Les débuts historiques de l'École économique autrichienne (3)

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From the Archives : Originally published July 22nd, 2012
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 Ce texte a été publié pour la première fois en 1962 dans sa traduction espagnole – El Establecimiento Histórico de la Escuela Austriaca de Economía. La version anglaise ne fut publiée qu'en 1969 sous le titre The Historical Setting of the Austrian School of Economics par Arlington House. Et il existe une traduction italienne datant de 1992 – La Collocazione Storica della Scuola Austriaca di Economia. Nous publions ici la première partie du texte dont la traduction française a été réalisée par Hervé de Quengo.

 

II. La place de l'École autrichienne dans l'évolution de l'économie

 

1.      « L'École autrichienne » et l'Autriche


          Quand les professeurs allemands attachèrent l'épithète « autrichien » aux théories de Menger et à ses deux successeurs et continuateurs les plus anciens, ils utilisaient cet adjectif dans un sens péjoratif. Après la bataille de Koniggrätz – 1866, où les Prussiens de Guillaume 1er remportèrent une victoire nette contre l'armée autrichienne –, la qualification d'une chose comme autrichienne avait toujours cette coloration désobligeante à Berlin, ce « quartier général du Geist » comme l'avait appelé Herbert Spencer de façon sarcastique[17]. Mais l'insulte recherchée eut un effet de boomerang. Rapidement, la désignation « École autrichienne » fut célèbre dans le monde entier.

          Bien entendu, la pratique consistant à attacher une étiquette nationale à un courant de pensée est nécessairement trompeuse. Seuls très peu d'Autrichiens – et de non-Autrichiens d'ailleurs – savent quelque chose en économie, et le nombre d'Autrichiens que l'on pourrait qualifier d'économistes est encore plus réduit, aussi généreux que l'on puisse être en conférant ce titre. De plus, au sein des économistes nés autrichiens certains d'entre eux ne travaillaient pas dans la lignée de ce qu'on appelait l'« École autrichienne ». Les plus connus étaient les mathématiciens Rudolf Auspitz et Richard Lieben, puis plus tard Alfred Amonn et Joseph Schumpeter. D'un autre côté, le nombre des économistes étrangers se consacrant à poursuivre les travaux inaugurés par les « Autrichiens » était en croissance régulière. Il arriva parfois au début que les tentatives de ces économistes britanniques, américains, ou d'autres nationalités non autrichiennes, durent faire face à une opposition dans leur propre pays et qu'ils furent ironiquement appelés « Autrichiens » par leurs critiques. Mais après quelques années, toutes les idées fondamentales de l'École autrichienne furent à tout prendre acceptées comme partie intégrante de la théorie économique. Au moment de la mort de Menger (1921), personne ne distinguait plus aucune École autrichienne du reste de l'économie. L'appellation « École autrichienne » devint le nom attribué à un chapitre important de l'histoire économique; ce n'était plus le nom d'une secte particulière défendant des doctrines différentes de celles des autres économistes.

          Il y avait, bien sûr, une exception. L'interprétation des causes et du déroulement des cycles économiques que l'auteur de ces lignes a fourni, tout d'abord dans la Théorie de la monnaie et du crédit[18] et finalement dans son traité L'Action humaine[19] sous le nom de théorie monétaire du cycle économique, fut appelée par certains auteurs « théorie autrichienne du cycle économique ». Comme toutes les étiquettes nationales de ce type, on peut également critiquer cet usage. La théorie monétaire est une continuation, un élargissement et une généralisation d'idées initialement développées par l'école britannique de la Currency school et de certains ajouts qui lui furent faits par des économistes ultérieurs, parmi eux le Suédois Knut Wicksell.

          Comme il est devenu inévitable de se référer à cette dénomination nationale, l'« École autrichienne », on peut ajouter quelques mots sur le groupe linguistique auquel appartenaient les économistes autrichiens. Menger, Böhm-Bawerk et Wieser étaient des autrichiens allemands: ils parlaient allemand et écrivaient leurs livres en allemand. Il en est de même de leurs étudiants les plus éminents – Johann von Komorzynski, Hans Mayer, Robert Meyer, Richard Schüller, Richard von Strigl et Robert Zuckerkandl. En ce sens, l'oeuvre de l'École autrichienne fait partie de la philosophie et de la science allemandes. Mais parmi les étudiants de Menger, de Böhm-Bawerk et de Wieser, il y avait aussi des Autrichiens n'étant pas de langue allemande. Deux d'entre eux se sont distingués par des contributions de premier plan: le Tchèque Franz Cuhel et Karel Englis.
 

