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Quand j’avais 12 ans, il y avait chez
mes parents un petit tourne-disque et 5 disques en vinyle : Charles Aznavour,
Enrico Macias, Claude François et Yves
Montand. Aujourd’hui, mon fils de 12 ans collectionne dans son Ipad plus de 1000 titres (jazz, pop, rock, techno).
Pourtant, la ministre de la culture, Aurélie Filipetti,
considère tranquillement que la culture n’est pas compatible
avec le marché. Certes, les socialistes ne sont pas à une
bêtise prés. Mais, le problème, c’est qu’ils
détiennent tous les pouvoirs en France.
Pour ma part, je considère que la
culture n’est pas compatible avec le pouvoir qui implique contrainte,
soumission et monopole. Un artiste, pour être accepté par le
marché, doit trouver son public. Alors les socialistes me
rétorquent que le public n’est pas éduqué. Mais
n’est-ce pas pourtant l’Etat qui a la mission et le monopole de
l’éducation des masses ?
Pardonnez-moi, madame la ministre, mais les
Beatles, Elvis Presley, Pink Floyd ou Michaël
Jackson sont nés dans les pays capitalistes où les gens sont
libres et non pas dans les régimes socialistes où les gens sont
« éduqués »… ou internés. A aucun
moment, ces artistes n’ont quémandé de subventions (auprès
de qui d’ailleurs ?) et ils sont simplement partis à la
rencontre du public, salles après salles, concerts après
concerts, qu’ils ont conquis pour l’éternité.
Dans les années 70, les intellectuels
suédois ont fustigé le groupe Abba
parce que ce groupe gagnait de l’argent en faisant du disco. Quelle
horreur ! Il est vrai que le succès planétaire du groupe
était tel que les ventes de disques ont contribué à
redresser la balance commerciale de la Suède. Mais, pour les
socialistes, Abba gagnait de l’argent, ce qui
n’était pas compatible avec la culture. Aujourd’hui,
quarante ans plus tard, on joue tous les soirs à Londres à
guichet fermé la comédie musicale Mamamia
qui met en scène les chansons d’Abba,
et personne ne remet plus en cause l’apport musical de ce groupe.
Même le chanteur du groupe U2 leur a rendu un vibrant hommage. Mais les
socialistes ont toujours été, en ce domaine, très
ambivalents. Ils portent toujours aux nues le peuple, croyant parler en son
nom, mais ils sont les premiers à dénigrer ses choix et ses
goûts culturels. Il est vrai que les gens préfèrent
écouter du disco que Pierre Boulez.
En fait, si se nourrir est un besoin
physiologique, la façon de répondre à ce besoin vital
est aussi un acte culturel, car manger est un art de vivre. Or, il y a un
marché pour McDo, et il y a un marché
pour la gastronomie française ou italienne. Grâce à la
mondialisation, à Londres, Paris ou Perpignan, on peut goûter la
cuisine chinoise, thaï, libanaise ou corse.
Jamais, nous n’avons eu autant de diversité. Pourtant, il y a
toujours de beaux esprits pour affirmer que la mondialisation détruit
la diversité culturelle. Mais
les esprits étriqués croient que le monde est
étriqué alors que c’est leur vision du monde qui est
réductrice.
On nous parle toujours de
l’impérialisme linguistique pour masquer notre inaptitude
structurelle aux langues vivantes. Sous l’empire romain, les artistes
parlaient le latin. A la cour de Louis XIV ou du Tsar, les artistes et les
penseurs s’exprimaient en français. Aujourd’hui, il est suicidaire de s’exclure de
l’anglais. John Lennon a affirmé un jour que, sous
l’empire romain, le centre culturel était à Rome mais
qu’aujourd’hui, il était à New-York. Alors nos
chanteurs officiels, mondialement méconnus, se réfugient
derrière l’exception culturelle, à l’abri des
quotas de diffusion et des subventions, en invoquant la barrière
linguistique et la beauté de la langue française (qu’ils
massacrent allègrement au passage).
Mais Maurice Chevallier, Charles Trenet,
Charles Aznavour ou Yves Montand ont eu une carrière mondiale,
ponctuée par de nombreuses tournées américaines
où ils ont fait rayonner la langue française. Les
américains adorent comme ils ont récemment adoré Jean
Dujardin dans The Artist. Elton John lui-même
avait beaucoup d’admiration pour Michel Berger.
En fait, les marchés sont pluriels tandis que
l’Etat se conjugue au singulier. Il
y a des marchés pour le « pinard » et il y a des
marchés pour les grands Bordeaux. Et ces marchés ne sont pas
cloisonnés car la même personne peut, selon ses envies et les
circonstances, goûter et apprécier tous ces produits. Il en est
de même dans la musique ou le cinéma où se côtoient
les majors et les labels plus confidentiels.
