La vitre cassée, ou comment créer de la richesse en détruisant

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frédéric bastiat.
From the Archives : Originally published January 22nd, 2012
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Category : Fundamental Ideas

 

 

 

 

 Dans la sphère économique, un acte, une habitude, une institution, une loi n'engendrent pas seulement un effet, mais une série d'effets. De ces effets, le premier seul est immédiat; il se manifeste simultanément avec sa cause, on le voit. Les autres ne se déroulent que successivement, on ne les voit pas; heureux si on les prévoit. 

 

          Entre un mauvais et un bon Économiste, voici toute la différence: l'un s'en tient à l'effet visible; l'autre tient compte et de l'effet qu'on voit et de ceux qu'il faut prévoir.

 

          Voici comment débute ce texte de l'économiste et journaliste libéral français Frédéric Bastiat sur les effets superficiellement positifs à court terme, mais profondément néfastes à plus long terme, des interventions de l'État. Même s'il a été écrit il y a 150 ans, ce long article garde toute sa fraîcheur et sa pertinence et décrit exactement la nature du débat telle qu'on le vit encore aujourd'hui.  
   
          Bastiat y passe en revue les arguments fallacieux des illettrés économiques – les mêmes qu'on entend encore constamment – pour justifier que l'État se mêle de favoriser le crédit, de créer des emplois, d'empêcher la prolifération des machines, de restreindre l'épargne, ou de subventionner les arts. Douze domaines d'intervention sont analysés et chaque fois, Bastiat montre que les interventionnistes nous font toujours miroiter ce qu'on voit, mais omettent de considérer ce qu'on ne voit pas.  
   
          L'extrait qui suit démolit les arguments en faveur du cataclysme créateur de richesses, arguments qu'on a entendus par exemple de la bouche de l'illettré économique qui nous gouverne – Bernard Landry – lors de la crise du verglas il y a trois ans. Ceux qui voudraient lire le reste de cet article ou d'autres écrits du même auteur peuvent se rendre sur la page Frédéric Bastiat, où l'on trouve quelques textes de ce phare du libéralisme au 19e siècle.

 

 LA VITRE CASSÉE

 

Avez-vous jamais été témoin de la fureur du bon bourgeois Jacques Bonhomme, quand son fils terrible est parvenu à casser un carreau de vitre? Si vous avez assisté à ce spectacle, à coup sûr vous aurez aussi constaté que tous les assistants, fussent-ils trente, semblent s'être donné le mot pour offrir au propriétaire infortuné cette consolation uniforme: « À quelque chose malheur est bon. De tels accidents font aller l'industrie. Il faut que tout le monde vive. Que deviendraient les vitriers, si l'on ne cassait jamais de vitres? »


          Or, il y a dans cette formule de condoléance toute une théorie, qu'il est bon de surprendre flagrante delicto, dans ce cas très simple, attendu que c'est exactement la même que celle qui, par malheur, régit la plupart de nos institutions économiques.  
   
          À supposer qu'il faille dépenser six francs pour réparer le dommage, si l'on veut dire que l'accident fait arriver six francs à l'industrie vitrière, qu'il encourage dans la mesure six francs la susdite industrie, je l'accorde, je ne conteste en aucune façon, on raisonne juste. Le vitrier va venir, il fera besogne, touchera six francs, se frottera les mains et bénira de son coeur l'enfant terrible. C'est ce qu'on voit.  
   
          Mais si, par voie de déduction, on arrive à conclure, comme on le fait trop souvent, qu'il est bon qu'on casse les vitres, que cela fait circuler l'argent, qu'il en résulte un encouragement pour l'industrie en général, je suis obligé de m'écrier: halte-là! Votre théorie s'arrête à ce qu'on voit, ne tient pas compte de ce qu'on ne voit pasOn ne voit pas que, puisque notre bourgeois a dépensé six francs à une chose, il ne pourra plus les dépenser à une autre. On ne voit pas que s'il n'eût pas eu de vitre à remplacer, il eût remplacé, par exemple, ses souliers éculés ou mis un livre de plus dans sa bibliothèque. Bref, il aurait fait de ces six francs un emploi quelconque qu'il ne fera pas.   
   