2. La portée historique de la querelle des méthodes


          L'état particulier de la situation idéologique et politique allemande au cours du dernier quart du dix-neuvième siècle engendra le conflit entre deux écoles de pensée dont sortirent la Methodenstreit (querelle des méthodes) et l'appellation « École autrichienne ». Mais l'antagonisme qui se manifesta au cours de ce débat ne se confine pas à une période ou à un pays précis. Il est éternel. La nature humaine étant ce qu'elle est, il est inévitable dans toute société où la division du travail et son corollaire, l'échange sur le marché, ont atteint une intensité telle que l'existence de chacun dépend du comportement des autres. Dans une telle société, chacun est servi par ses semblables et, inversement, est à leur service. Les services sont rendus volontairement: afin qu'un homme fasse une chose pour moi, je dois lui offrir quelque chose qu'il préfère à l'abstention de faire cette chose. Le système tout entier est construit autour de ce caractère volontaire des services échangés. Des conditions naturelles inexorables empêchent l'homme de se consacrer à une jouissance insouciante de son existence. Mais son intégration dans la communauté de l'économie de marché est spontanée, et résulte de ce qu'il comprend qu'il n'y a pas de meilleure (ni en l'occurrence d'autre) méthode de survie possible pour lui.

 

Cependant, la portée et les conséquences de cette spontanéité ne sont comprises que par les économistes. Tout ceux qui ne sont pas familiers avec l'économie, c'est-à-dire l'immense majorité des gens, ne voient aucune raison pour laquelle ils ne devraient pas obliger les autres par la force à faire ce que ces derniers ne veulent pas faire d'eux-mêmes. Que l'appareil de contrainte physique utilisé dans de telles tentatives soit celui des forces de police du gouvernement ou la force d'un piquet de grève illégal dont la violence est tolérée par le gouvernement, ne fait aucune différence. Ce qui compte, c'est le fait de substituer la contrainte à l'action volontaire.

          En raison d'un ensemble donné de conditions politiques que l'on pourrait qualifier d'accidentelles, le rejet de la philosophie de coopération pacifique fut, dans les temps modernes, initialement développé sous la forme d'une doctrine détaillée par les sujets de l'État prussien. Les victoires obtenues lors des trois guerres de Bismarck intoxiquèrent les savants allemands, dont la plupart étaient des fonctionnaires du gouvernement. Certains considèrent comme une marque significative le fait que l'adoption des idées de l'École de Schmoller fut plus lente dans les pays dont les armées furent battues en 1866 et 1870. Il est bien entendu ridicule de chercher le moindre lien entre le développement de la théorie économique autrichienne et les défaites, échecs et frustrations du régime des Habsbourg. Pourtant, le fait que les universités d'État françaises se tinrent à l'écart de l'historicisme et de laSozialpolitik plus longtemps que celles des autres nations était certainement, au moins dans une certaine mesure, dû à l'étiquette prussienne attachée à ces doctrines. La France, comme tous les autres pays, devint un bastion de l'interventionnisme et de l'économie contrôlée.

          L'apogée philosophique des idées glorifiant l'intervention du gouvernement, c'est-à-dire l'action de gendarmes armés, fut atteinte par Nietzsche et Georges Sorel. Ils inventèrent la plupart des slogans qui guidèrent les boucheries du bolchevisme, du fascisme et du nazisme. Des intellectuels exaltant les délices du meurtre, des écrivains préconisant la censure, des philosophes jugeant les mérites des penseurs et des auteurs d'après leurs réalisations sur les champs de bataille plutôt que d'après la valeur de leurs contributions[20], sont les leaders spirituels de notre époque de lutte perpétuelle. Quel spectacle que celui offert par ces auteurs et professeurs américains qui attribuaient l'origine de la constitution et de l'indépendance politique de leur propre nation à une ruse destinée à protéger des « intérêts particuliers », tout en lorgnant avec envie vers le paradis soviétique de la Russie!

