Vers un nouvel ordre monétaire

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Thorsten Polleit
From the Archives : Originally published February 04th, 2011
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Category : Fundamental Ideas

 

[Ce discours a été prononcé lors du SIX 2010, Evénement du marché obligataire suisse].

On attribue à Henry Ford la phrase suivante : « C’est une bonne chose que les citoyens de notre nation ne comprennent pas notre système bancaire, parce que si tel était le cas, je pense que nous aurions une révolution avant le lever du jour».

L’esprit de ses paroles nous encourage à pousser sur l’avant-scène des interrogations concernant le système bancaire et monétaire, et cela en particulier en raison de la crise internationale du marché du crédit. La baisse des taux d’intérêts à un niveau proche de zéro et la croissance de la base monétaire réalisées par les banques centrales afin de soutenir le secteur financier sont-elles de bonnes choses ? La dépression sera-t-elle évitée si les gouvernements prennent en charge les bilans des banques et créent des déficits énormes dans une tentative de soutenir la production et l’emploi ?

Pour répondre à ces questions, un diagnostic des causes de la débâcle est indispensable et, une fois les causes identifiées, un remède approprié doit être formulé.

Le diagnostic établi par l’école autrichienne d’économie tient en essence en une phrase unique: les gouvernements sont la cause de la débâcle économique et monétaire parce qu’ils ont pris le contrôle de la production de monnaie.

La monnaie et le crédit

Pour expliquer cette conclusion qui tient en une seule phrase – ce qui évidemment risque de surprendre ou d’irriter de nombreuses personnes- il faut noter que la caractéristique principale définissant notre système monétaire actuel, c’est le monopole détenu par les banques centrales, elles-mêmes contrôlées par les états, sur l’offre de monnaie. Le dollar américain, l’euro, le yen, la livre britannique et le franc suisse partagent tous cette caractéristique essentielle d’être une monnaie produite par un gouvernement.

Qui plus est, ces monnaies sont produites par l’expansion du crédit de circulation, crédit qui n’est pas garanti par de l’épargne réelle. On peut même affirmer que les monnaies réelles sont produites à partir de rien du tout. C’est pourquoi ces monnaies sont souvent appelées fiat money : elles sont instituées par un décret du gouvernement et ne sont pas légalement convertibles en autre chose. Elles sont créées par opportunisme politique.

Les régimes de monnaies à cours forcé créent inévitablement des déséquilibres économiques parce que l’augmentation du crédit de circulation abaisse les taux d’intérêt du marché en dessous de leurs niveaux naturels, c'est-à-dire du niveau qui aurait prévalu dans le cas où l’offre de crédit n’aurait pas été augmentée artificiellement.

Le taux d’intérêt manipulé à la baisse induit une quantité d’investissement supplémentaire et provoque dans le même temps une augmentation de la consommation au niveau de revenus actuels, donc aux dépens de l’épargne. La demande monétaire excède les capacités de ressources de l’économie. Une offre de monnaie en augmentation pousse tôt ou tard les prix vers le haut que ce soient les prix des biens à la consommation ou les prix des biens d’investissements.

Qui plus est, les taux d’intérêts abaissés voire supprimés artificiellement, déplacent les ressources rares vers des processus de productions plus longs des biens d’investissements aux dépens des processus de production des biens de consommation et causent des distorsions inter-temporelles de la structure de production de l’économie.

“Dans un système de production de monnaie privée, le gouvernement et sa banque centrale seraient fermés et perdraient le contrôle sur la production de monnaie. »

Un boom causé par le crédit de circulation est économiquement non-viable, donc non durable et il doit forcément être suivi d’une récession. Si l’injection de crédit additionnel et de monnaie à cours forcé (produite à partir de vent) était un fait isolé, il ne faudrait probablement pas longtemps pour que le boom artificiel n’implose. Une récession restaurait l’équilibre économique.

Malheureusement cependant, dans nos systèmes monétaires actuels, l’augmentation du crédit et de la monnaie à cours forcé n’est pas un fait isolé et unique dans le temps. Dès qu’une récession approche, l’opinion publique exige des mesures pour la combattre et les banquiers centraux augmentent l’offre de monnaie et de crédit encore plus. Ils portent ainsi les taux d’intérêts à des niveaux encore plus bas. En d’autres termes, la politique monétaire contrecarre la correction de la débâcle en recourant aux actions du type même de celles qui ont causé la débâcle dans un premier temps.

Une telle stratégie peut fonctionner occasionnellement. Mais dès que l’expansion du crédit se ralentit, c’est à dire que les banques commerciales cessent de se prêter l’une à l’autre- l’ajustement prend place inévitablement. Les emprunteurs sont en cessation de paiements et les firmes liquident les investissements non rentables et créent du chômage.

