De la discrimination en matière d’adoption

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Published : December 03rd, 2012
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Mardi 27 novembre, cent députés socialistes ont signé une tribune intitulée Engagés pour l’égalité des droits, dans laquelle ils défendent le mariage et l'adoption pour les couples homosexuels, ainsi que la procréation pour les couples de femmes, grâce à la PMA (procréation médicalement assistée). Le manifeste souligne qu'il s'agit de la « première grande initiative collective de parlementaires sur ce projet de loi ».


Qu’est-ce que l’engagement pour l’égalité des droits ? « C’est combattre l'injustice, les inégalités, les discriminations », répond Mediapart, qui publie cette tribune sur son site. Au cœur de ce débat, il y a donc le sujet, ô combien épineux, de la discrimination et en particulier de la discrimination envers les homosexuel(le)s pour l'accès à l'adoption. François Hollande en avait fait un thème de campagne. Engagement n°31 : « J’ouvrirai le droit au mariage et à l’adoption aux couples homosexuels ».


Ce thème n’est pas nouveau. Il a été pour la première fois porté devant la Cour européenne des droits de l'homme il y a quinze ans et il vaut la peine d’en rappeler les termes, pour bien comprendre les enjeux actuels.


L’adoption pour tous ?


Tout commence en octobre 1991 quand Philippe Fretté, 37 ans à l'époque, enseignant et célibataire, entreprit les démarches nécessaires auprès de la Ddass (Direction départementale de l'action sanitaire et sociale) de Paris pour adopter un enfant, sans dissimuler à ses interlocuteurs qu'il était homosexuel. L'administration lui refusa l'agrément, invoquant son « choix de vie ». Dans un rapport du 3 mai 1993, la Ddass précisa que « Monsieur Fretté possède des qualités humaines et éducatives certaines», mais releva « l'absence de référence maternelle constante offerte par le requérant» et ses «difficultés à projeter dans le concret les bouleversements occasionnés par la vie d'un enfant ». Saisi, le tribunal administratif de Paris donna raison à l'enseignant, mais, en 1995, le Conseil d'État valida finalement la décision de la DDASS. Se jugeant victime de « discrimination fondée sur l'orientation sexuelle », Philippe Fretté décida alors de porter plainte contre la France le 1er avril 1997 devant la Convention européenne des droits de l'homme, invoquant la loi de 1966 (article 343 du code civil) qui ouvre le droit à l'adoption à toute personne célibataire, quel que soit son sexe.


Par quatre voix contre trois,  la France échappa à une condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme pour discrimination, sur la base des articles 8 et 14 de la Convention de 1950. Sur les quatre, un seul juge affirma qu’empêcher l'adoption d'un enfant à Philippe au seul motif qu'il est homosexuel était légitime. Les trois autres, peu à l'aise dans la gestion de cette affaire, préférèrent se prononcer sur la forme plutôt que sur le fond, invoquant le fait que Philippe avait subi « une violation de son droit à un procès équitable parce qu'il n'a pu assister à une audience du Conseil d'État faute de convocation »


Les trois magistrats minoritaires estimèrent au contraire qu'en interdisant l'adoption à Philippe Fretté, la France s'était rendue coupable de violation des droits de l'homme. Dans une « opinion dissidente » rendue publique en même temps que l'arrêt, les trois juges écrivirent : « A partir du moment où un système juridique accorde un droit, en l'espèce le droit à toute personne de demander l'agrément en vue de l'adoption, il ne peut, sans violer l'article 14 (qui interdit toute discrimination), l'accorder de manière discriminatoire ».


Aujourd’hui, c’est le point de vue de ces trois magistrats qui est retenu par le gouvernement français dans son projet de loi, soutenu par les députés de gauche. Mais il y a bien affrontement de deux camps : ceux qui disent que l’État est fondé à établir une discrimination pour l’accès à l’adoption et ceux qui dénoncent cette discrimination au nom de l’égalité des droits. Il y a le camp des conservateurs étatistes et le camp des progressistes étatistes.


En finir avec le monopole étatique de l’adoption


Et si, dans cette affaire, les deux avaient tort ? Le tort de considérer comme légitime le monopole de l’État sur l’adoption. Le problème de ce monopole, comme de tous les autres monopoles, c’est qu’il implique le droit de forcer les citoyens à supporter ou financer les préférences de l’élite ou du groupe majoritaire au pouvoir.


