La « planche à diplomes »

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From the Archives : Originally published March 16th, 2009
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Category : Fundamental




L’université française: entre l’impasse et l’espérance

          Les conflits qui se radicalisent au sein de l’université française illustrent ce malaise profond. Mais puisque nous traversons une grave crise financière qui est l’occasion de faire le procès mécanique de l’économie de marché, permettez-moi de souligner l’analogie entre la monnaie et le diplôme.

          Un diplôme comme la monnaie représente un TITRE. Un titre constitue un papier dont le porteur peut prétendre détenir une contrepartie: un billet de banque représente une valeur économique qui permet d’acquérir un certain stock de biens et services(3); un diplôme représente aussi une valeur économique dans le sens où il garantit que le porteur détient normalement une certaine quantité et une certaine qualité de connaissance et de savoir-faire (ce qui est la richesse ultime).

          Bien-sûr, cela n’est vrai que si la monnaie comme le titre ne sont pas dépréciés. Dans le cas de la monnaie, si un même billet permet d’acheter toujours moins de marchandises, alors on dit que la monnaie est dépréciée par l’inflation. Il appartient alors à ceux qui offrent la monnaie – le système bancaire régulé par la banque centrale – de bien contrôler l’offre de monnaie afin d’éviter tout dérapage inflationniste qui détériore la valeur de chaque billet. En clair, il faut éviter de faire tourner la planche à billet.

          Pareillement, si le diplôme est distribué à des individus qui ne détiennent pas en réalité les connaissances et le savoir-faire correspondant, alors le diplôme perd sa valeur. Il appartient au système éducatif et universitaire d’avoir une gestion rigoureuse de l’offre de diplômes. En clair, il convient de ne pas faire fonctionner la « planche à diplômes ».

          L’époque moderne a connu un processus de centralisation et de monopolisation de l’offre de titres au nom de la régulation. Dans le secteur bancaire, c’est la création de la banque centrale avec le monopole de l’offre des billets de banque, sur la base desquels les banques commerciales font du crédit, qui a donné naissance à la politique monétaire. Dans le secteur éducatif, c’est aussi la nationalisation des programmes scolaires et la centralisation de l’offre de diplômes qui a donné naissance à la politique éducative. Or, les situations de monopole ne sont jamais des situations optimales, débouchant généralement sur une inadéquation quantitative et qualitative entre l’offre et la demande.

          Dans le secteur bancaire, c’est la catastrophe des subprimes; c’est aussi « l’âge de l’inflation » ou encore l’offre surabondante de liquidités nourrissant un excès de crédit qui a débouché sur la crise actuelle. Dans le secteur éducatif, c’est l’inflation des diplômes qui oblige les étudiants à rester plus longtemps aux études pour obtenir le niveau de formation nécessaire aboutissant à l’embauche. Pire, parfois il y reste longtemps pour finalement se retrouver au chômage, à cause d’une offre pléthorique de formations qui sont mises en place sans considération des besoins des entreprises et du marché du travail.

          Plus fondamentalement, la monopolisation de l’offre neutralise le principe de responsabilité, principe essentiel dans le fonctionnement de l’économie. Si je mets mes doigts dans une prise de courant, je ressens une douleur (c’est une information) et je modifie mon comportement pour éviter la douleur (c’est l’apprentissage). Mais imaginons que je mette les doigts dans la prise de courant, et c’est vous qui prenez le courant. Alors je risque de faire des choses étranges, de devenir tortionnaire en prenant du plaisir à vous faire ressentir la douleur. C’est le problème du passager clandestin qui veut bénéficier d’un service rendu par autrui sans en payer le coût. Autrement dit, quand on ne supporte pas les conséquences de ses actes, on est conduit à ne plus faire de choix rationnel.

