In the same category

La monnaie moderne : une étude de la confiance et de la crise

IMG Auteur
Published : April 12th, 2013
1540 words - Reading time : 3 - 6 minutes
( 10 votes, 4.8/5 ) , 1 commentary
Print article
  Article Comments Comment this article Rating All Articles  
0
Send
1
comment
Our Newsletter...
Category : Editorials


Les politiques qui pensent qu’il n’y a aucun risque qu’une taxation comme celle qui a été imposée aux Chypriotes ne modifie les comportements des citoyens des autres pays d’Europe ne comprennent pas l’étendue de ce qui est en jeu. Les graines du doute ont été plantées. Pourquoi un épargnant qui ne tire aucun intérêt de ses dépôts bancaires et risque même de se les voir confisquer devrait-il conserver son épargne sur un compte en banque ? Les transactions électroniques sont bien évidemment pratiques,  mais les gens peuvent rapidement modifier leur comportement.


Pour résumer, il y a maintenant une prime de 10% sur le cash caché sous un matelas.


« 


Les Espagnols, les Italiens et les Portugais ne présentent peut-être pas encore de signes de panique bancaire, mais aussitôt que la crise s’intensifiera dans n’importe quel pays de la zone Euro, les consommateurs des banques se souviendront de Chypre. Ils retireront leur épargne des banques, et la crise rugira de plus belle ».

Peter Bofinger, 'Europe's Citizens Now Have to Fear for Their Money,'  Der Spiegel, 18 mars 2013




La monnaie moderne est un jeu de confiance, un arrangement basé simplement sur la perception d’une valeur fondée sur le risque de contrepartie.

Cela paraît assez simple, mais ce qui est assez surprenant est la manière dont les gens comprennent ce système. C’est ce que l’on appelle l’illusion du familier.

Nous sommes tant habitués à utiliser la monnaie dans la vie de tous les jours que nous ne réfléchissons jamais à ce qu’elle est vraiment. Elle nous paraît immuable et durable.

Nous oublions que la monnaie, comme une majeure partie de la société, est créée par l’Homme. Elle est une construction artificielle basée sur une série d’accords. Et de temps à autres, ces accords sont passés par la force, comme le sont les punitions appliquées à ceux qui enfreignent la loi, bien qu’ils ne soient pas équipés pour faire face à un refus général de la société de s’y soumettre. C’est bien entendu là la base même du pouvoir de la désobéissance civile, et la raison pour laquelle les autocraties sont si sensibles aux manifestations citoyennes.

Le président Chypriote, Nicos Anastasiades, n’a pas accepté le premier plan de sauvetage offert par la troika, la Commission Européenne, la BCE et le FMI, qui lui demandait de lever une taxe sur les dépôts non-garantis des banques Grecques en difficultés – des dépôts de plus de 100.000 euros.

Il a proposé de fixer le prélèvement sur les gros dépôts à 9,9% et de violer ce qui était jusqu’à présent une garantie en Europe en imposant les dépôts garantis de moins de 100.000 euros des petits épargnants de 6,7%. Que la troika n’ait pas hésité à proposer un projet de taxes qui viole clairement les lois de l’Union Européenne en dit long sur la situation dans laquelle elle se trouve.



L’arrangement a été rendu d’autant plus intelligent en promettant aux épargnant des actions auprès de banques (qui ne valent plus rien) en échange de ces prélèvements, voire même une garantie de retours sur les ‘futures découvertes de gaz naturel' qui semblent ne rien valoir du tout aux yeux de l’Union Européenne et du gouvernement.

C’était là l’une des conditions appliquées à un prêt de 10 milliards d’euros au gouvernement sous le mécanisme de stabilité Européenne. Les autres impliquaient des mesures d’austérité, qui sont ce que préfère par-dessus tout le FMI.

