Un Noël tunisien pour les santons

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Published : December 17th, 2014
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Le monde des santons tremble. Ces petites figurines peintes, grande tradition des crèches provençales, sont pointées du doigt par la République sociale, nationale et laïque. Non seulement les crèches – dont elles sont une composante essentielle – sont proscrites dans les bâtiments publics, comme au Conseil général de Vendée car elles représentent une menace dangereuse et inacceptable pour la laïcité républicaine, mais certains producteurs de santons sont aussi accusés d’être des traîtres au patriotisme économique.

 

L’un des coupables : Patrice Jarque, un santonnier qui a osé délocaliser 50% de sa production de l’autre côté de la Méditerranée, en Tunisie. Il explique : « cette partie de sous-traitance (en Tunisie), c’est une partie main d’œuvre. Nous avons gardé (en France) l’aspect traditionnel, l’aspect création et le savoir-faire ». Dans ce montage, il y voit un triple intérêt : il sauve l’emploi et le savoir-faire de ses salariés à Aubagne et en Provence ; il baisse son prix public de vente de 50% par rapport aux autres santonniers car la main d’œuvre tunisienne est 30% moins cher que la française ; il augmente ses parts de marché en séduisant des consommateurs qui pourront ainsi s’offrir des santons qu’ils ne pouvaient pas acheter auparavant.

 

Quel patron naïf ! Ne sait-il donc pas que dans la France de François Hollande, il vaut mieux rester totalement français quitte à liquider son entreprise et licencier ses employés plutôt que de délocaliser une partie de sa production afin d’être compétitif et de conserver des emplois locaux.

 

Les autres producteurs s’indignent : « c’est de la concurrence déloyale », « il casse le marché », « c’est fait à l’étranger »... Ainsi Claude Carbonel, producteur d’une des marques les plus répandues, avertit : « Si vous venez à la foire aux santons de Marseille, pas les autres foires, nous sommes les seuls à garantir que c’est fabriqué en Provence. » Marseille ou rien… Il faut donc protéger, coûte que coûte, le village gaulois des santons, comme le rappelle Paul Garrel, producteur à Rocbaron : « Quelques indépendants comme moi ont voulu un vrai label, à l'image d'une AOC, pour être reconnus. Nous n'avons jamais pu l'obtenir ». Mais maintenant que la Tunisie devient une menace, les choses changeront peut-être, un député va bien s’emparer de la cause… Car le cri d’appel est lancé, relayé par Thomas Barrutieta, organisateur de la foire de Carqueiranne : « Nous devons protéger le santon de Provence. » En attendant, un autre santonnier, François Gonsalez, se plaint de cette concurrence : « on paie nos charges, on paie notre TVA, on paie beaucoup de choses, d’ailleurs eux ils ne vont pas le payer tout ça. »

 

Ces commentaires, et bien d’autres, sont sidérants. Deux mots reviennent constamment : protection et taxes. Patrice Jarque ne paie pas les mêmes taxes que les autres et pour cause : il paie celles qui sont dues à la Tunisie, tout en payant celles qui sont dues à la France par ses employés, ajoutant à cela le prix de l’importation des marchandises. Il fait donc les choses légalement, mais c’est à peine s’il est accusé de marché noir ou de contrebande par ses collègues santonniers. Ceux-là proposent donc la seule solution qui leur semble applicable : la protection, c’est-à-dire ériger des murs pour empêcher l’importation des santons produits ailleurs, bloquer les productions en créant une AOC, en bref figer tout le secteur par un cahier des charges qui sera évidemment défini par la loi et donc par l’État.

 

Or en demandant à l’État de protéger le santon de Provence, de protéger la production artisanale locale, en se plaignant que Patrice Jarque devrait payer autant qu’eux, les autres producteurs ne se rendent pas compte qu’ils demandent en réalité la protection des taxes, des charges, des cotisations et de la TVA qui les écrasent[C1] .! Ils demandent ni plus ni moins à l’État de continuer son imposition massive, et ils confortent ainsi les Hollande, Valls, Aubry et autres Macron dans leur logique de protectionnisme économique.

