Mes chères contrariées,
mes chers contrariens,
Nous évoquions, dans le dossier
d'hier, que la crise actuelle était pire que celle de 1929. Nous
pointions également à notre sens les erreurs fondamentales
d'analyses et les postulats erronés qui président aux actions
des banques centrales partout dans le monde.
Nous apprenons aujourd'hui, que :
La FED ne sait pas ce qu'il faut faire,
selon l'un de ses dirigeants
Richard Fisher, président de la
FED à Dallas, a déclaré mercredi que « la Banque
centrale des États-Unis (FED) n'a absolument aucune idée de ce
qu'il convient de faire pour sortir l'économie américaine de
l'ornière ».
Il insiste en expliquant que « la
vérité, cependant, est que personne au sein du Comité de
politique monétaire de la FED (FOMC) ou de la Banque centrale ne sait
réellement ce qui entrave l'économie ».
Il conclut en disant : « Personne
ne sait ce qui marchera pour remettre l'économie sur la bonne voie.
»
Alors que la croissance
économique américaine n'arrive pas à repartir, la FED a
décidé de se lancer dans de nouveaux rachats de titres de
créances immobilières à raison de 40 milliards de
dollars par mois et annoncé qu'elle continuerait tant que « la
perspective du marché du travail ne s'améliorerait pas
nettement ».
M. Fisher (le gouverneur de la FED de
Dallas) estime pour sa part que « des milliers de milliards de dollars
prodigués abondamment par la Réserve fédérale
dorment dans les coffres des banques, des entreprises ou de fonds
monétaires et que continuer à inonder le marché de
liquidités ne mènera à rien ».
Néanmoins, il croit bon de nous
indiquer : « Je prie pour que cela marche. »
Dit comme cela de la part de nos
autorités monétaires, c'est sûr que c'est rassurant.
Il a exhorté une nouvelle fois
le Congrès américain à agir pour compléter
l'action de la FED au lieu « de tout faire pour décourager le
création d'emplois » en ne réglant pas la question de la
dette publique américaine et en contribuant ainsi à alimenter
un climat d'incertitude défavorable à l'investissement.
Son intervention s'est achevée
sur une note humoristique également fort rassurante puisqu'il a fait
la petite comparaison suivante à propos de la classe politique
américaine.
« Je suis tenté de
recourir à ce rapprochement éculé comparant notre
Congrès dévoyé à un équipage de marins
ivres, mais ceux d'entre vous qui sont patriotes pourraient en prendre
ombrage et faire valoir qu'une telle comparaison pourrait être
perçue comme une insulte aux marins ivres. »
Si nous résumons donc l'avis du
gouverneur de la FED de Dallas, l'économie américaine est un
bateau aux mains d'un équipage ivre et le capitaine ne sait absolument
pas quoi faire pour manœuvrer son bateau.
Ce n'est peut-être pas rassurant,
mais c'est exactement ce que je pense.
Proverbe japonais
« Si votre seul outil est un
marteau, tout ressemble à un clou. »
Par extension, pour les
économistes, le seul outil est la croissance, tout ressemble donc
à un besoin de croissance.
C'est ainsi que Dennis Meadows –
auteur du rapport du même nom – a résumé
très brillamment le problème intellectuel majeur qui se pose
à l'ensemble de nos économistes. Ils ont grandi et ont appris
le monde économique uniquement à travers le prisme de quelques
concepts peu nombreux qui sous-tendent l'ensemble.
Premier pilier de l'économie :
la croissance, éternelle et à tout jamais. Imaginer qu'une
croissance économique infinie dans un monde fini puisse un jour poser
un léger problème est un horizon pour eux indépassable.
Or, nous buttons sur la
raréfaction des ressources naturelles.
Comme le disait un ministre saoudien,
« l'âge de pierre n'a pas pris fin par manque de pierres.
L'âge du pétrole ne prendra pas fin par manque de pétrole
»… Mais parce que le pétrole sera trop cher. Il y en aura
toujours, ou presque, mais combien coûteront les dernières
gouttes ?
Le premier pilier se fracasse donc sur
la réalité d'une planète Terre qui est un espace fini.
Deuxième pilier de
l'économie : la répartition de la création de richesses
par le travail, pour toujours. Imaginer qu'un jour l'homme puisse s'abstraire
de la nécessité de travailler est une incongruité inconcevable.