Une proposition de mesures d’austérité a été faite en novembre dernier et inclut une baisse des salaires du secteur des services publics, une baisse des aides sociales, des allocations et des pensions, et une hausse de la TVA, du prix du tabac, de l'alcool et du carburant, des taxes sur la loterie, sur la propriété, et des frais de santé plus élevés.

La troïka se moquait des termes exacts de sa nouvelle taxe tant qu’elle était mise en application. Il s’agissait là du sacrifice d’un grand principe Européen et une sérieuse erreur de politique.

Lorsque ces prélèvements ont été annoncés voici quelques semaines, alors que les banques étaient fermées, les marchés et les citoyens de l’île de Chypre ont exprimé leur révulsion contre ce projet.

L'inflation monétaire telle qu’elle a été utilisée aux Etats-Unis et en Angleterre est souvent appliquée parce que seuls très peu de personnes se rendent compte de ses conséquences, ce qui n’est pas le cas d’une confiscation directe de 10% de leur épargne par leur gouvernement. L’inflation est bien plus facilement mise en place et ce, sur des périodes qui peuvent parfois s’avérer très longues. Aujourd’hui, les politiques monétaires et l’inflation ne sont que la continuité des fraudes bancaires par d’autres moyens.

C’est d’ailleurs pour cela que je disais récemment que la pièce de platine au trillion de dollars était une idée cynique et terrible, qui a exposé la farce d’une inflation monétaire rapide et de grande ampleur aux yeux de tous. La pièce de platine avait toutes les cartes en main pour déclencher une panique monétaire.

Chypre s’est avérée relativement stable avant son effondrement financier, mais a été secouée par la restructuration des obligations Grecques. Le coup de grâce lui a été porté par son grade BB+ qui l’a empêché d’emprunter, et qui a rendu les obligations Chypriotes inacceptables en tant que collatéral auprès de la BCE et des marchés publics.

Et comme de nombreuses petites îles ensoleillées, l’économie de Chypre dépendait jusqu’à présent du tourisme, de ses retraités et d’un important secteur financier. Depuis que Chypre a été une colonie Britannique, son système légal a ressemblé à celui de l’Angleterre, qui y dispose toujours d’importantes bases militaires dans lesquelles vivent environ 3500 hommes.

Chypre est comme une boîte. Elle a besoin de quitter la zone Euro, de faire défaut sur ses obligations et de créer sa propre devise. Mais comment pourrait-elle capitaliser ses banques, et comment devrait-elle évaluer sa nouvelle devise ?



Si Chypre disposait de réserves d’or, voire même de réserves de devises étrangères composées de devises stables, elle pourrait les utiliser pour soutenir sa devise tout en imposant des contrôles de capital. Elle pourrait liquider, ou nationaliser si vous préférez, les banques sans toucher les dépôts. Il n’en est pas moins que la conversion de la nouvelle devise Chypriote revienne à une dévaluation par rapport à l’euro et transformerait son statut actuel de paradis fiscal.


C’est ce que l’Islande a fait. C’est aussi ce que la Russie a fait lorsqu’elle a fait défaut, dévalué et réémis des roubles dans les années 1990.


Que dirait la zone Euro si Chypre s’alliait à la Russie et lui offrait des bases militaires sur son territoire aux côté des bases Britanniques en échange d’un plan de sauvetage ? La Russie jouera un rôle clé dans l’avenir de Chypre. Ses intérêts et sa présence doivent être gérés avec beaucoup de prudence.


La question de Chypre est importante, bien que ce ne soit pas parce que l’île représente une importante portion de l’économie de la zone Euro –1% du total.


Mais Chypre met en lumière les erreurs fatales de la conception même de la zone Euro, et de sa devise sans réelle union fiscale, sans système de transferts, sans taxes communes…


Elle a également démontré la faiblesse des garanties offertes par les bureaucrates, non seulement en Europe mais aussi ailleurs, lorsqu’il en vient à la question de la monnaie.