De plus, des chiffres montrent qu’un monopole de l’adoption ne semble pas fonctionner de manière optimale :


* Plus de 10 000 demandes d’adoption sont déposées chaque année, chiffre qui a presque doublé en 15 ans.


* En moyenne, il faut 9 mois pour obtenir un agrément qui a une durée de validité de 5 ans.


* Près de 30 000 familles agrées étaient toujours en attente d’un enfant en 2011.


* Aujourd’hui, 80% des enfants adoptés le sont grâce à l’adoption internationale.


* Mais les adoptions internationales en France sont passées de 3504 en 2010 à 1995 en 2011, soit une chute de -43%


Avec le vote de la loi sur le mariage et l’adoption pour tous, l’adoption à l’international risque de se réduire encore davantage. Beaucoup de pays étrangers ne tolèrent pas l’adoption par des couples homosexuels.


Aujourd’hui déjà, les candidats à l'adoption sont confrontés à des conditions durcies à l'étranger et à un faible nombre d'enfants légalement adoptables en France. Les enfants doivent en effet faire l'objet d'un « désintérêt manifeste » de la part de leurs parents biologiques, une notion complexe rarement décidée par la justice. C’est pourquoi certains souhaitent remplacer cette notion par celle de « délaissement parental », moins floue. 


Quoi qu’il en soit, le problème de l’adoption est d’abord un problème administratif. Les critères de sélection des enfants adoptables, comme des parents adoptifs, sont par nature des critères subjectifs. Or vouloir imposer une législation collective dans ce domaine, c’est nécessairement heurter les préférences individuelles et rendre impossibles les solutions contractuelles, plus souples, plus rapides et mieux adaptées aux différents besoins.


C’est pourquoi l’adoption ne doit pas rester seulement un service public mais doit aussi devenir un service rendu par des personnes privées sur la base de contrats. Ces personnes  pourraient ainsi décider, en leur âme et conscience, ce qui convient le mieux à l’intérêt des enfants. Elles pourraient également établir une légitime sélection entre les bons et les mauvais candidats à l’adoption (enfants ou parents), ce qui est la définition même du verbe discriminer : établir une différence.


 

 

