À partir du moment où l'homme travaille pour
transformer des ressources données par la nature en richesses
économiques, alors tous les biens et services ont un prix. Tout est
marchandise, car, sauf à revenir à l'esclavage, tout travail a
un prix. Même les biens et services, qui sont distribués
gratuitement, sont toujours payés par quelqu'un.
L'État, en proposant des biens et services "
gratuits " (comme la santé ou l'éducation) ou en
distribuant gratuitement des livres et des ordinateurs dans les
écoles, n'a pas le pouvoir de supprimer la rareté. Mais il a le
pouvoir de transférer le coût des richesses sur telles ou telles
catégories sociales en fonction de ses choix politiques. C'est plus
agréable d'entendre dire que " la santé n'est pas une
marchandise comme les autres " par exemple. On aura ainsi conquis le coeur des foules.
Mais on dit cela aussi de l'agriculture, de la recherche,
de la culture... au point qu'on peut se demander quelles sont les autres
vraies marchandises.
Tout le monde revendique le caractère exceptionnel
de son activité. Il y a ici un problème d'application du
vocabulaire à l'origine de bien des incompréhensions.
En effet, la santé n'est pas une marchandise. Soit.
La faim non plus, mais on achète bien des produits alimentaires pour
se nourrir. Si la santé est un besoin, comment répondre
à ce besoin ? Les médicaments sont destinés à
répondre à ce type de besoin et ils sont bien des marchandises.
De la même manière, la culture n'est pas une
marchandise ; mais les livres ou les films en sont.
On ne peut distinguer le bien, en tant que support de
consommation, de l'utilisation qui en est faite librement par le
consommateur. C'est la définition même de l'économie de
mobiliser des ressources nécessairement rares pour répondre
à des besoins potentiellement illimités, que ces besoins soient
d'ordre alimentaire, ludique ou artistique.
Dans tous les cas, il faut bien produire les
médicaments ou les livres, ce qui est coûteux et suppose des
choix économiques qui permettent la mise en place et le fonctionnement
d'une industrie adaptée.
Dans tous les cas, il faut bien que cette production
corresponde à ce que demandent les gens, pour valider l'offre et lui
donner ainsi toute sa valeur. C'est la seule façon d'éviter un
gaspillage de ressources, nécessairement rares, gaspillage qui
conduirait à produire des biens ne correspondant à aucune
demande alors que les besoins des gens ne seraient pas satisfaits. Et c'est
précisément la fonction du marché que d'exprimer et
d'évaluer les valeurs. Il y a donc une " économie de la
santé " comme il v a une
économie de l'agriculture, du tourisme ou du sport.
L'État voudrait lui substituer une politique de la
santé comme il impose une politique agricole (qui
dégénère en surplus invendus dans ce domaine). Tous les
rapports publics annuels constatent que l'offre de soins n'est plus
adaptée à la demande qui s'exprime en France. Est-ce vraiment
une surprise ? L'État prétend se substituer au marché
pour offrir les services de santé à sa population. Mais son
action même produit un système qui engendre pénurie et
rationnement sous le motif de veiller à l'équilibre des comptes
sociaux. Sur le papier, la santé est gratuite pour tous ; mais le
médecin devient introuvable et les files d'attente s'allongent. Tel
est le vrai prix de la régulation administrative.
Extrait de La
Troisième Voie, impasse
ou espérance (2006)
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