Plus un boom artificiel est maintenu en vie longtemps, plus le niveau d’investissements non rentables qui doivent subir ensuite une correction va être élevé et plus les pertes d’emplois et de chiffre d’affaires vont être élevées.

Mises avait reconnu que le fait de pousser les taux d’intérêts vers le bas, à des niveaux encore moins élevés, ne résoudrait pas le problème mais conduirait au contraire à un désastre encore plus grand. Il a écrit :

« Il n’existe pas de moyen pour éviter l’effondrement final d’un boom produit par l’expansion du crédit. La seule alternative possible est la suivante : soit la crise arrive plus vite parce qu’elle est le résultat d’un abandon volontaire de l’expansion du crédit, soit elle est retardée mais se termine par une catastrophe finale et complète du système monétaire sous-jacent. »[1] 

Intervention et réforme

Si l’on se rallie au diagnostic établi par l’école autrichienne d’économie, deux observations importantes doivent être faites. En premier lieu, la circulation du crédit et de la monnaie à cours forcé à un taux d’intérêt plus bas ne va pas, ne peut pas, éviter un désastre créé par trop de monnaie et de crédit. En second lieu – et cet aspect peut ne pas attirer l’attention des gens au premier coup d’œil- les tentatives constantes des gouvernements pour contrecarrer les corrections économiques vont détruire le peu d’organisation du marché libre restante.

Dans son livre intitulé Interventionnisme, Mises explique que les interventions sur le marché ne peuvent pas créer un système permanent d’organisation économique. Il écrit :

« Si les gouvernements ne les abandonnent pas et ne permettent pas le retour à une économie de marché libre, s’ils persistent obstinément dans leurs tentatives de compenser au moyen d’interventions supplémentaires les défauts de leurs interventions précédentes, ils vont finir par s’apercevoir qu’ils ont adopté le socialisme » [2]

L’interventionnisme dans le cadre des affaires monétaires – et en particulier dans le cas du contrôle de la production monétaire par les gouvernements- ont causé des dégâts à grande échelle.

Il existe un bon nombre d’économistes qui ont identifié les graves problèmes économiques et éthiques causés par la monnaie à cours forcé. Parmi eux, les plus importants sont Ludwig von Mises, F.A. Hayek et Murray Rothbard. Ils recommandent une privatisation de la production de monnaie, qui permettrait de préparer la voie à une monnaie saine, une monnaie compatible avec les principes d’une société de marché libre, une monnaie qui ne cause pas de cycles conjoncturels de boom-and-bust (cycle de boom-et-récession).

Dans un système privé de production de monnaie, les gens décideraient librement quelle sorte de monnaie utiliser. Une telle monnaie serait probablement garantie par de l’or mais elle pourrait également être ancrée dans un autre média (par exemple l’argent ou le platine). Le gouvernement et sa banque centrale fermeraient et perdraient le contrôle sur la production de monnaie. Et à partir de là, le taux d’intérêt serait déterminé uniquement par les forces du marché en présence au lieu d’être le fruit de l’action du gouvernement.


Conclusion

Le fiasco monétaire global actuel est un bon moyen de se rappeler qu’il est grand temps de mettre en place une réforme monétaire dans le cadre de référence défini par l’école d’économie autrichienne. C’est la seule manière de protéger et de maintenir la liberté des personnes et le bien-être économique.

Murray Rothbard a écrit que “Mises, pratiquement à lui seul, nous a offert le paradigme correct d’une théorie économique, d’une science sociale et, pour ce qui est de l’économie, il est grand temps que ce paradigme soit adopté dans tous ces aspects” [3]. Et ceci est particulièrement vrai pour la théorie monétaire de Mises.

Ainsi, si l’on souhaite avoir une vue positive du progrès de la civilisation, il est nécessaire qu’un système monétaire futur soit un système monétaire de marché libre tel qu’imaginé par l’école autrichienne d’économie – et que l’ère de la monnaie à cours forcé prenne fin.


Notes

[1] Ludwig von Mises, Human Action (Auburn: Ludwig von Mises Institute, 1998), p. 570.

[2] Ludwig von Mises, Interventionism (New York: Foundation for Economic Education, 1998), p. 91.

[3] Murray Rothbard, "Ludwig von Mises and the Paradigm for Our Age," Mises Daily, August 18, 2009.

 

 

 

 

 

Thorsten Polleit

 

 

Thorsten Polleit est professeur honoraire à l’Ecole de Finance et de Management de Francfort

 

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