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Damien Theillier est professeur de philosophie en terminale et en classes préparatoires à Paris. Il est l’auteur de Culture générale (Editions Pearson, 2009), d'un cours de philosophie en ligne (http://cours-de-philosophie.fr), il préside l’Institut Coppet (www.institutcoppet.org).
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Je persiste : "c'est de l'infantilisme que d'accorder ces mêmes droits aux homosexuels au nom de l'égalité".
On peut très bien trouver un statut juridique qui offre aux homos la possibilité d'une réelle solidarité (héritage, donation, réversion de pensions, etc). La formule de "mariage pour tous" est une formule de faux jeton qui veut brouiller les cartes, tromper au nom de l' "Egalité". L'homme n'est pas l'égal de la femme, la femme n'est pas l'égale de l'homme, ils sont DIFFERENTS. La différence fonde l'attrait du monde, c'est le monde duel, le domaine de la dualité qui permet l'évolution. Le chaud ne se conçoit pas sans le froid, la lumière sans l'obscurité, le léger sans le lourd, etc.. etc.. c'est d'un niveau tellement évident qu'on a honte de devoir le rappeler à des personnes qui sont sensés être "des êtres pensants".
Le mariage doit rester ce qu'il est : UNE UNION ENTRE DEUX PERSONENS DE SEXES DIFFERENTS en vue de fonder une famille (un troisième terme, qui fait accéder ainsi à la trinité à l'émergence du nouveau) et par là de découvrir, par l'ACCEPTATION DU MEILLEUR ET DU PIRE, ce qu'est un homme pour une femme et ce qu'est une femme pour un homme AFIN QUE CHACUN COMPRENNE CE QUI N'EST PAS LUI ET PARVIENNE A L'AIMER. C'est ça l'amour, accepter et comprendre la DIFFERENCE.
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Vous dites : l'adoption est avant tout un acte humanitaire qui doit être d'abord en faveur de l'enfant, et non un confort pour gens "qui n'ont pas le temps" de faire une grossesse.
Je suis d'accord mais ce n'est pas le sujet. Le sujet c'est l'adoption pour les couples homos. Si l'on doit appliquer votre précepte, "l'adoption est avant tout un acte humanitaire qui doit être d'abord en faveur de l'enfant", vous comprenez bien que nous ne disposons pas à l'heure actuelle d’assez de recul sur cette question pour savoir les conséquences pour l'enfant de la présence de deux pères ou de deux mères. Mais cela ne reste de toute façon qu'un argument statistique qui n'a pas grande valeur, et c'est ce qui nourrit la controverse. Vouloir tenter cela c'est faire une expérience. Avons-nous le droit -et au non de quoi- d'EXPERIMENTER pour savoir si un enfant ne souffrira pas du manque d'une personne de l'autre sexe pour son équilibre ? Le simple bon sens répond que non.
Les êtres humains depuis le commencement du monde sont élevés par des êtres de deux sexes différents et prennent à chacun d'eux ce dont ils sont besoin pour leur croissance. Voir ce qui se passera si... ou s’imaginer qu’il ne se passera rien, c'est jouer les docteur Mabuse! Et enfin, est-on bien sur de savoir apprécier ce qui se passera ? et selon ce qui se passera n'y aura-t-il pas des dizaines d'explications divergentes pour justifier ou infirmer ceci ou cela et venant des plus grandes sommités de ce monde qui... se trompent comme tout le monde !
En ce domaine il n'y a pas parole d'évangile et décider au nom de "l'égalité des droits" qu'un homo peut adopter c'est de l'infantilisme. L' "égalité des droits" est un concept qui se décline dans les rapports sociaux, pas dans le domaine de l'éducation d'un être humain. L'enfant a un droit, celui d'être éduqué dans les meilleures conditions, c'est l'évidence. Le père et la mère ont sur l'enfant des droits et surtout des devoirs, égaux sans doute, mais cela ne suffit pas à prétendre qu'ils jouent le même rôle, ni qu'ils ont le même poids à tel ou tel moment de sa vie, qu'ils seraient interchangeables comme des pièces d'un moteur.
Le mariage et l'adoption d’enfants par les homos dissoudra notre société déjà bien mal en point et quand le mal sera fait on ne pourra pas revenir en arrière, voilà ce qui n'est pas dit. Il y a des apprentis sorciers, des expérimentateurs sans moralité, qui, on nom de « l'égalité » sont prêts à utiliser les enfants pour leur propre profit, leur propre plaisir et non agir dans l'intérêt de l'enfant. Elever un enfant n'est pas un plaisir, n'est pas un dû, c'est une lourde responsabilité.
On sait aujourd'hui statistiquement que les enfants élevés sans père deviennent plus facilement délinquants... imaginons quand ils auront deux mères et point de père, ils seront maternisé doublement car même une lesbienne masculinisée reste une femme... pratique le maternage, l'incestus, ne veut qu'une chose c'est que son enfant "ne manque de rien" (incestus) alors qu'avancer dans la vie c'est apprendre à se passer de tout et à commencer de sa mère. La mariage homo est un féminisme qui ne dit pas son nom. Voilà ce que vous ne lirez jamais nulle part car le Clergé Homo Lesbien veille... avec à sa tête le parti socialo-maçonnique !
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Vous n'avez pas compris mes propos. La simple conclusion avec un terme tel que "parti socialo-maçonnique" est une marque de non réflexion de votre part malgré la magnifique emphase de vos phrases qui laissent à penser que vous êtes doué de grande réflexion.
De plus, vous argumentez, sans sources, qu'un couple homo est nocif pour le développement de l'enfant. C'est votre avis. Je vous rappelle simplement que je n'ai en aucun cas stipulé quoi que ce soit à ce sujet dans mon post.

Pourtant le sujet est en partie, comme vous le dites, le problème de l'orientation sexuelle, et surtout de la discrimination entre couples mariés/pacsés, et personnes célibataires. J'élude totalement l'orientation sexuelle de ma réflexion. Je suis d'accord avec vous, c'est un sujet peu connu et dont on (je) ne connaît que peu les répercussions. Si vous avez des sources, je suis intéressé.