          Faisons donc le compte de l'industrie en général  
   
          La vitre étant cassée, l'industrie vitrière est encouragée dans la mesure de six francs; c'est ce qu'on voit. Si la vitre n'eût pas été cassée, l'industrie cordonnière (ou toute autre) eût été encouragée dans la mesure de six francs; c'est ce qu'on ne voit pas  
   
          Et si l'on prenait en considération ce qu'on ne voit pas parce que c'est un fait négatif, aussi bien que ce que l'on voit, parce que c'est un fait positif, on comprendrait qu'il n'y a aucun intérêt pour l'industrie en général, ou pour l'ensemble du travail national, à ce que des vitres se cassent ou ne se cassent pas.   
   
          Faisons maintenant le compte de Jacques Bonhomme.   
   
          Dans la première hypothèse, celle de la vitre cassée, il dépense six francs, et a, ni plus ni moins que devant, la jouissance d'une vitre. Dans la seconde, celle où l'accident ne fût pas arrivé, il aurait dépensé six francs en chaussure et aurait eu tout à la fois la jouissance d'une paire de souliers et celle d'une vitre.   
   
          Or, comme Jacques Bonhomme fait partie de la société, il faut conclure de là que, considérée dans son ensemble, et toute balance faite de ses travaux et de ses jouissances, elle a perdu la valeur de la vitre cassée.   
   
          Par où, en généralisant, nous arrivons à cette conclusion inattendue: « la société perd la valeur des objets inutilement détruits, » – et à cet aphorisme qui fera dresser les cheveux sur la tête des protectionnistes: « Casser, briser, dissiper, ce n'est pas encourager le travail national, » ou plus brièvement: « destruction n'est pas profit. »   
   
          Que direz-vous, Moniteur industriel, que direz-vous, adeptes de ce bon M. de Saint-Chamans, qui a calculé avec tant de précision ce que l'industrie gagnerait à l'incendie de Paris, à raison des maisons qu'il faudrait reconstruire?   
   
          Je suis fâché de déranger ses ingénieux calculs, d'autant qu'il en a fait passer l'esprit dans notre législation. Mais je le prie de les recommencer, en faisant entrer en ligne de compte ce qu'on ne voit pas à côté de ce qu'on voit  
   
          Il faut que le lecteur s'attache à bien constater qu'il n'y a pas seulement deux personnages, mais trois dans le petit drame que j'ai soumis à son attention. L'un, Jacques Bonhomme, représente le Consommateur, réduit par la destruction à une jouissance au lieu de deux. L'autre, sous la figure du Vitrier, nous montre le Producteur dont l'accident encourage l'industrie. Le troisième est le Cordonnier (ou tout autre industriel) dont le travail est découragé d'autant par la même cause. C'est ce troisième personnage qu'on tient toujours dans l'ombre et qui, personnifiant ce qu'on ne voit pas, est un élément nécessaire du problème. C'est lui qui bientôt nous enseignera qu'il n'est pas moins absurde de voir un profit dans une restriction, laquelle n'est après tout qu'une destruction partielle.   
   
          Aussi, allez au fond de tous les arguments qu'on fait valoir en sa faveur, vous n'y trouverez que la paraphrase de ce dicton vulgaire: « Que deviendraient les vitriers, si l'on ne cassait jamais de vitres? »  
 

 

 

Article originellement publié par le Québéquois Libre ici

 

 

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Le raisonnement de Frédéric Bastiat qui est correct et plein de bon sens peut être compris même par un enfant de 7 ans . Pourquoi les journalistes d' aujourd'hui n' ont pas le bon sens qu' avait leur confrère Bastiat ? Ont ils moins de 7 ans d' age mental ou sont ils tous achetés- vendus a la pensée unique de l' idéologie au pouvoir ? Le "JE SUIS CHARLIE" représentation officielle de la France , soutenu par le gouvernement et tous les Médias , c' est la vitre cassée . On en voit les effets immédiats : Popularité de 13 a 41 % , fausse unité , etc.. Ils semblent positifs pour l' instant , mais a long terme .... Boycott des produits français dans le nord du continent Africain , la même ou la France comptait développer le futur marché qui ferait repartir ses exportations . Fureur des chefs d'Etat musulmans qui sont venus défiler contre le terrorisme et les assassinats et qui ont été pris en otage par la France qui les fait passer pour des " je suis Charlie " (donc je suis d' accord avec les blasphèmes) . Nous nous sommes tirés une balle dans le pied avec ce soutien inconditionnel a Charlie Hebdo , au lieu de faire l' unité de la nation contre les assassinats et les attentats des terroristes . Comme le Pape François l' a dit " insultez ma mère et je vous mettrais mon poing sur la figure " . La France a insulté les croyants , attention au coup de poing . Notre vitre cassée c' est le " Je suis Charlie " de la France , amplifié par tous nos médias . . R.L.G
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vous avez raison, le paradoxe des stats économiques c'est que le tsunami semble avoir dopé le PIB japonais. En fait c'est trompeur car les dépenses d'urgence sont effectuées vite (avec de la dette) mais que cela nuira à d'autres activités plus bénéficiaires au bien être des japonais.
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non dans les deux cas il y a simplement transfert de richesse:
dans le cas de la vitre du propriétaire vers le vitrier (et l'industrie vitrière)
dans le second cas du volé au voleur qui sans cela aurait pu s'acheter des chaussures etc

