‘Le quartier le plus sauvage et le plus frénétique de New York, son quartier le plus terrible, le plus froid est le plus cruel est Wall Street. Des rivières d’or y confluent depuis le monde entier, et y apportent la mort. A Wall Street plus que partout ailleurs, il est possible de ressentir une absence d’esprit : des hordes d’hommes qui peuvent à peine compter jusqu’à trois, d’autres qui ont du mal à savoir ce qui vient après six, un mépris de la science pure et un respect démoniaque pour le présent. Et ce qu’il y a de plus terrible est que la foule qui emplit ses rues pense que le monde sera toujours le même, qu’il est de son devoir de garder la machine en marche, jour et nuit, indéfiniment… J’ai eu la chance de pouvoir voir de mes propres yeux le récent effondrement du marché des actions, suite auquel ils ont perdu des milliards de dollars, un amoncellement de monnaie morte partie se perdre dans la mer. Jamais encore, au milieu des suicides, de l’hystérie et des groupes de gens s’évanouissant, n’avais-je ressenti un tel sentiment de mort, de mort qui ne laisse aucun espoir, de mort qui n’est rien que pourriture, que devant ce spectacle terrifiant dénué de grandeur. Et moi, qui viens d’un pays où, comme l’a dit le grand Unamuno, ‘la terre rejoint le ciel quand tombe la nuit’, j’ai ressenti le besoin presque divin de bombarder cet abysse de ténèbres, dans lequel les ambulances venaient chercher les corps de suicidés aux mains couvertes de bagues’. Federico Garcia Lorca, A Poet In New York, octobre 1929
‘Le quartier le plus sauvage et le plus frénétique de New York, son quartier le plus terrible, le plus froid est le plus cruel est Wall Street.
Des rivières d’or y confluent depuis le monde entier, et y apportent la mort. A Wall Street plus que partout ailleurs, il est possible de ressentir une absence d’esprit : des hordes d’hommes qui peuvent à peine compter jusqu’à trois, d’autres qui ont du mal à savoir ce qui vient après six, un mépris de la science pure et un respect démoniaque pour le présent.
Et ce qu’il y a de plus terrible est que la foule qui emplit ses rues pense que le monde sera toujours le même, qu’il est de son devoir de garder la machine en marche, jour et nuit, indéfiniment…
J’ai eu la chance de pouvoir voir de mes propres yeux le récent effondrement du marché des actions, suite auquel ils ont perdu des milliards de dollars, un amoncellement de monnaie morte partie se perdre dans la mer. Jamais encore, au milieu des suicides, de l’hystérie et des groupes de gens s’évanouissant, n’avais-je ressenti un tel sentiment de mort, de mort qui ne laisse aucun espoir, de mort qui n’est rien que pourriture, que devant ce spectacle terrifiant dénué de grandeur.
Et moi, qui viens d’un pays où, comme l’a dit le grand Unamuno, ‘la terre rejoint le ciel quand tombe la nuit’, j’ai ressenti le besoin presque divin de bombarder cet abysse de ténèbres, dans lequel les ambulances venaient chercher les corps de suicidés aux mains couvertes de bagues’. Federico Garcia Lorca, A Poet In New York, octobre 1929