On n’invoque alors la puissance
hégémonique américaine. Mais Hollywood est une toute
petite ville et l’annuaire des professionnels du cinéma
américain n’est pas plus gros que l’annuaire des
Pyrénées-Orientales. D’ailleurs, au moment où les
frères Lumières en France inventaient l’appareil
cinématographique, des immigrés italiens ont fondé
à Hollywood les premiers studios cinématographiques tandis
qu’un inconnu nommé Walt Disney, dans son atelier,
photographiait des dessins pour produire Blanche-Neige, le premier dessin
animé long-métrage. Depuis, l’empire Disney a
inventé les premiers parcs d’attraction touristique et a
basculé au numérique avec l’achat des studios Pixar.
On me dit alors que la culture n’est pas
une marchandise. C’est exact et c’est même un truisme !
Mais l’accès à la culture serait le seul fait d’une
élite privilégiée sans la généralisation
de ses supports matériels que sont les DVD, les livres ou le
numérique. Or, la production et la distribution des
ces supports (les produits culturels) obéissent à une logique
marchande, pour notre plus grand bénéfice à tous.
Pareillement, grâce aux entreprises japonaises, les guitares
électriques sont désormais accessibles à tous, et
notamment aux enfants, tandis que seuls les guitaristes professionnels
peuvent s’offrir le rêve de jouer sur une Gibson ou une Fender. A ce propos, je vous mets au défi de me
trouver une entreprise française qui fabrique des guitares
électriques (ou tout autre instrument ou matériel de musique
d’ailleurs). C’est pourtant une inépuisable source
d’emplois (mais veut-on vraiment travailler en France alors que
l’on s’échine à asphyxier un à un tous les
gisements d’emplois).
Cependant, comme toujours, l’Etat est
très contradictoire à ce sujet. Quand le prix d’une place
de concert est exorbitant, il va dénoncer le marché et la
dictature de l’argent qui exclut les plus pauvres (il prend donc la
défense du consommateur). Mais quand on peut désormais
télécharger gratuitement des films ou de la musique, il va
dénoncer cette gratuité qui menace le revenu des artistes (et
prend donc la défense du producteur). Les artistes sont des travailleurs
comme les autres et doivent donc vivre de leur travail vivant (les concerts,
le spectacle vivant) que l’on ne pourra jamais
télécharger tandis que la diffusion la plus large possible des
œuvres permet de faire connaitre les artistes.
Dois-je enfin rappeler à notre ministre
de la culture que la première œuvre littéraire majeure,
l’Iliade et l’Odyssée, qui met en scène la guerre,
l’amour, des cyclopes et des sirènes, a été
écrite pour distraire les gens (les faire rêver, les effrayer,
les faire pleurer) et non pour flatter les puissants.
Les socialistes sont si aveuglés par
l’idéologie qu’ils refusent de voir la
réalité du monde tel qu’il est, préférant
nous imposer leur monde tel qu’ils le rêvent. Mais le rêve des uns tourne souvent
au cauchemar pour les autres. Dans le régime national-socialiste,
l’art officiel avait pour fonction de flatter le Reich et le
Führer tandis que les livres hérétiques étaient
brûlés. Dans le régime socialiste soviétique
(encore du socialisme), l’art officiel avait pour fonction de
célébrer la révolution prolétarienne et
l’ardeur au travail au service des objectifs du plan (stakhanovisme).
Dois-je rappeler enfin que la révolution « culturelle »
initiée par Mao a consisté à exécuter les
intellectuels chinois tandis que, dans les salons parisiens, les
intellectuels faisaient l’apologie du maoïsme ? En fait, le bilan
du socialisme culturel est aussi affligeant qu’effrayant. Pourtant, les
manuels d’histoire officiels ne l’enseignent guère,
préférant fantasmer sur « l’horreur libérale
».
L’art officiel n’a laissé
rien de beau (tout y était même laid) tout comme la science
officielle ou l’information officielle débouche sur la
propagande, le contraire de la connaissance. Au fil des siècles,
seules la foi, la passion et la liberté furent les plus puissantes
sources d’inspiration et de créativité artistiques et
elles ne seront jamais compatibles avec l’idéologie, le pouvoir
et le monopole. Vous l’aurez compris, quand les socialistes parlent
d’économie, ils font bondir l’économiste que je
suis ; mais quand ils parlent de culture, ils font hurler le musicien que je
reste.
Il est désormais bien loin le temps
où le Général de Gaulle savait s’entourer du plus
brillant économiste français, Jacques Rueff, et du plus grand
ministre de la culture, André Malraux, que la France a connu.
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