Les hommes et femmes de la mème-o-sphère, où les notions collectives naissent telles des gouttes de pluie tombées du ciel, ont récemment décidé que les Etats-Unis étaient entrés à plein régime dans un marché haussier – une condition de prospérité tout aussi supérieure à une banale reprise que peut l’être un bon camembert à un babybel. Telle est la fantaisie du moment, qui vient s’ajouter à des mèmes comme… ‘nous avons encore assez de gaz de schiste pour subvenir à nos besoins en énergie pour ces cent prochaines années’ ou encore ‘le marché de l’immobilier (l’industrie de construction suburbaine) est en plein rebond’. Nous faisons une bien triste nation d’imbéciles heureux …
Vous pouvez être certain que lorsqu’une nation est dirigée par des hommes qui n’ont plus aucun contact avec la réalité, les conséquences ne peuvent être que catastrophiques. Ils détruisent systématiquement notre confiance dans ce qui est susceptible de nous venir en aide et nous dirigent au pas de course vers une tyrannie (où la réalité n’a plus aucune importance) ou une anarchie (où la réalité ne peut plus être gérée). C’est ce qu’il se passe lorsque les nations perdent la tête. Même quand elles se trouvent avec à leur tête des personnages qui plus tard se voient qualifiés de diaboliques (Lénine, Hitler), ce triste processus se développe librement parce qu’au moment où il fait son apparition, il semble être une bonne idée – c’est là toute la tragédie de l’histoire humaine. Aux yeux des Russes de l’époque, le Bolchevisme semblait être une idée de génie. Aux yeux des Allemands en banqueroute, le Nazisme était la solution à tous les problèmes.
Je ne suis pas certain du terme à employer pour décrire l’absence totale de réalité dans laquelle se baignent actuellement les Etats-Unis, bien que je puisse y voir un air des idées ridicules que sont celles de l’exceptionnalisme Américain et de l’indépendance énergétique des Etats-Unis, et du slogan tant aimé des hommes politiques selon lequel ‘ensemble, nous pouvons accomplir tout et n’importe quoi’. Et en parlant de slogans politiques, avez-vous regardé un instant l’un des nombreux écrans géants disposés dans les centres commerciaux du pays (le cauchemar de tout Orwelien)qui présentaient récemment une diversité ethnique pacifique à en donner la larme à l’œil, des chants et poèmes si inoffensifs qu’ils en percent les oreilles, et au beau milieu de tout ça, Obama le grand et son bouquet de platitudes si banal qu’il aurait pu être écrit par des étudiants de première année de l’Université de Droit d’Harvard sur une table au fin fond d’un restaurant Wagamama. Malgré ses jacasseries au sujet de ses cheveux gris et de la sagesse que les Hommes gagneraient en vieillissant, je n’ai pu déceler aucune idée dans le discours d’investiture de Mr. Obama qui n’était pas sensée flatter un bloc identitaire ou qui n’imitait pas les tropes du Grand Livre des Discours.
Voilà un certain temps que je me soucie du destin des Etats-Unis : tous les excès de notre temps entraîneront une campagne qui défendra à tout prix un statu quo qui puisse nous permettre de soutenir l’insoutenable. C’est là l’idée qui se cache derrière tous les discours politiques de notre époque, et tout particulièrement derrière la grande fraude qu’est celle de la monnaie. Nous savons bien que nos petits conforts de vie modernes nous glissent entre les doigts et nous sommes prêts à tout pour les en empêcher, y compris nous mentir à nous-mêmes à tel point que nous croyions réellement pouvoir nous construire une contre-réalité joyeuse. C’est ce qui se cache derrière les politiques de faible taux d’intérêts et la manipulation des marchés de la Fed. La Fed pompe ses 90 milliards de dollars par mois, et l’indice Standard & Poor gonfle à en exploser alors que des milliers de familles sont ajoutées à la liste des bénéficiaires de coupons repas et que les banques s’assoient sur suffisamment de propriétés saisies pour pouvoir en couvrir tout l’Indiana, et que des jeunes étudiants endettés de 25 ans se droguent à la vodka et au Xanax parce qu’ils savent bien que même la banqueroute ne les sauvera pas de la pénurie la plus totale.
Il semblerait que parfois, au cours de l’Histoire, les nations se perdent. Les choses se dérouleraient bien mieux si nous ouvrions les yeux sur ce qu’il se passe vraiment : une contraction économique après plus de 200 ans d’expansion des ressources énergétiques et des réserves de matières premières. C’est la nature de notre monde de faire que les choses suivent des cycles et des pulsations, et nous venons d’entrer dans un cycle qui demande à ce que des changements soient faits. Nous devons réduire l’activité humaine, la simplifier, et la localiser. Nous devons nous débarrasser de WalMart, de la globalisation, du besoin incessant de nous asseoir derrière le volant d’une voiture et cesser de nous occuper des affaires des autres… Malheureusement, c’est quelque chose que nous ne semblons pas capables de nous imaginer… Telle est la sécheresse d’esprit de laquelle nous sommes les victimes.