Pour revenir à ma réflexion, je suis outré des conséquences de ces discriminations. L'exemple qui illustre au mieux mon précédent post est qu'un enfant est mieux avec un/des parents adoptifs en lieu sûr, qu'être orphelin livré à lui-même au Darfour. Et aussi le fait que l'on choississe son enfant à adopter me choque au plus haut point, ce n'est pas l'adoption d'un chien à la SPA!!! Il est injuste que l'on permette ce genre de discriminations arbitraires à l'adoption.

L'enfant sera mieux éduqué, aura une meilleure psychée, et un meilleur avenir s'il est sorti d'un milieu hostile et dangeureux, quand bien même son/ses parent-e-s d'adoption ont des moeurs différentes de la ligne morale comtemporaine.

Donc, en conclusion, limiter les adoptions de ces enfants aux seuls couple hétérosexuels mariés, et les laisser choisir leur enfant selon des critères arbitraires est autant de réduction de chance pour ces enfants en détresse sociale et surtout humaine de trouver un avenir prometteur. Est-ce réellement moral ?

À vous de choisir : une utopique société d'idéaux moraux où chacun pense et vit de la même manière ou une société pragmatique et consciente que certaines réalités sont parfois contradictoires avec les convictions de chacun.

Ce débat va bien au-delà de la discrimination du/des parent/s adoptifs. Se limiter à cela, c'est oublier le principal protagoniste de l'adoption : l'enfant. Et c'est cela que je veux faire remarquer.

Comme on dit : de deux maux, on choisit le moindre. Et vivre au milieu des mines, de la prostitution, et de la famine me semble bien plus nocif pour le développement d'un enfant qu'avoir des parents homo dans un pays en paix et civilisé.
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Bonjour,
merci de votre long développement. Vous dites que mes propos sont "une marque de non réflexion de ma part malgré la magnifique emphase de mes phrases qui laissent à penser que je suis doué de grande réflexion".
Je ne pense pas mériter une critique aussi radicale et définitive (non réflexion), pimentée de compliments si outranciers qu'ils sonnent faux...
Vos mots ont dû dépasser votre pensée. Je pense avoir été clair. Une réflexion plus poussée mériterait un long développement que mon ectivité professionnelle intense en ce moment ne me permet pas.
Je le regrette et vous prie de m'en excuser. Recevez mes salutations cordiales,
augustin
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Le Français permet d'écrire une idée en mille phrases différentes, mais qui chacune sera comprise de mille manières différentes.

Si j'ai été véhément, je l'accorde, c'est parce que, connaissant des personnes homosexuelles, je ne vois pas ce qui les différencie tant des autres personnes alors que vous dites que c'est de l'infitilisme que d'accorder ces mêmes droits aux homosexuels au nom de l'égalité. C'est un non-sens pour moi! Ou nous sommes tous égaux, ou non. Comme dirait Coluche : "certains sont plus égaux que d'autres". Mais cet entre-deux est dangereux, cela ouvre les portes à des dérives que nous avons déjà connues en Europe il n'y pas si longtemps.
Ce n'est, de plus, pas cohérant. Que dire de personnes bi-sexuelles par exemple ?

Mais, je pense que vous avez compris la finalité de mes propos qui s'oriente sur le bien-être d'un enfant qui est en détresse et dont on sacrifie les espoirs sur l'autel de la moralité et de la législation alors qu'il ne cherche qu'un toit et un bon avenir.

Bonne journée à vous.

Roger
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Ne jamais oublier que les personnes qui souffrent le plus de l'(in-)adoption sont les orphelins, et non les parents. Et les lois ne se préoccupent guère que des parents et de leur "moralité" (un concept, je le rappelle, évolutif dans le temps et contextuel).

Et si ces lois étaient réellement anti-dicriminatoires, Laetitia et Jean-Philippe Smet (Halliday) n'auraient pas pu choisir précisément des Viêtnamiennes, mais se seraient vu imposer les enfants qui en avaient le plus besoin à ce moment-là, comme l'on fait pour la sélection d'un receveur d'organe. Car, l'adoption est avant tout un acte humanitaire qui doit être d'abord en faveur de l'enfant, et non un confort pour gens "qui n'ont pas le temps" de faire une grossesse.

Partant de ce principe, on ne peut retenir les orientations sexuelles, et autres, des futurs parents.
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augustin - 12/5/2012 at 9:05 AM GMT
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