          La grandeur du dix-neuvième siècle consistait dans le fait que, dans une certaine mesure, les idées de l'économie classique devinrent la philosophie dominante de l'État et de la société. Elles transformèrent les traditionnelles sociétés de statut en nations de citoyens libres, l'absolutisme royal en gouvernement représentatif et, par-dessus tout, la pauvreté des masses de l'ancien régime en bien-être pour le grand nombre dans le laissez faire capitaliste. Aujourd'hui, la réaction de l'étatisme et du socialisme est en train de saper les fondations de la civilisation occidentale et de son bien-être. Peut-être que ceux qui affirment qu'il est trop tard pour empêcher le triomphe final de la barbarie et de la destruction ont raison. Quoi qu'il en soit, une chose est sûre: la société, c'est-à-dire la coopération pacifique des hommes dans le cade de la division du travail, ne peut exister et fonctionner que si elle adopte une politique que l'analyse économique déclare adaptée à l'obtention des fins recherchées. La pire illusion de notre époque est la confiance superstitieuse mise dans des panacées qui – comme les économistes l'ont démontré de manière irréfutable – sont contraires aux buts poursuivis.

          Les gouvernements, les partis politiques, les groupes de pression et les bureaucrates de la hiérarchie de l'éducation pensent pouvoir éviter les conséquences inévitables des mesures mal adaptées en boycottant et en réduisant au silence les économistes indépendants. Mais la vérité demeure et est à l'oeuvre, même si personne ne peut la proférer.

 

17. Cf. Herbert Spencer, The Study of Sociology, 9ème édition (Londres, 1880), p. 217.
18. En 1912 et 1924 pour les éditions de langue allemande, en 1934, 1953 [et 1980] pour les éditions en langue anglaise.
19. Première édition, Yale University Press; [4ème édition en langue anglaise, Foundation for Economic Education, 1996] 20. Cf. les passages cités par Julien Benda, La Trahison des clercs (Paris, 1927), annexe, note O, pp. 292-295. 

 

Article originellement publié par le Québéquois Libre ici

 

 

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@ Pépin : vexé ? Je suis très très très heureux d'avoir tapé là où ça fait mal. Le fait que vous ayez censuré mon commentaire me prouve à quel point j'avais vu juste. Vous êtes un vieux sans intérêt.

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pauvre pepin vous avez le don d agacer par vos remarques tjrs negatives et a force vous prenez une volee de bois vert.ensuite tjrs le meme scenario vous prenez tout le monde a temoin et faites la victime. voila que maintenant vous entrez ds le juridique .et bien dites donc il ne doit pas etre facile d etre votre voisin.qd a moi j aime vous agacer car vous tombez ds tous les panneaux .concernant le site j ai essaye de le quitter mais ils doivent bien m aimer car impossible de me desabonner .alors je reste prisonnier certes mais je sais pas me virer de ce bazard allez a plus pepin et gambergez pas trop ds le fond on vous aime bien.qd au voie de fait que vous evoquez c est la voie de droite ou de gauche qui compte.
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"moisi du slip", mouarf, je la replacerai celle-là :-))))
Pour le reste : pfffffffffffffff
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Oui, de fait, elle est trop MDR ! celle-là. ;-)))

Et pour le reste, ben... je comprends, mais ça permet dêtre parfois surpris par des quolibets originaux et inattendus, non ?

Clin d'oeil à Bibi. ;-)

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Merci pour Bibi la rebelle et bise à toi. Un moyen pour vous deux de correspondre autrement ?
cher daniel pepin est un narcissique manipulateur dangereux a cotoyer.moi j adore le taquiner il tombe a chaque fois ds le panneau pepin prolix le dernier des gaulois.mais comme il est tres attache au fond des comm il piaille ss cesse sur les accents les fautes.enfin l essentiel comme d hab.si vous chercher un doc en pleik desarrois et au bord de la crise de nerf y a fred p le zorro des virus le terminator des micobes qui soit dit en passant m a traite il y a peu de cloporte.vous voyez daniel il ya les gros mots autorises et les autres et enfin ceux de pepin ou frederic p
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en parlant de comm Mossieur Pepin il me semble que le votre a ete balaye par le moderateur .a moins qu entre potes on s arrange pour eviter de laisser vos comm de psychopates.allez le moisi du slip y faut assumer regardez notre casque bleu il envoie ss peur mais avec brio...che! a propos de train sec le votre y doit l etre hein pepinos .aie ouille ca va donner!vive Pepin Prolix le dernier des gaulois!
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Comment voulez-vous que je sois d'accord avec ce constat :