Pourtant, en termes philosophiques, lorsqu'Adam et Ève sont
virés du Jardin d'Éden, où ces grands fainéants
ne travaillaient même pas 35 heures mais pas du tout, c'est parce
qu'ils ont péché. Certes. Mais ce qui est passionnant, c'est
que la punition, c'est d'être envoyés sur Terre et de devoir
travailler.
Sauf que... dotés
d'intelligence, Adam et Ève, ainsi que leurs descendants, vont
s'échiner pendant quelques millénaires à mettre leur
créativité au service de leur travail. Toute l'aventure
technique humaine, de l'invention de la roue à celle du palan, a pour
objectif de faciliter le travail de l'homme.
Au bout de ce processus arrivent
évidemment les robots, capables de nous remplacer dans toutes les
tâches ingrates de production.
Dès lors, le pilier du travail
comme vecteur de répartition des richesses dans l'économie
s'effondre lamentablement.
Troisième pilier de
l'économie : la croyance dans un progrès forcément
linéaire et perpétuel. Il ne peut pas y avoir de recul, de
marche arrière. On oublie que le Moyen Âge suit l'Empire romain
dont les connaissances techniques et l'organisation des villes avaient
atteint un niveau étonnant. Il faudra attendre 1 000 ans environ et la
Renaissance pour mettre fin à cette période
ténébreuse.
Ce troisième pilier n'est donc
pas plus solide que les deux premiers, quand bien même certains me
feront remarquer que tout n'était pas aussi noir au Moyen Âge.
Certes, mais cela reste dans l'épaisseur du trait.
L'économie va
considérablement évoluer
Dans les cinquante prochaines
années, les fondements même des théories
économiques actuelles – qui sont toutes héritées
ou presque de la révolution industrielle, où le Web 2.0, les
Smartphone, les robots n'étaient conceptualisables par personne
– vont vaciller et tomber les uns après les autres.
L'économie n'est pas figée.
Les cadres d'analyse actuels ne sont plus efficients pour les raisons que
nous venons de voir.
Beaucoup travaillent à
établir de nouvelles façons d'imaginer le monde d'après.
Car, oui, comme vous l'aurez compris,
et comme l'a déjà compris Monsieur Fischer le gouverneur de la
FED de Dallas, nous nous dirigeons à grands pas vers le monde
d'après. Toutes les périodes de transitions sont douloureuses.
C'est ce qui s'appelle la crise. Nous y sommes.
D'ailleurs, ce n'est pas les derniers
chiffres de l'économie française qui vont contredire cette
affirmation.
La France connaît le plus fort
repli du secteur privé depuis avril 2009 en septembre
L'activité dans le secteur
privé français (celui qui in fine crée la seule et
véritable richesse) a enregistré en septembre son plus fort
repli depuis avril 2009, accélérant sa contraction aussi bien
dans l'industrie manufacturière que dans les services, selon l'indice
PMI publié jeudi 20 septembre.
L'indice composite de l'activité
globale en France est tombé à 44,1 points, contre 48 points en
août.
Pour mémoire, le seuil des 50
points marque la frontière entre les périodes d'expansion et de
récession.
L'indice de l'industrie
manufacturière s'effondre à 42,6 points contre 45 en
août, soit un plus bas en 41 mois, et celui de l'activité de
services chute à 46,1 points après 49,2, soit un plus bas en
quatre mois.
Les entreprises interrogées
signalent une diminution du volume des carnets de commandes pour le 7e mois
consécutif, avec un taux de repli au plus haut depuis plus de trois
ans.
Les fabricants français
signalent également le plus fort repli des nouvelles commandes
à l'export depuis 40 mois.
Conséquence logique, le volume
du travail en attente enregistre une baisse marquée, ce qui
entraîne de nouvelles réductions d'effectifs.
Cet indicateur avancé de la
réalité économique confirme plusieurs
éléments importants.
L'économie mondiale ralentit, ce
qui impacte négativement nos exportations.
Le chômage va continuer de
croître puisqu'il n'y a pas assez de travail.
La France est déjà en
récession et cette dernière sera aggravée par les
mesures d'austérité fiscales.
Notre pays vient donc de rejoindre le
club des pays européens enferrés dans le cercle vicieux de la
dépression économique. Mais rassurez-vous, c'est l'Europe
entière, y compris l'Allemagne, qui finira par être aspirée
par ce trou noir.
Ce n'est une bonne nouvelle pour
personne, mais il n'y a aucune façon de sortir de la crise de
façon indolore. Le problème, c'est que tout le monde veut le
croire et que personne ne s'est préparé au pire.
Il est temps désormais, et rares
sont ceux qui se plaignent d'avoir pris trop de précautions.
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