ceci pour souligner que l'effet économique est le même dans les deux cas, l'effet d'un accident ou d'un dommage n'est pas meilleur que le vol.

Il en est de même avec la redistribution à travers l'Impôt sauf que les fonctionnaires eux en profitent toujours à travers les coûts de ces politiques
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Je ne suis pas certain que vous ayez dû faire changer un carreau cassé par un vitrier ; moi, si et les résidus => poubelle et vu le danger des débris pas de recyclage ! <(:=))>
si la destruction génère quelque richesse collective que ce soit, alors, et comme on l' a même entendu le plus "sérieusement" du monde dans certains média !!!, les japonais doivent être très heureux d' avoir subi un tel ras-de-marée en 2011 !!... çà va sûrement être une sacrée opportunité pour l' économie nippone !
- les palestiniens doivent aussi remercier les israéliens de bombarder leurs villes et même en redemander ( ... le passage de F-16 est à l' évidence, tellement favorable à l' industrie du bâtiment ! ),
- comme on dit dans les cafés du commerce : "une bonne guerre, c' est çà qu' il nous faudrait" ( et donc vénérer la mémoire de Hitler et de Staline pour l' ampleur des dégâts matériels de la seconde guerre mondiale, ainsi que ceux dûs aux bombardements anglo-américains sur les villes d' Europe occidentale )
etc... etc...
il y a un moment où certaines "théories économiques" sont d' une ineptie tellement massive qu' il y a vraiment de quoi désespérer complètement de l' insondable connerie humaine.
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si on reprend cette histoire en remplaçant la vitre par un billet de 100€ et le cassage de vitre par un vol:

1 je détiens un billet de 100€ (au lieu d'une vitre en bon état
2 on me le vole ca profite au voleur (au lieu du vitrier)
3 je suis obligé d'en reprendre un autre à la banque pour aller faire mes courses (au lieu de réparer)

l'affaire est la même sauf qu'elle est un délit .... aucune création de richesse
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Le vice de cet exemple est que personne ne peut rien faire de la vitre cassée alors que le voleur profite du billet et que je puis aller en chercher un autre à la banque... si mon crédit le permet !
Donc perte de richesse pour la vitre et transfert de richesse pour le second. Discussion peu probante.
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Poussons plus loin. Si personne ne casse plus rien et que rien ne s'use ni ne se perfectionne sensiblement, justifiant d'un remplacement (p.e dans l'exemple la création du double-vitrage), il ne reste qu'une variable qui est l'évolution de la population en nombre.
Il est par exemple illusoire de croire que le prix de l'immobilier va baisser sensiblement tant que la population augmente. mais si, comme en Allemagne, la population décroît, alors les propriétaires peuvent s’inquiéter. Sauf à compenser par des résidences secondaires...
Alors quoi faire pour rétablir les équilibres ? Pour faire diminuer les déficits ? Il existe une solution simple : le contrôle de la durée de vie, interdire la durée de fin de vie longue et improductive. Alors la masse des retraites et des soins diminuera et un grand pas sera fait vers les équilibres.
Par ailleurs les progrès techniques fulgurants poussent bien évidemment à la consommation. L'exemple des outils de communications qui explosent en qualité et en nombre mais qui trouvent leur compensation budgétaire dans la réduction drastique d'autres dépenses si ce n'est dans le surendettement.
En réalité tout se tient et arrivera le temps où il sera aussi important d'étudier les liaisons que les éléments. Nous sommes depuis le scientisme, spécialisés dans l'analyse; il va être temps de passer à la synthèse ou plutôt aux synthèses.
Et revenir, après plus de 2000 ans d'études des éléments, à la science la plus importante des égyptiens pharaoniens, les liaisons symbolisées dans les hiéroglyphes.
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RLG - 1/22/2015 at 2:51 PM GMT
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