"La grandeur du dix-neuvième siècle consistait dans le fait que, dans une certaine mesure, les idées de l'économie classique devinrent la philosophie dominante de l'État et de la société. Elles transformèrent les traditionnelles sociétés de statut en nations de citoyens libres, l'absolutisme royal en gouvernement représentatif et, par-dessus tout, LA PAUVRETE DES MASSES DE L'ANCIEN REGIME EN BIEN-ETRE POUR LE GRAND NOMBRE DANS LE LAISSEZ FAIRE CAPITALISTE"

En quoi les pseudos esclaves des manufactures, des mines, des fonderies et des chemins de fer avaient quelques choses à envier aux sujet de sa majesté ?

Le bien être pour le plus grand nombre apparait au XXème siècle et certainement pas au XIXème. Et l'école autrichienne et plus généralement tout les extremistes du tout libre échange sont à peu près contre tout (sécu, congés payés, enseignement public...).

Pour moi, la politique menée par de Gaulle reste celle qui correspond le mieux à la France. Elle était équilibrée, juste et ferme. Même si il est inconcevable de pouvoir refaire la même politique de nos jours, il est important d'en garder la ligne conductrice.

Les dogmatiques, ceux qui prone le tout marché ou ceux qui prone l'absence de marché sont dangereux économiquement car ils vendent du rêve...et délivrent finalement un cauchemar. La Chine ne se posera pas ce genre de question théorique de politique économique et restera extremement pragmatique. Un laissez faire économique seulement lorsque c'est dans son intérêt. Un pouvoir politique fort capable de donner une vision à long terme et de donner les impulsions necessaires. Donc, faites confiance aux "autrichiens" et vous verrez qu'il ne restera plus que 2 types de français en moins de 5 ans : ceux qui font les nems et ceux qui finissent en nems.

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et zoppas il nous reste le socialocapitalisme comme disait mon granny coeur a gauche portefeuille a droite. p..... je suis sur que si on essaie ca marche.au fait je crois qu on est en plein dedans!
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ça pour être dedans...:=)
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et bien c est definitif l autriche ne fait pas recette.pourtant vienne et ses musiciens les valses la cathedrale st etienne les charcutailles et les jolies filles poilues ca aurait du le faire.a mon avis y en a pas un qui veut se prendre von mises.c est que le lulu il y voyait pas trop mal .
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J'aimerais bien savoir ce que tu bois...

Ca a l'air d'être de la bonne came, amigo !

Tu n'en as pas quelques litres à vendre ?



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j ai bien bien un bon litre chaque jour a fournir gratos mais mon zizi porte pas assez loin pour arriver a vous.soit dit en passant la formule est simple elle commence par je vous p.... au c..!alors la je suis scie parceque pepinos va se dechainer ds son pre carre et en plus je mets tjrs pas d accent .pepin vous en etes un vrai de pepin pour ce site!au fait l intello vous en pensez quoi de papy Mises vous avez l air moins prolixe en economie ou politique qu en denigrement .alors le gaulois Pepin Prolix!
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la racine du mot constitue en l administration de la maison.il y differentes manieres d administrer son chez soi ttes valables et viables.il peut en etre de meme sur une plus grande echelle .la planete en est un exemple.la difference tient je crois a la quete poursuivie par les fondateurs d un systeme pyramidal de pouvoir par tous les moyens.et notre joli mot economie se trouve perdu ds un flot de systemes mafieux legalises qui par la corruption le copinage l alliance permet a une minorite de voyous de decider pour tous.l addiction au biens materiel finit par l indinvidualisme et jalousie qu elle provoque de paralyser toutes envies de revolte .notre minorite tient la totalite du systeme ds sa main de fer et joue avec au gre de ses humeurs et affinites.notre majorite addictive passe son temps a s autodetruire (avec qqs coups de main de la minorite si les choses trainent en route).bien sur tout ceci n est que fiction puisqu on nous repete qu il en est de notre faute si la maison est mal tenue et qu il etait grand temps que l on s occupe de nous.et pour bien s occuper de nous il ya la loi tjrs la loi.celle du plus fort . alors je ne crois pas qu un economiste qui fait bien son travail entre dans le cadre de cette loi. allez courage ils vont nous sortir du petrin vu que sur l enfarinage certains ont la formation requise.
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Daniel P. - 7/24/2012 at 7:23 AM GMT
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