          Sous prétexte de donner le maximum de chances au plus grand nombre de jeunes, notre système a complètement neutralisé le principe de responsabilité dans le monde éducatif. Le résultat est un gaspillage massif des ressources humaines. En effet, les jeunes ont tendance à s’orienter dans les filières qui ne débouchent sur aucune carrière – souvent avec la bénédiction de parents passifs ou dépassés – tandis que les entreprises peinent à trouver les compétences dont elles ont besoin pour se développer. Les filières qui débouchent sur l’emploi n’attirent plus nos étudiants car ils trouvent ces formations trop sélectives. En clair, notre système fait du subprime à grande échelle: il distribue des titres sans contrepartie.



Jean Louis Caccomo

Chroniques en Liberté


 


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Docteur en sciences économiques de l'université de la Méditerranée et Maître de conférences – HDR - à l'IAE de l'université de Perpignan. Médaille du Bibliographical Institute of Cambridge (London, 2012), il est spécialiste de croissance économique ainsi que chercheur en tourisme international et consultant pour l’Organisation Mondiale du Tourisme (Nations-Unies). Il signe des chroniques économiques dans la presse nationale (Les Echos, Le Monde, le Figaro, Economie-Matin) et internationale (l’AGEFI le quotidien suisse des finances, le Boston de Providence aux USA, le Québécois Libre à Montréal). Il anime enfin, depuis plus de 15 ans, un blog à vocation pédagogique, Chroniques en liberté, à l'attention de ses étudiants et du grand public. Ouvrages [1] Les défis économiques de l'information, la numérisation, L'Harmattan, Paris 1996. [2] L’innovation dans l’industrie du tourisme - Enjeux et stratégies. En co-écriture avec B. Solonandrasana, L’Harmattan, Paris, 2001 [3] L’épopée de l’innovation – Innovation technologique et évolution économique, L’Harmattan, Paris, 2005. [4] L’innovation dans l’industrie du tourisme. Enjeux et stratégie, avec B. Solonandrasana, L’Harmattan, Paris 2006. [5] Fondements d’économie du tourisme. Acteurs, marchés, stratégies. De Boeck Université, Bruxelles 2007. [6] Le modèle français dans l’impasse, Tatamis Editions, Paris 2013. [7] Histoire thématique et contemporaine des faits économiques, Ellipses, Paris 2015. [8] Analyse de la finance internationale : le grand naufrage, en co-écriture avec Faouzzi Souissi (Trader),The Book Edition, Paris 2019.
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la valeur d'un diplôme obtenu à 80% (sur une année, et qui peut se faire sur plusieurs ) = 0.

On cache les insuffisances du système en multipliant les "lauréats" et en baissant le niveau d'années en années.

Je vais faire mon Pépé (ce que je suis) quand je passais le D.E.C.S. seulement 10 % de réussite à l'examen, ce diplôme valait quelque chose ( à l'époque ).

Un autre phénomène concernant les diplômes, c'est l'apparition permanente de "nouveaux diplômes, que j'appelle par dérision les diplômes réformés", se qui permet au employeur ( quand il embauche ) de privilégier les "jeunes" au lieu des vieux de plus de quarante ans car s'il ont l'expérience, il n'ont pas le dernier diplôme de la profession.

C'est sûr, maintenant ils apprennent beaucoup en dehors des fondamentaux ( français, maths ) par contre que de lacunes dans ces matières, même chez nos brillants "diplômés".

Si au moins ils apprenaient à penser ???, mais nous sommes dans un monde de communication, d'images, d'apparences et de marques.

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Votre article me fait penser à un documentaire vidéo américaine "College Conspiracy" (College education is the largest scam in U.S. history!) que l'on trouve sur http://inflation.us/videos.html. Dans se document on s'aperçoit que le diplôme est devenu un business destiné à enrichir les "boites à diplômes" et à endetter les classes moyenne.
Merci pour votre article.
JMT94800
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la valeur d'un diplôme obtenu à 80% (sur une année, et qui peut se faire sur plusieurs ) = 0. On cache les insuffisances du système en multipliant les "lauréats" et en baissant le niveau d'années en années. Je vais faire mon Pépé (ce que je suis) quan  Read more
Idée à liste - 7/19/2012 at 10:20 PM GMT
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