 

Pour faire simple, les santonniers demandent la protection de ce qui les rend non-compétitifs. C’est le monde à l’envers… et c’est typiquement français car tant d’autres corporatismes ont la même attitude.

 

À aucun moment, les concurrents de Jarque ne sont sortis des cadres de la pensée unique économique qui gangrène l’activité française. Car au lieu d’en appeler à l’État pour protéger et enserrer encore plus une activité et au final la taxer plus, il vaut mieux interpeller l’État en tenant un discours contraire qui tiendrait en trois points.

 

Premier point, le constat : « Il y a une concurrence qui produit sa marchandise en Tunisie à des conditions fiscales meilleures qu’en France ce qui permet de baisser le prix de vente de 50% au moins. »

 

Deuxième point, le problème : « Actuellement, le poids des charges françaises ne permet pas de faire face à cette concurrence, ni de baisser le prix de vente. »

 

Troisième point, la solution : « Si nous voulons préserver le santon de Provence traditionnel, fabriqué en France, que l’État français cesse de faire peser des charges, des cotisations, des taxes et des règles qui empêchent d’être compétitifs. Alléger le cadre fiscal et le cadre réglementaire est le meilleur moyen de conserver notre production, de préserver nos emplois et d’attirer les clients par des prix plus bas. Ainsi nous pourrons faire face à la concurrence. »

 

Mais pour tenir un tel discours, qui relève du bon sens économique et commercial, il faudrait être convaincu que le marché est une bonne chose. Mais il n’est pas certain que tous les patrons d’entreprises français en soient convaincus.

 

Alors, dans cette belle République sociale et protectionniste, Patrice Jarque sera-t-il convaincu de haute trahison économique ? Servira-t-il d’exemple aux autres entrepreneurs français qui auraient l’idée saugrenue de vouloir être compétitifs ? Sera-t-on cloué au pilori à chaque fois que l’on voudra faire du business ?

 

En attendant, on peut toujours aller fêter Noël en Tunisie au lieu d’aller en Provence… c’est moins cher et on y trouvera une belle crèche de santons…

 

 


 [C1]Très bien dit !

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d'un côté la mondialisation et le capitalisme autorégulé qui ravage tout le tissu industriel et de l'autre le système fiscal et règlementaire étouffant qui étrangle toute velléïté d'initiative eutrepreneuriale. N'y a-t-il pas un juste milieu? On voit bien que toute les théories économiques sur l'avantage comparatif entre nations n'est que tartufferie. En délocalisant, on a tué le travail, point! Finalement il faut peut-être rétablir les barrières douanières, sortir de l'UE et alléger drastiquement la fiscalité pour tenter de redémarrer notre économie. Mais sincèrement, je crois que c'est mort, la récession est mondiale de toute façon et ce n'est pas le QE japonais qui va nous aider!.
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Sont peut être Masos ces gus ?
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Le coût de la main d'oeuvre est incompatible avec le pouvoir d'achat des clients.

En clair, le salaire super-brut est incompatible avec le net.

Et qui c'est-t-y qui se trouve à faire la différence entre le super brut et le petit net ??? C'est qui le responsable de la situation ???
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Hallucinant de lire un truc pareil. Des travailleurs indépendants qui demandent à l'état d'en remettre une couche au lieu de le pousser à se désengager et à foutre la paix aux entreprises...
Impossible de tomber plus bas sans creuser le sol....
Pôvre France !
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d'un côté la mondialisation et le capitalisme autorégulé qui ravage tout le tissu industriel et de l'autre le système fiscal et règlementaire étouffant qui étrangle toute velléïté d'initiative eutrepreneuriale. N'y a-t-il pas un juste milieu? On voit b  Read more
jeancharles971 - 12/18/2014 at 11:17 AM GMT
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