C’est une leçon que tout banquier central doit garder à l’esprit. Et les bureaucrates devraient également se souvenir qu’ils ne peuvent pas franchir un certain seuil sans risquer de perdre la confiance des gens. Une fois cette confiance perdue, il leur sera très difficile de la regagner.


Il est une leçon que j’aimerais que les banquiers centraux puissent tirer de tout cela. Ils devraient se rappeler qu’une devise commune ne peut fonctionner sans une union monétaire, et donc une union fiscale et politique. Sans cela, un groupe puissant peut aisément tourner le système en son avantage tout en laissant tomber tous les autres.


Lorsque ceux qui défendaient la devise commune ont présenté leur projet, ce qu’ils désiraient vraiment était l’établissement d’un gouvernement mondial qui serait mis en place à la suite de la crise que leurs actions finiraient par provoquer.

Et malgré le plafonnement du marché des métaux précieux, souvenons-nous qu’il n’existe qu’une seule monnaie de dernier recours qui soit libre de tout risque de contrepartie. Cette monnaie, c’est l’or, et dans une moindre mesure la devise de référence mondiale, qui pour l’instant est le dollar.


C’est la confiance qui soutient l’intégrité d’un système basé sur le risque de contrepartie, et c’est cette confiance qui soutient la monnaie moderne. Lorsque cette confiance disparaît, les autorités monétaires font appel à la force. Et lorsque la confiance comme la force ne fonctionnent plus, une hyperinflation se développe. L'hyperinflation, sachez-le, est bien plus qu’une forte dose d’inflation.


Une hyperinflation est une perte totale de confiance, une panique monétaire.


Ce qui est un peu une ironie historique, c’est que les Allemands semblent encore une fois danser avec l’effondrement bancaire et l’hyperinflation, parce qu’ils s’imposent eux-mêmes les mêmes punitions collectives que celles qui leur ont été imposées dans le contexte dd’après-guerre. Oh, quelle ironie…

Le printemps est dans l’air.  Plus ça change, plus c'est la même chose.

Related: New Zealand Adopts 'Cyprus style' Levies to Protect Their Banks From Insolvency





Data and Statistics for these countries : New Zealand | All
Gold and Silver Prices for these countries : New Zealand | All
<< Previous article
Rate : Average note :4.8 (10 votes)
>> Next article
Comments closed
  All Favorites Best Rated  
Cet article est vraiment intéressant. Il explique, de manière simple et compréhensible, dans le contexte de crise actuel, ce que représente réellement la monnaie et les risques qu'elle fait courir à ses détenteurs.

La solution trouvée à Chypre, c’est-à-dire la confiscation d’une partie des dépôts bancaires, paraît, aux yeux de beaucoup, une mesure exceptionnelle et unique. Ce n’est pas le cas. Cette solution est une autre forme des moyens habituellement utilisés pour faire payer les errements de l'Etat et des banques à la population. D'habitude, les Etats dévaluent leur monnaie ou en fabriquent davantage (ce qui conduisait à de l’inflation). Mais dans le cas de Chypre, ces solutions traditionnelles sont impossibles à mettre en place dans un système de monnaie unique.
La seule solution est donc le prélèvement direct sur les comptes.

Cette mesure va se répéter ? Oui. Même les dirigeants européens ne se cachent plus pour l'affirmer. La solution de confiscation des dépôts bancaires (au delà de 100.000 EUR) deviendra la règle pour régler les problèmes futurs. Question subsidiaire : quel sera le prochain pays sur la liste ?
Rate :   5  0Rating :   5
EmailPermalink
Latest comment posted for this article
Cet article est vraiment intéressant. Il explique, de manière simple et compréhensible, dans le contexte de crise actuel, ce que représente réellement la monnaie et les risques qu'elle fait courir à ses détenteurs. La solution trouvée à Chypre, c’est-à-  Read more
MaximeV - 4/7/2013 at 12:13 PM GMT
Rating :  5  0
Top articles
World PM Newsflow
ALL
GOLD
SILVER
PGM & DIAMONDS
OIL & GAS
OTHER METALS