’or ne représente que 5% de leurs actifs réalloués, aux prix actuels, cela représente au moins 30.000 tonnes d’or. Compte tenu du fait que la majorité de l’or aujourd’hui disponible à la surface de la Terre se trouve en Asie et au Proche-Orient, et que les banques centrales occidentales ont prêté d’importantes quantités de leurs propres réserves d’or qui ont vraisemblablement elles-aussi terminé en Asie, il n’y a pas suffisamment d’or de par le monde pour satisfaire une telle demande.

La situation à laquelle nous  faisons face peut être comparée à la forte hausse du prix du pétrole enregistrée dans les années 1970 et qui a engendré une demande insatiable en or de la part des exportateurs de pétrole du Proche-Orient. Voici quelles en sont les autres conséquences potentielles :

- Les sommes impliquées dans les réallocations de portefeuilles sont potentiellement plus importantes que les 13 trillions de dollars que la Fed a utilisés pour venir à l’aide du système bancaire en 2008. Il n’est donc pas certain qu’une nouvelle crise systémique puisse être appréhendée de la mêem manière, non seulement en raison des sommes impliquées, mais parce que cette nouvelle crise prendra certainement racine dans une marché émergent hors du contrôle de la Fed.

- Les changements de conditions monétaires développés ci-dessus devraient engendrer une destruction de capital significative. Une fois que cette destruction commencera, les évènements devraient se dérouler très rapidement.

- Les achats d’or et d’argent par les riches particuliers asiatiques devraient accélérer peu importe le prix des métaux, et engendrer des échanges de valeurs de réserve entre les particuliers haut de gamme de la planète.

- Compte tenu des pénuries de métal physique et de l'ampleur potentielle des achats de ces particuliers,  les banques centrales et commerciales feront face à beaucoup de difficultés pour contrôler le marché de la manière dont elles l’ont fait jusqu’à aujourd’hui.

- Le niveau de confiance envers les devises pourra  être miné par la forte hausse du prix des métaux précieux que la demande potentiellement élevée des particuliers HNWI génèrera,

Voici quels sont les effets négatifs de la tentative des banques centrales de gérer la monnaie et le crédit. Lorsqu’il en vient à considérer un changement de politique, elles sont condamnées si elles continuent sur leur lancée, et condamnéessi elles décident de changer de cap.


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Une explosion du prix du pétrole ? Pourquoi pas, si nous voyons actuellement une anti-bulle.
L'hiver est rude en amérique du nord, pourtant le pétrole baisse..
Il faut savoir que l'hiver au Nord est plus important, il touche les USA, l'Europe et la Chine/Japon, tandis que l'hiver au sud ne touche pas grand monde, juste l'argentine/chili, l'afrique du sud, peut être la nouvelle-zélande.

En tout cas, le monde de demain sera très cynique : les riches diront aux autres "ah mais il fallait profiter de l'argent facile, si tu ne l'as pas fait, alors tu mérites ta pauvreté, sale sans-dent".
Le hic, évidemment, est que pour profiter de l'argent facile il faut l'investir, oui, mais où ? En crise économique, il y a des faillites partout, des resserrements... un moyen de s'en sortir est de profiter de la misère des autres.

Exemple que j'ai appris appris récemment auprès de ma belle-famille polonaise : ils connaissent le patron d'une entreprise qui pose des fenêtres, le gars est un (si pas le) plus riche polonais de bruxelles. Grand entrepreneur, très doué, très respectable avec son fric, et tout et tout...
Comment gagne-t-il tant d'argent sur un secteur où règne la concurrence et en vendant des produits de qualité passable ?
1) Il vend cher, "qualité polonaise" oblige (en fait c'est juste correct, sans plus, mais les particuliers n'y connaissent rien, donc...)
2) Ses ouvriers sont payés 6 euros de l'heure.

Et oui.. dans la capitale de l'europe, des gens sont payés 6 euros de l'heure. Comment ? Simplement, il fait venir des pauvres bougres presque illettrés du fin fond de la Pologne (région de Bialystok), contents d'échapper à leur misère ils acceptent n'importe quel salaire ici.
Pour vivre, ils bossent 60 heures par semaine (10h par jour)... comme ça ils ont un salaire décent. Ils ne savent juste pas que leur voisin belge qui gagne la même chose bosse deux fois moins.

(Vous pouvez lire "Les raisins de la colère" de John Steinbeck, le mécanisme de la main d'oeuvre sous-payée y est parfaitement décrit et dénoncé).

Il y a aussi floraison de "Polski Sklep" à Bruxelles, des magasins polonais qui vendent les "bons produits de la pologne", pour les immigrés qui ont le mal du pays (ou juste les ouvriers payés 6 euros de l'heure qui n'ont pas le temps d'apprendre le français ou néerlandais pour se débrouiller dans un supermarché belge).
Caractéristique : tout y est beaucoup plus cher qu'ailleurs. Un bocal de harengs vendu +- 4 euros en Pologne y est vendu plus que 6 euros.
On peut expliquer cela par l'importation ?
Et les chips Lays ? Le système pousse le cynisme jusqu'à vendre des chips Lays polonaises (écrit en polonais sur l'emballage, mais à l'intérieur c'est les mêmes chips que partout en europe), 50% plus chez que dans les supermarchés belges (et là on parle de Delhaize, pas des low-cost comme Aldi ou Lidl).
Et les pauvres bougres, ils tombent dans le panneau.
Cela joue aussi sur le sentiment nationaliste, patriotique : chez les polonais tout est mieux, et à force ils ne se rendent même pas compte qu'ils se font royalement arnaquer.
Pareil pour les coiffeurs, ma belle-famille a remarqué que pour le même travail, même qualité, le salon de coiffure polonais qu'ils avaient trouvé demande 45 euros, alors que dans les autres ça coûte 30 euros.

Voilà comment on s'enrichit de nos jours...

Sinon il y a euromillions.


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Vous parlez de ceux-là : www.polognefenetres.com ???
Nonnon, ils ont un nom francophone pour leur entreprise (avec plusieurs agences à Bruxelles), mais je préfère éviter de divulguer des noms en public.
"Voilà comment on s'enrichit de nos jours..."

Y eut-il jamais d'autre façon de s'enrichir? et de s'aveugler....
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nymeo - 12/8/2014 at 11:46 AM GMT
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